Grèce : "Nous sommes à un moment crucial de l'histoire"

Face au drame de la situation grecque, François Bayrou s'est dit atterré ce soir sur BFM TV de l'absence d'expression publique de la part des dirigeants français.

Bonsoir François Bayrou.

Bonsoir.

Merci d'être l'invité de BFM TV. Vous êtes président du MoDem, maire de Pau et un européen convaincu. De quelle façon regardez-vous cette crise grecque ? Êtes-vous atterré, effaré, inquiet ou totalement désespéré ?

Première chose, c'est l'extrême perplexité dans laquelle tout le monde est plongé, par une série de rebondissements qui, finalement, ne débouchent sur rien.

Alexis Tsipras a pris la parole tout à l'heure, il dit : « je vous demande de voter « non » pour un meilleur accord lundi matin, mais je reste dans l'Union européenne ».

Tout cela, c'est évidemment du brouillard. Alexis Tsipras dit aujourd'hui ce qu'il avait dit dimanche, mais comme il avait annoncé entre temps de grandes nouvelles et une grande déclaration, tout le monde a pensé qu'il allait choisir un cap différent ou retirer le referendum, ou appeler à voter « oui » sur un accord. Toutes choses qui ne se sont pas réalisées évidemment, et toutes choses qui donnent de ce gouvernement grec et de la façon dont la Grèce est gérée, le sentiment d'improvisation, de chaos, de retournements perpétuels qui, sont un très mauvais signe, un signe d'affolement du pouvoir grec qui doit retentir très fortement sur la population grecque. Là, on est à l'heure de vérité. Si j’osais une phrase plus souriante que la gravité des évènements – vous savez autrefois on disait - « c'est ici que les Athéniens s’atteignirent ». On est exactement au point où, en effet, le rendez-vous qui en fait se profilait depuis longtemps entre la réalité et les choix politiques, est atteint. Je ne vois pas de possibilité de sortie positive heureuse. Ou le peuple grec vote « oui », et Tsipras saute, ou le peuple grec vote « non » et la Grèce sort de fait de l'Union Européenne.

Ce n'est pas ce que dit Tsipras. Il dit aujourd'hui, « nous, nous voulons rester, continuer la discussion, nous serons plus forts lundi matin après un « non » victorieux au référendum, pour discuter avec les Européens ». Alors, comment doivent se comporter les Européens ? Ce soir, l'Eurogroup décide d'attendre le résultat du référendum.

Tout ceci n'a aucun sens. Toutes ces rodomontades, n'ont pas de sens. Je reconnais que la situation de la Grèce était une situation difficile, mais les promesses que Tsipras avaient faites – je crois l'avoir dit sur votre plateau – étant intenables, ne pouvaient déboucher que sur deux issues. Lla première issue c'est : « on les abandonne » et finalement on se heurte à la réalité, ou bien, on sort de la zone euro et si ce n'est pas de la zone euro, c'est de l'Union européenne. Vous voyez que tout ceci est un enchaînement implacable, comme souvent dans l'histoire.

François Bayrou, si vous étiez grec aujourd'hui, voteriez-vous « oui » ?

Je ne suis pas pris dans ce référendum, et je n'ai pas l'intention d'être pris. Ce que je vois, c'est qu'en réalité c'est un référendum sur deux sujets, non pas sur les propositions, mais sur la manière dont le gouvernement Tsipras conduit la politique de la Grèce et sur l'appartenance de la Grèce à l'Union européenne.

Tsipras dit que ce sont des mensonges.

Les mensonges ont été accumulés dans cette affaire et le gouvernement Tsipras en a tenu un certain nombre.

Donc il faut une position dure François Bayrou ? C'est-à-dire qu'aujourd'hui il vaut mieux être sur la position d'Angela Merkel et de Wolfgang Schäuble qui est le ministre des finances et de l'économie allemande qui dit « je ne vois pas d'issue possible », plutôt que sur celle de François Hollande qui dit « il faut un accord, il faut essayer de renégocier et continuer à discuter » ?

Vous avez bien de la chance si vous savez quelle est la position de François Hollande. Entre nous, vous avez aussi de la chance si vous savez quelle est la position d'Angela Merkel. Celle de Wolfgang Schäuble est autre chose. C'est un homme – moi j'ai beaucoup d’estime pour lui – lisible, qui a une thèse, une vision, une affirmation dans laquelle tous ceux qui s’intéressent au fond des choses peuvent se reconnaître, que l'on soit pour ou contre.

Il y a plusieurs choses qui ne vont absolument pas dans la situation que nous avons aujourd'hui. J'en cite une : on est plongé dans la crise depuis cinq jours, y a-t-il un Président de la République en France ? Je n'ai pas entendu François Hollande s'exprimer de manière approfondie, dire ce que voudrait le pays, parler au peuple de citoyens qui a de légitimes inquiétudes et indiquer quelle est la voie que la France recommande de suivre. On a des formules vagues, du type : « il faut continuer à négocier pour arriver à quelque chose ».

François Hollande a fait un conseil restreint sur la Grèce ce samedi matin …

Vous avez été au courant de ce qui est ressorti de ce conseil ?

Non, il y a eu des déclarations sur la robustesse de l'économie française et aujourd'hui il s'est exprimé au cours d'une visite en disant qu'il fallait continuer à discuter. Considérez-vous qu'il est absent et qu'il n'est pas au rendez-vous ?

C'est pire que cela. Il considère que la situation peut se passer de l'intervention du Président de la République française. Si c'était un autre, je dirais la même chose. On est dans une des crises les plus graves que l'Union européenne ait connue, et la plus grave, que l'euro ait connue depuis qu'ils existent. Le chef de l'exécutif français ne s'exprime pas sur le sujet comme les citoyens auraient le droit d'avoir un responsable public qui s'exprime.

Il a dit : « si les Grecs votent non, c'est la sortie de l'euro ». Doit-il plus intervenir ? On se souvient que lorsqu'on intervenait par exemple sur le référendum sur la Constitution européenne, le résultat n'était pas à la hauteur. Il y a peut-être aussi une volonté de ne pas braquer les électeurs grecs. C'est logique.

Moi, je ne souhaite pas que l'on intervienne dans la réflexion du peuple grec. Vous vous souviendrez peut-être que lorsque Monsieur Papandréou avait voulu faire un referendum, j'avais été de ceux – rares - qui avaient dit que c'était bien. C'était pour entériner un plan de mesures sérieuses. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel - persuadé par ce dernier - avaient dit « non, jamais, c'est irresponsable ». Et on avait retiré le referendum.

Était-ce une faute ?

Moi je pense que c'était bien de passer par le référendum. Aujourd'hui, la situation est si grave, et l'enchainement tellement implacable et inexorable, avec des conséquences majeures évidemment, que le Président de la République aurait dû s’exprimer solennellement dans une émission suffisamment argumentée et suffisamment longue. Il aurait dû approfondir cette chose. On a un peuple français et des peuples européens qui sont dans un très grave sentiment d’incertitude et qui ne comprennent rien. On pose au peuple grec une question, vous l’avez lue, qui est incompréhensible. C’est une question de 17 lignes mais qui fait référence à des textes qui sont des textes abstraits. Je trouve que les dirigeants européens n’assument pas vis-à-vis du peuple, et des citoyens européens, ils n’assument pas la responsabilité qui devrait être la leur.

Alors votre critique rejoint celle de Nicolas Sarkozy qui dit sur François Hollande « il n’a fait que recevoir Alexis Tsipras en lui faisant croire qu’il obtiendrait satisfaction alors qu’on savait bien que ce ne serait pas le cas. » Et Nicolas Sarkozy juge que le gouvernement grec a suspendu de fait, de lui-même, l’appartenance de la Grèce à la zone Euro. En fait pour lui c’est fini.

Oui, ce jugement n’est pas faux. Je vous le disais à l’instant. Que le peuple grec vote oui, et s’en est fini du gouvernement Tsipras, ou qu’il vote non, et s’en est fini de l’appartenance à l’euro, on est dans un moment extrêmement lourd. Est-ce que la France a été présente, a été à la hauteur de la situation ? Moi en vérité, j’ai vu deux personnes dans cette affaire : la première c’est Jean-Claude Juncker qui a été présent et actif, même s’il n’a pas pu rattraper toutes les fautes et toutes les bévues, mais il a été présent, à la hauteur de ce qu’un président d’institution européenne doit être, et Wolfgang Schäuble. Franchement on aurait souhaité qu’il y ait une voix française.

La voix française serait la voie de la médiation.

La voix française était en grande partie une voix hypocrite. En vérité François Hollande ménageait sa gauche, et faisait donc semblant, présentait toutes les attitudes pour qu’on le juge comme, plutôt du côté grec, et plutôt médiateur dans cette affaire. Mais il n’y a pas eu une proposition française, que nous ayons en tout cas entendue. Peut-être dans le secret des couloirs, y a–t-il des faux textes, ou des non-papiers - comme on dit dans ces instances - qui circulent. Peut-être. Mais c’est de l’histoire dont il s’agit. On n’est pas dans de la politique là. On est dans un moment crucial, dramatique, au sens de la dramaturgie grecque, de notre histoire.

Oui mais quand on dramatise l’histoire, quand surtout elle porte sur l’économie, il y a des conséquences financières, et vous savez bien que cela peut avoir des conséquences directes, par exemple, sur les marchés boursiers, si on dramatise la situation. Donc il faut dire la vérité, évidemment…

Qu’il y ait une part de rassurance, de tentative de rassurer…

Quand on est au gouvernement, a-t-on des obligations ?

Lorsque vous êtes placé par un peuple en situation de responsabilité sur les problèmes les plus lourds, au moins vous lui parlez, vous vous exprimez. Vous venez, Dieu sait qu’il y a suffisamment de plateaux, et suffisamment de journalistes avisés, dont vous êtes, pour simplement obtenir que le Président de la République s’exprime à la hauteur des problèmes qui se posent. Je suis atterré de cette absence dans laquelle les dirigeants français se sont installés et qui pour moi n’est pas à l’honneur de l’idée que nous nous faisons de l’engagement démocratique de responsables.

Deux questions pour finir, il nous reste deux minutes. Dans Le Monde, Nicolas Sarkozy dit « en 2017 l’opposition doit avoir un seul candidat ». Vous êtes d’accord ?

Cela dépend de ce candidat. Si on peut avoir un candidat qui soit à la fois volontaire et rassembleur, alors je trouverai que c’est bien. Si au contraire on se retrouve avec une proposition politique caractérisée par le clivage et l’affrontement, alors je ne trouverai pas que ce soit bon pour le pays. Nous sommes placés devant une responsabilité de proposer aux Français la meilleure voie pour s’en sortir, et cela dépend beaucoup de la personnalité qui sera la mieux placée à cet instant.

Nicolas Sarkozy a été primé par le jury prix de l’humour politique 2015 avec cette phrase « Pour désespérer de François Bayrou encore faudrait-il que j’aie un jour placé de l’espoir en lui ».

Alors je ne sais pas si cela valait un prix d’humour, mais il est vrai que Nicolas Sarkozy et moi-même avons l’un sur l’autre un jugement assez symétrique.

Vous ne fondez aucun espoir sur lui non plus ? C’est ce que vous dites ce soir.

Non, je fonde l’espoir sur le prix du tweet de l’humour politique l’année prochaine.

Merci beaucoup François Bayrou.

 

Je reçois la lettre d'information du Mouvement Démocrate

Engagez-vous, soyez volontaires

A nos côtés, vous serez un acteur de nos combats pour les Français, pour la France et pour l'Europe.

Chaque engagement compte !

Votre adhésion / votre don

Valeur :

Coût réel :

20 €

6,80 €

50 €

17 €

100 €

34 €

Autres montants

Qu'est ce que la déclaration fiscale sur les dons ?
Filtrer par