"François Hollande, assumez le choix réformiste et prenez des risques !"

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Le journal les Échos publie, lundi 7 janvier, une grande interview de François Bayrou. Le président du Mouvement Démocrate estime qu'il n'est "plus temps de ruser". "Assumez l'urgence politique qui s'impose, à la Mendès ou à la Schröder", lance-t-il au chef de l'État.

Que pensez-vous de la feuille de route du gouvernement pour les six mois à venir ?
Si l'on considère que la France est vraiment dans une situation critique, que nous vivons un crash au ralenti, et que notre modèle social n'y résistera pas, alors les annonces de cette rentrée sont très éloignées du nécessaire. Les déclarations du Premier ministre, ce sont de bonnes intentions, des formules sympathiques, plutôt sociales-démocrates, assez floues pour qu'il soit difficile d'être en désaccord. Mais l'effort national, la mobilisation générale qui est la condition du ressaisissement de la France, le projet européen, on ne les sent pas. C'est de concret et de fort que notre pays a besoin, de mobilisation sur des décisions déterminées, robustes. Ce plan général de ressaisissement, la mise en ordre du pays pour privilégier la production, pour soutenir ceux qui prennent des risques, la redéfinition de l'Etat, la stabilisation du droit et de la fiscalité, la simplification des collectivités locales, cela ne se réalisera pas de manière anodine et sans déranger personne.

La réduction drastique des dépenses publiques sur le quinquennat, le contrat de génération, la future loi sur le marché du travail, n'est-ce rien ?
J'approuve, je signe et je contresigne, l'idée qu'il est impératif de réduire les dépenses publiques et que l'Etat peut être non pas aussi efficace, mais plus efficace en dépensant moins. Mais le gouvernement, depuis six mois, ne dit toujours pas où il veut faire les économies. De même la loi sur le marché du travail : son contenu dépend d'une négociation sociale qui, pour l'heure, n'a pas débouché, et le gouvernement annonce qu'il fera une loi en cas d'échec de la négociation. Mais il ne dit pas dans quel sens. Or pour moi, le marché du travail et le temps de travail sont les deux leviers sur lesquels on peut agir vite, les seuls qui permettent d'épargner les salaires et les revenus ! En fait, la seule phrase significative de cette période a été prononcée par François Hollande lors de ses voeux aux Français, lorsqu'il a affirmé qu'il voulait inverser « coûte que coûte » la courbe du chômage cette année. Il y a dans ce « coûte que coûte » la possibilité d'une politique d'urgence et d'une volonté réformatrice assumée.

C'est donc, pour vous, une phrase positive...
Mais ce sont trois mots seulement. L'emploi, ce n'est pas une question isolée. C'est la résultante de la force de production du pays, de la confiance des entrepreneurs, de la capacité des chercheurs et des créateurs en tout domaine. Si le pouvoir, enfin conscient de cette réalité, créait réellement, « coûte que coûte » les conditions fiscales, sociales et psychologiques pour favoriser la création, alors ce serait capital. Mais pour cela, il faudrait que soit tranché le conflit latent au sein de la majorité et du gouvernement entre la ligne de la campagne, les facilités retrouvées par la guerre à la « finance » et la charge fiscale sur les « riches », et le tournant annoncé le 6 novembre, la sortie de la crise par le réarmement de l'entreprise.

François Hollande, a-t-il intérêt, politiquement, à choisir ?
La fonction présidentielle n'est pas politique mais historique. Or trop d'habileté est l'ennemi des choix historiques. Je dis donc à François Hollande : assumez le choix réformiste que vous avez esquissé ! Tranchez ! Assumez l'urgence politique qui s'impose, à la Mendès ou à la Schröder. Il n'est plus temps de ruser ! Ne cherchez pas les mots à double sens. Conduisez les changements qui s'imposent, y compris institutionnels, pour que cette politique réformiste trouve son soutien dans l'opinion. Sonnez la mobilisation du pays ! Et faites-le tôt ! Prenez des risques, c'est urgent ! Plus vous tarderez à le faire, plus cela apparaîtra comme un pis-aller, une défaite, une retraite.

Le chef de l'Etat a-t-il raison de vouloir quand même instaurer la taxe à 75 pour cent malgré la censure du Conseil constitutionnel ?
C'est annoncé, mais cela ne sera pas fait. Le Conseil constitutionnel a souligné que 75 pour cent étaient confiscatoires. On cherchera donc une règle mi-chèvre mi-chou pour faire semblant. Mais sur le fond, l'épisode du matraquage fiscal s'achève : il faut accepter qu'il est un seuil où les fiscalités deviennent décourageantes. Or en France, l'urgence n'est pas à dissuader la prise de risque des créateurs, entrepreneurs, chercheurs, créateurs culturels, mais au contraire à l'encourager.

Les instruments mis à la disposition de la bataille pour l'emploi vous paraissent-ils pertinents ?
Vouloir traiter la question de l'emploi sans prendre en compte l'écosystème des entreprises et des créateurs, ce serait courir à l'échec. Depuis des années, la France vit dans la défiance, sans assurance du lendemain. La première condition de la reconquête, la confiance, n'est donc pas remplie. De surcroît, l'Etat, par sa dimension et ses habitudes, est devenu autobloquant. Retrouver la confiance et construire un Etat qui décide, qui va vite, qui soutient, au lieu de bloquer, voilà deux conditions vitales.

Les déclarations de soutien aux entrepreneurs par François Hollande et Jean-Marc Ayrault ne sont-elles pas suffisantes ?
Ce qui compte, ce ne sont pas les déclarations, mais les faits. Le crédit d'impôt pour les entreprises est une mesure compliquée et assez peu productive. Ce qui intéresse une PME aujourd'hui c'est l'année 2013, pas ce que le fisc pourrait lui rétrocéder en 2014.

Comment qualifiez-vous le climat social du pays aujourd'hui ?
L'élément principal, c'est le découragement politique des Français. On a fait croire aux gens des tas de choses qui ne sont pas vraies. Il y a donc une espèce d'éloignement de la politique qui peut provoquer des rejets virulents. Le gouvernement croit habile d'utiliser des sujets de société tel le mariage homosexuel pour requalifier l'identité de gauche. Il n'obtiendra qu'une crispation de la société en des temps où il faudrait rassembler.

Etes-vous favorable à un référendum sur la question ? Si vous étiez député, que voteriez-vous ?
Je suis hostile aux référendums sur des sujets passionnels. Je défends une voie de conciliation : l'idée qu'on doit, sous le juste terme « d'union », instituer pour les couples homosexuels reconnaissance et droits. Le nommer « mariage », c'est tout à fait autre chose : je ne le voterais donc pas.

Que pensez-vous de la politique de Manuel Valls en matière de sécurité et d'immigration ?
Il n'y a pas de rupture fondamentale avec la période Sarkozy. Mais cela est fait sans incitation à l'exaspération contre des catégories particulières de la société. Et c'est à mettre au crédit de Manuel Valls. Une société en crise ne peut pas se conduire dans l'exaspération des passions d'une partie de la société contre l'autre.

Excluez-vous de participer un jour à un gouvernement de François Hollande ?
'ai déterminé depuis 2002 une ligne de conduite. Je ne participerai pas à une action gouvernementale qui ne soit pas en cohérence avec ce que je crois être essentiel pour mon pays.

Vous n'avez plus de groupe parlementaire et n'êtes plus député, comment définiriez-vous aujourd'hui votre rôle dans la vie politique française ?
Je suis un non-aligné, un homme libre, qui a dit sur tous les sujets critiques, et des années à l'avance ce qui allait se produire. Des millions de Français le savent. C'est pourquoi j'exerce en leur nom une responsabilité civique, qui est celle de l'exigence et même s'il le faut de l'intransigeance sur l'essentiel. Si le mouvement de rejet des formes politiques classiques se poursuit, vous n'aurez que deux types de réponse : les extrêmes et la voie de reconstruction que je défends.

Jean-Louis Borloo a créé dans l'opposition l'UDI. Le centre a-t-il trouvé son nouveau leader ?
Notre vision de l'avenir est différente. Après dix ans au sein de l'UMP, il recrée aujourd'hui une rivalité avec ce mouvement. Et il pense que la guerre perpétuelle entre la droite et la gauche est indépassable. Je crois au contraire que cet affrontement sans fin est stérile et que pour redresser le pays, il faudra que les réformistes de tous les camps, de la majorité comme de l'opposition, prennent ensemble leurs responsabilités.

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