"Il faut à la tête de l'Etat quelqu'un de libre et d'intègre"

Marielle de Sarnez, députée européenne du Mouvement Démocrate et responsable des affaires étrangères au sein du Shadow cabinet, était l'invitée de "Oui Non" le 19 septembre 2011 sur LCI, où elle a réaffirmé la nécessité d'un centre indépendant de l'UMP et du PS et de l'émergence d'une majorité nouvelle.

Michel Field : Dominique Srauss-Kahn a-t-il été convaincant ? 

Marielle de Sarnez : Non. 

"Les voyous, les truands, les trafiquants, on les a installés au cœur de l’Etat", a déclaré hier François Bayrou dans un discours remarqué. Savez-vous qui est ce "on" ? 

L’Etat. Tout confondu, socialistes, UMP, successivement. 

L’Europe doit-elle accepter un effacement partiel ou total de la dette grecque ? 

Non, en aucun cas, on peut peut-être restructurer, mais pas de faillite. 

Une alliance Bayrou-Sarkozy est-elle en train de naître pour contrer Jean-Louis Borloo ? 

Non. 

Vous êtes sûre ? 

Oui. 

Cela ne se serait pas passé à l’insu de votre plein gré ? 

Fariboles ! 

Parmi les socialistes, François Hollande est-il le candidat le plus embarrassant pour les centristes ? 

Pas du tout. 

Vous parlez de plus en plus volontiers d’une majorité centrale, en connaissez-vous aujourd’hui les contours ? 

Oui, absolument. 

Et les partenaires ? 

Ce sera les Français qui le décideront. C’est le projet qui fera cette majorité nouvelle. François Bayrou l’a écrit dans son livre "2012 Etat d'urgence", la situation de la France est extrêmement grave, elle est extrêmement préoccupante, on voit bien la crise de l’euro, on voit la crise des finances publiques chez nous, on voit la crise morale, la succession des affaires qui dégringolent sur la tête des citoyens. Il va falloir une majorité de courage pour en sortir, et c’est exactement la proposition qui sera la nôtre. 

Revenons sur l’actualité d’hier : Dominique Strauss-Kahn ne vous a pas convaincue ? 

Non, très honnêtement, je ne sais pas ce qu’il est allé faire à la télévision. Il ne m’a pas convaincue, et même plus, j’ai eu comme un sentiment de malaise, je n’ai pas aimé ce moment de télévision. 

Pourquoi ? 

Parce que je pense que dans ces moments-là il faut peut-être garder un peu de distance, que l’on n’est pas obligé de s’exprimer tout de suite, que l’on peut laisser passer quelques semaines, le faire plutôt à l’écrit qu’à la télévision et peut-être tout simplement que l‘on peut s’excuser et pas se poser en victime. Et je n’ai pas tellement aimé qu’il se pose en victime hier soir. 

C’est l’absence d’excuses explicites qui vous a dérangée ? 

Qu’il s’excuse. Il a fait quelque chose qu’il n’aurait franchement pas dû faire. On attendait des excuses, et on a eu une espèce d’auto-justification avec la mise en cause de Nafissatou Diallo, je n’ai pas trouvé cela très sain. 

François Bayrou a un peu fait l’événement hier dans un discours remarqué, où il a dit en substance qu’il fallait nettoyer les affaires au Kärcher. "On les identifiait dans les cités, en fait elles sont au cœur de l’Etat", c’est quand même du grand Bayrou. 

C’est du grand Bayrou. Vous voyez ce qui nous dégringole sur la tête tous les jours, de l’affaire Takieddine, Djouhri, Tapie, Guérini, c’est insupportable. Donc on ne peut plus continuer avec un Etat comme ça, et on ne peut plus continuer avec cette espèce de guerre de clans qu’il y a eu dans la droite visiblement depuis 10, 20 ou 30 ans et qu’il y a eu à gauche aussi, alors heureusement qu’il y a une justice. 

Donc vous êtes un peu sur la ligne UMPS du Front National ; la dénonciation symétrique des deux forces ? 

Je suis bien loin de ce que vous citez, vous le savez très bien. Mais je crois en la démocratie et donc je crois que pour mon pays c’est au fond une perte de morale, une perte d’éthique, et c’est même une perte d’énergie. Vu le temps qu’ils passent dans tout ça, il y a quelque chose qui ne va pas, et, au moment où l’on doit relever nos manches pour avancer, ce n’est pas bon. 

Et comment on fait pour nettoyer tout ça ? 

Hé bien on installe un Etat exemplaire… 

Oui mais la République irréprochable, on nous l’a déjà vendue. 

Il faut mettre à la tête de l’Etat quelqu’un qui est intègre bien sûr, qui est honnête, mais surtout qui est libre, c’est-à-dire qui n’a aucune connexion avec toutes ces affaires, ces espèces d’économies souterraines, de deals souterrains… 

C’est peut-être pour ça qu’il n’a pas été élu jusqu’à présent ? 

Oui, mais peut-être la troisième fois sera la bonne ! 

Il a des prédécesseurs pour qui la 3ème fois fut la bonne. L’Europe doit-elle accepter un effacement total ou partiel de la dette grecque ? 

Alors on peut imaginer qu’on restructure, c’est-à-dire qu’on renégocie des taux d’intérêts, qu’on renégocie le temps que l’on donne aux Grecs pour rembourser. Cela aurait été le plus intelligent à faire depuis 2009, c’est-à-dire depuis bientôt deux ans ; on aurait économisé beaucoup de choses, mais tous ceux qui nous disent qu’il faut ou qu’il suffirait que la Grèce sorte de l’euro, ou fasse faillite pour régler la question grecque, nous envoient directement dans le mur, parce qu’il va falloir payer, beaucoup plus cher, et la faillite d’un Etat-membre c’est forcément la faillite de l’Europe. 

On pourrait imaginer à l’inverse que l’Europe accepte de passer un coup d’éponge sur une grande partie de la dette grecque ?

Oui, et qui paye ? Qui paye demain pour les banques ? Qui va payer demain pour le crédit qui se fera rare ? Et puis qui va payer demain quand les taux d’intérêt vont exploser ? Si vous montrez à tous ceux qui nous prêtent de l’argent dans le monde entier, que vous ne garantissez même pas un Etat-membre un peu faible chez vous en moment de crise, que vont faire les prêteurs ? Exiger des taux d’intérêts qui vont flamber. Et donc on va le payer très cher. L’Europe a été faite pour la solidarité, et cela serait bien qu’elle s’exerce vraiment, et que les Grecs conduisent un certain nombre de réformes de structures. Il faut réformer, il faut avoir une politique par exemple de collecte d’impôts qu’il n’y a pas en Grèce ; l’Eglise orthodoxe ne paye pas d’impôts, les armateurs ne payent pas d’impôts, il y a la question du budget de la Défense, et donc on pourrait faire les choses un peu plus intelligemment je crois. 

Il y a longtemps que les observateurs n’avaient pas trouvé un point commun entre Nicolas Sarkozy et François Bayrou sur le plan politique et là on a l’impression que Jean-Louis Borloo pourrait être ce lieu commun et crée une forme d’alliance objective. On a l’impression que ni l’un ni l’autre pour des raisons évidemment différentes ne veulent que Borloo aile jusqu’au bout ? 

Borloo fait absolument ce qu’il veut, il est dans la majorité présidentielle de Nicolas Sarkozy. Je pense qu’il a des liens avec Nicolas Sarkozy, qu’il en a eus, qu’il en a probablement encore, que son ambition n’est pas du tout la même que la nôtre… 

C’est une candidature un peu leurre, pour rameuter des voix vers Nicolas Sarkozy ? 

Oui, je crois vraiment que les candidatures potentielles annoncées depuis maintenant six mois, les candidatures du mois de septembre ne seront pas celles du mois de février, du mois de mars, ni du mois d’avril. 

Mais il porterait un préjudice à François Bayrou s’il allait jusqu’au bout ? 

Pas du tout, s’il y a des candidats de la majorité présidentielle qui sont candidats pour peser, s’affirmer, ripoliner la majorité présidentielle, tant mieux, c’est leur affaire. Mais nous pensons qu’il faut porter un projet extrêmement différent, qu’il faut tourner la page, qu’il faut un changement profond, qu’il ne faut pas la même équipe, avec plus ou moins untel ou unetelle, ça n’a pas d’intérêt. Les Français attendent une alternance, ils attendent qu’on leur offre des perspectives claires, qu’on change les choses, que l’on dépasse cette espèce de clivage droite-gauche. Il y a eu un sondage hier : 44 pour cent des Français ne se reconnaissent pas dans la droite et dans la gauche telles qu’elles sont, c’est cela qui m’intéresse. 

Les mauvaises langues disent que le président joue de la mandoline un peu auprès de François Bayrou, en lui disant qu’il pourrait être Premier ministre… 

Que François Bayrou se fasse draguer par la droite, par la gauche, je le vois… 

Non mais là spécialement par Nicolas Sarkozy. 

Autant par l’un que par l’autre, je le vois, je le note, cela m’amuse, mais c’est mal nous connaître. On a gagné une liberté, on a gagné une indépendance et cela fait notre force. 

Oui mais cela fait cinq ans que vous prêchez un peu dans le désert. Si à un moment donné Sarkozy dit à François Bayrou, d’une façon ou d’une autre, "tu peux être à Matignon après ma réélection"… 

D’abord, imaginez que peut-être cela fait des années que l’on nous propose des choses, et que l’on a dit non, et que si l’on a dit non c’est pour préserver cette liberté, cette indépendance, cette rigueur, cela va être extrêmement important dans les mois qui viennent. 

François Hollande n’est pas le candidat socialiste le plus à même de mordre un petit peu sur l’électorat Bayrou ? 

Pas du tout, d’abord la politique cela ne se fait pas comme ça dans une présidentielle. Attendons que le candidat soit désigné par les socialistes, et ensuite les Français regarderont, ils auront le choix. Je crois qu’il y a beaucoup de Français qui veulent que cela change, ils auront le choix entre deux approches, entre deux hommes, entre deux identités différentes et entre deux projets différents. 

Mais programmatiquement, il est plus proche de vous que ne l’est un Manuel Valls ou un Arnaud Montebourg non ? 

Manuel Valls dit des choses, notamment sur les promesses socialistes intenables, qui me vont parfaitement. François Hollande a essayé de se donner cette image un peu mendésiste, mais il a promis 60 000 à 70 000 postes d’enseignants alors qu’il sait parfaitement qu’on ne pourra pas le faire et que même si on pouvait on ne saurait pas le faire pour des problèmes de recrutement. Là je trouve qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Après, s’il y a des hommes politiques qui partagent notre point de vue, sur le fait que la France est dans un état d’urgence, dans une crise lourde, qu’il va falloir se donner du mal, qu’il va falloir attaquer les causes de la dette et du déficit, par exemple la question de la production ou la question du déficit du commerce extérieur, et que l’on ne va pas pouvoir annoncer que demain on va baisser les impôts parce qu’il va falloir les augmenter, alors s‘il y a des hommes politiques qui partagent ce diagnostic, bienvenue.

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