"La politique de reconstruction nécessitera une forme d’union nationale"

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François Bayrou était ce matin l'invité de la matinale d'Europe 1. Retrouvez ici l'intégralité de l'entretien.

Jean-Philippe Ballaste – Bonjour François Bayrou.

François Bayrou - Bonjour.

Jamais sans doute un Président de la République aura été aussi critiqué, dénigré, plus bas que terre dans les sondages. Serez-vous ce matin, François Bayrou, l’homme qui tend la main à François Hollande ?

Ce n’est pas du tout la question. Être impopulaire, avoir des difficultés dans l’opinion, cela n’est pas grave si on fait quelque chose, si on est dans une action, dans une volonté, si on prend des décisions  et si ces décisions sont appliquées. C’est très fréquent dans l’histoire que ceux qui agissent rencontrent des difficultés de popularité. Mais ce n’est pas cela qui se produit. Ce qui est frappant aujourd’hui - et vous en êtes le témoin tous les jours - c’est que l’on fait des annonces, on débat sur les annonces, il y a des polémiques sur les annonces et on ne fait rien. En tous les cas, rien qui ne soit perceptible, sensible. Les changements annoncés dont certains pourraient aller dans le bon sens, on ne les voit pas s’appliquer dans la réalité. Et alors on a un débat complètement surréaliste dans lequel un certain nombre de tendances disent "il faut changer de politique", alors que la politique annoncée n’est pas appliquée.

Sauf que tout le monde constate, tout le monde tire sur l’ambulance, mais finalement personne ne propose rien de concret ?

On peut proposer des choses concrètes et qui changeraient la situation mais entendez bien que la première chose qu’il y aurait à faire, c’est que les décisions annoncées soient appliquées. Je vais prendre un exemple très simple que tout le monde a à l’esprit. On nous a dit qu’il fallait un choc de simplification. On nous a dit cela il y a six mois, il y a un an et d’ailleurs cela avait été dit avant. Qu’est-ce que l’on a simplifié ? Vous, vous êtes un observateur attentif, vous scrutez l’actualité.

Ce que vous nous dîtes c’est "en gros tant qu’à être impopulaire autant y aller à fond" finalement ?

Ce n’est pas y aller à fond. Le problème le plus important des années que nous vivons c’est que l’opinion publique, les citoyens, les familles sont saisis d’un immense doute en face de l’action politique qui dit et ne fait pas. C’est l’application dans la réalité des annonces qui est complétement défaillante et totalement absente. Tout ça s’amenuise au fil du temps, tout cela se perd comme l’eau dans les sables du désert.

On a tous à l’esprit l’idée qu’en France les dépenses publiques sont beaucoup trop importantes. On va crever le plafond du déficit une fois de plus. Cela fait combien ? 7 ans ininterrompus sous les deux majorités successives que l’on se trouve dans l’incapacité de maitriser nos finances publiques. Dans ces finances publiques, il y a les dépenses sociales. Et que fait-on ? Quelle est la première décision la plus apparente que le gouvernement prend ? C’est de créer le tiers payant chez les médecins. C’est-à-dire que plus personne n’aura à dépenser ou à avancer le prix de la visite chez les médecins même quand on est dans une situation confortable ou acceptable. Evidemment, cela va une nouvelle fois pousser dans le sens de la consommation médicale. Et d’ailleurs les médecins aussi ne sont pas très heureux parce qu’ils disent alors que leur acte médical se limite à un euro, ce qui est dévalorisant aussi pour leur travail. Et ceci est absolument contradictoire avec l’annonce que l’on va travailler sur les dépenses publiques en matière de santé. Tant que l’on n’aura pas un plan d’action d’urgence concerté, solide, dont on verra les grandes lignes et qui sera immédiatement appliqué, on sera dans cette espèce d’impasse et d’enlisement dans lequel le pays se perd.

On a l’impression que le Président est devenu aujourd’hui parfaitement inaudible. Vous êtes Président de la République, c’est la rentrée du Gouvernement aujourd’hui. Vous leur dites quoi à vos ministres ?

Si j’avais été dans cette responsabilité, ce n’est pas du tout comme cela que j’aurais agi.

Il ne va pas aller au bout François Hollande ?

Je dis depuis longtemps, depuis plusieurs mois, que je ne vois pas comment un pouvoir exécutif, présidentiel et un gouvernement, peuvent résister à ce degré d’impopularité de l’opinion. Spécialement dans les temps de crise, vous avez à prendre des décisions qui sont importantes, qui devraient être courageuses et qui devraient être appliquées, ce qui pour l’instant n’est pas vraiment le cas. C’est dure la crise. Quelle est la condition nécessaire pour sortir de la crise ? C’est qu’il y ait un soutien important de l’opinion publique, un soutien large. On ne demande pas l’enthousiasme mais que le pays dans son ensemble sente que l’on fait ce que l’on peut, que l’on fait ce que l’on doit.

Si on fait ce que l’on peut, et si on fait ce que l’on doit, il y a au moins une estime. Et cette estime est nécessaire pour que l’action publique soit solide. Ce n’est pas du tout le cas aujourd’hui par illisibilité et aussi par pusillanimité. On annonce et puis on ne fait pas vraiment, on slalome et on essaye d’éviter les principales décisions à tous égards.

Est-ce que l’on peut imaginer une politique d’union nationale François Bayrou ? Il y avait Jean-Vincent Placé hier matin qui disait "moi je fais appel au centre". Hervé Morin aussi quelques jours avant qui faisait appel à d’autres forces politiques. Est-ce que l’on peut imaginer que tous les partis français se mettent autour d’une table et trouvent une solution aujourd’hui au nom de l’intérêt national ?

La politique de redressement et de reconstruction nécessitera une forme d’union nationale. Qu’est-ce que cela veut dire une forme d’union nationale ? C’est-à-dire que en se mettant d’accord sur la volonté principale, celle qui organise les décisions et sur quatre ou cinq points essentiels du redressement du pays, on rassemble des forces jusque-là opposées ou en tous cas séparées. Ceci sera une nécessité pour que les français comprennent, sentent que quelque chose a changé, que l’on n’est plus dans la politique traditionnelle d’alternance, un coup les uns, un coup les autres et toujours les deux mêmes partis qui se succèdent au pouvoir sans que les choses changent réellement et sans que la politique change réellement. Ceci sera une nécessité. Mais pour qu’il y ait un jour ce changement de conscience, de prise de conscience nationale  et de volonté. Il y a une condition. C’est que les institutions changent. En tous cas, que les règles qui organisent la vie politique autorisent comme en Allemagne des rassemblements de forces différentes, des coalitions, une union de reconstruction du pays.

François Bayrou, sur l’antenne d’Europe 1, il y a quelques mois Caroline Roux parlait du pacte d’aquitaine entre Bayrou le Béarnais et Juppé le Bordelais. Une alliance en vue de 2017. Il y a quelques minutes mon ordinateur a fait bip. Alain Juppé annonce sur son blog qu’il est candidat aux primaires de L’UMP en vue de l’élection présidentielle de 2017. Cela vous étonne ?

Non, cela ne m’étonne pas. J’ai pour Alain Juppé beaucoup d’estime. C’est un mot que l’on n’utilise pas souvent en politique. C’est quelqu’un que je trouve solide, courageux, respectable et avec qui pour ma part j’ai une longue relation de confiance. C’est quelqu’un qui peut faire du bien au pays. Et je souhaite qu’il le fasse. Après, il y a cette histoire de primaire au sein de l’UMP. Il y a le retour de Nicolas Sarkozy qui est annoncé sur toutes les ondes.

Cela vous fait peur ?

Je n’ai aucun sentiment de cet ordre. Ni de peur, ni d’antipathie, ce n’est pas de cette manière que je fonctionne. Ce que je pense, c’est qu’il faut pour le pays que l’on ouvre une page nouvelle et pas que l’on revienne aux pages anciennes.

Mais il y a un attelage ce matin François Bayrou - Alain Juppé ?

En tous cas une solidarité qui n’est pas seulement aquitaine, qui est une solidarité de ceux qui sont républicains, démocrates et qui ont envie que le pays se rassemble plutôt que de voir le pays se diviser. Pour ma part, j’ai confiance et amitié avec Alain Juppé. Avec d’autres responsables de l’UMP aussi, je ne me limite pas à un seul. Mais c’est quelqu’un que je considère comme pouvant être un atout pour l’avenir du pays.

Pour les gens qui se demandent pour qui ils vont voter en 2017, ils peuvent se dire ce matin qu’il se passe quelque chose d’important dans la vie politique française, c’est que Alain Juppé est candidat aux primaires de l’UMP et que François Bayrou le soutient.

Je n’ai aucunement dit que je participerai aux primaires. Quand vous participez aux primaires d’un camp, vous vous engagez à respecter le résultat des primaires et pour ma part en tous cas, je ne suis pas lié par cette idée de camp. Je pense que ce qui a fait beaucoup de mal depuis des années, c’est que la politique soit toujours un camp contre l’autre camp. Et que l’on soit inconditionnel de son camp, ce qui entraine à soutenir beaucoup de bêtises. Et que l’on soit systématiquement hostile à l’autre camp même quand l’autre camp fait quelque chose de bien.

Tout mon effort est de convaincre les Français que l’on peut s’échapper à cette malédiction et à l’idée que c’est toujours deux partis qui gouvernent la vie politique. Pour ma part, j’ai dit ce que je pense d’Alain Juppé mais je ne me sens aucunement entrainé vers des primaires dont je ne crois pas que le mécanisme soit excellent.

Merci François Bayrou.

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