"François Hollande a renoncé à penser les réformes nécessaires"

Mercredi sur LCP, François Bayrou a déploré que "l'exercice de la fonction présidentielle" par François Hollande soit uniquement "dirigé vers le Parti socialiste et ses alliés". "Il a renoncé à penser les réformes nécessaires", estime-t-il.

LCP - D'abord un mot sur le budget de la France. Le gouvernement met en avant que la nouvelle marge de manœuvre de 18 milliards d'euros sera pour 80% des économies de dépenses et seulement pour 20% des hausses d'impôts. Vous dites-vous que cela va dans le bon sens, vous qui réclamiez une réduction des dépenses ?

François Bayrou - Il y a très longtemps que je ne crois plus aux annonces verbales faites de manière spectaculaire. C'est la réalité qui permettra de juger. J'ajoute que je ne crois pas aux économies sans réforme. L'idée qu'il suffit de couper à la serpe dans la forêt des dépenses, sans s'intéresser et s'interroger sur les causes des dépenses, je n'y crois pas. Il y a des années et des années qu'on échoue dans ces annonces successives, qui vous disent : "Ça y est, on va faire des économies". Chaque année, on nous dit que ce seront "des économies comme il n'y en a a jamais eu". Nous nous apercevons chaque fois, au bout du compte, que les dépenses ne sont pas du tout arrêtées, seulement ralenties. 

Vous dites que ce budget c'est du pipeau ? 

Laissez-moi finir. Il y a une raison profonde qui fait que la France, avec une action publique et une solidarité comparables à celles des pays qui nous entourent, dépense 20% de plus : au fil du temps, nous avons laissé s'accumuler les couches d'organismes, d'administrations, qui n'ont pas l'efficacité nécessaire au services des Français. C'est pourquoi il est très important pour moi de soutenir qu'il ne s'agit pas de faire moins pour dépenser moins, mais de dépenser moins pour faire aussi bien si ce n'est mieux. Dans le domaine de la santé, je suis sûr que nous pouvons faire mieux en dépensant moins et en mettant moins de pression sur les personnels.

Vous avez d'autres exemples ? 

Je prends un exemple très simple : les collectivités locales. Nous avons vu, dans un récent rapport de la Cour des comptes, qu'elles avaient accumulé des dépenses et des embauches nouvelles. On laisse cet espèce de labyrinthe en forme de millefeuille, dans lequel l'action publique locale est enfermée, avec des couches qui s'ajoutent les unes aux autres... Je propose par exemple de fusionner les départements et les régions, car ces collectivités font le même travail. J'en parle pour avoir été président de département pendant dix ans. Elles sont chargées de l'aménagement territorial, dans tous les domaines, alors faisons-en une seule collectivité. Disons que les départements seront fédérés dans les régions, les élus seront à la fois départementaux et régionaux, et les administrations n'en feront plus qu'une.

Les grandes métropoles, cela va dans le mur ? 

Non. Nous pouvons tout à fait imaginer que les régions soient le lieu où sont représentés les métropoles, car elles vont jouer un rôle de département en fait. La partie autour de Lyon aura une fonction qui ressemblera à celle du département du Rhône aujourd'hui.

Mais regarder la difficulté : chaque fois que le gouvernement a essayé de faire une loi de décentralisation, ça n'a pas marché, ça a été complètement bloqué. 

Ce n'est pas vrai. Une des seules mesures très justes du précédent gouvernement fut le conseiller territorial, c'est-à-dire la fusion des élus des départements et des régions, même si ce n'était pas suffisant à mon avis. Le gouvernement actuel est revenu sur cela, pour recommencer le millefeuille.

Chaque fois les élus disent qu'ils n'en veulent pas. 

Lorsque j'ai eu des échanges avec Nicolas Sarkozy et François Hollande, entre les deux tours de la présidentielle, j'ai dit : "Ce qui me paraît nécessaire, c'est une grande loi de moralisation de la vie publique. Les élus freineront, mais il faudra passer outre. Je propose un référendum auprès des Français, sur le cumul des mandats, l'égalité devant l'impôt, la transparence, la baisse du nombre de parlementaires et la simplification de la vie locale." François Hollande m'a répondu par écrit, en disant que s'il y avait blocage des élus, il ferait un référendum.

Vous souhaitez qu'il y ait ce référendum aujourd'hui ? 

On ne peut pas continuer à aller de recul en recul, vers une situation qui ne correspond pas du tout à ce que les Français attendent. 

C'est François Hollande qui effectue ces reculs ? 

Aujourd'hui, oui. Nous sommes dans une situation où il dit : "Je le ferais bien mais je ne peux pas". Mais votre responsabilité, c'est de faire, y compris en vous appuyant sur les Français. J'ai la certitude qu'il y aurait une majorité dans le peuple français pour corriger ces anomalies. 

Il est trop timoré à votre avis ? 

Ce n'est pas qu'il est timoré. François Hollande a choisi un exercice de la fonction présidentielle qui est principalement dirigé vers le Parti socialiste, ses alliés et ses satellites. Il ne mène pas l'action déterminée qu'il faudrait pour répondre aux problèmes que la France et les Français éprouvent dans leur vie. Les feuilles d'impôts aujourd'hui sont une traduction de cette sclérose dans laquelle notre pays est plongé. 

Vous souhaitez donc un référendum sur ces sujets ? 

Je souhaite une loi de moralisation, de simplification et de sobriété de la vie publique, qui traite toutes ces questions, depuis le cumul des mandats jusqu'à l'égalité de tous les Français devant l'impôt, jusqu'à la simplification de la vie locale et des collectivités. Si, comme cela apparaît tous les jours, il y a des obstacles et des freins, le président de la République doit prendre la responsabilité d'en appeler aux Français. Autrement, il n'y aura jamais d'économies. Si vous ne réformez pas en profondeur les structures, c'est-à-dire les organismes et les mécanismes du pays, vous n'obtiendrez jamais les économies que vous souhaitez ! Les économies sont le résultat de réformes et non une perpétuelle opération chirurgicale mal faite.

Sur le budget, nous avons parlé des économies, des feuilles d'impôts, mais ne faut-il pas des gestes en faveur du pouvoir d'achat ? Si oui, lesquels ? 

L'idée que c'est le budget de l'État qui va faire des gestes en faveur du pouvoir d'achat est sympathique à certains égards mais, sur le fond, ne correspond pas à la vérité. La vérité, c'est que l'augmentation du pouvoir d'achat ne peut se trouver que par des réformes profondes qui touchent aux charges sur le travail. Je vais vous apporter une preuve indiscutable. Ce mois-ci est sorti le classement de la compétitivité des pays. La France s'est effondrée une fois de plus et arrive 23e. Quel est le premier pays attractif ? La Suisse. Quelle est la caractéristique des salaires en Suisse ? Ils sont environ 30% plus élevés que les salaires français. La question n'est pas celle du coût du salaire sur le travail, mais celle de l'organisation d'un pays qui fait que les citoyens reçoivent du pouvoir d'achat et que celui-ci n'est pas perpétuellement absorbé.

Ça veut dire que vous voulez changer le financement de la sécurité sociale ? 

Oui. Je suis persuadé que l'on peut obtenir mieux en dépensant moins. Il suffit de regarder la mutuelle d'Alsace-Moselle. C'est un régime universel, équilibré, qui apporte aux citoyens d'Alsace-Moselle des avantages non négligeables en terme de remboursements. Il coûte moins cher et il apporte davantage. Regardons-le et posons sur le reste du territoire les problèmes d'organisation. Si vous laissez en l'état les administrations telles qu'elles sont, vous n'obtiendrez ni meilleurs services, ni économies.

Que répondez-vous aux Français qui disent qu'ils n'ont pas assez de pouvoir d'achat et qu'il leur en faut plus ? 

Ce type de déclaration, laisse croire que l'État a dans sa poche des ressources qu'il pourrait distribuer. Même si c'est désagréable à entendre, je trouve que ce n'est pas vrai et que ce n'est pas juste. Autre exemple : on vient de décider qu'on aurait à la sécurité sociale la généralisation du tiers payant. Bien sûr, cela apparaît sympathique. Mais si l'on réfléchit une seconde, déconnecter l'acte médical du paiement chez le médecin, pour tous les Français, c'est une grave déresponsabilisation. Une déresponsabilisation des assurés et des médecins. Et, entre nous, qui le demandait ? Qu'on l'ait pour des personnes économiquement faibles, des gens qui sont dans la difficulté, je trouve que c'est bien et je le souhaite. Mais dire à tous les Français qu'ils n'auront plus d'effort à faire lorsqu'ils consultent le médecin, même si c'est à de très nombreuses reprises, c'est une déresponsabilisation. L'idée que tout devient gratuit dans le domaine de la santé, je pense que c'est faux économiquement et que les familles, les malades, n'en demandent pas tant et entendent ça avec un certain malaise. Car, de toute façon, il va falloir payer.

C'est de la démagogie pour vous ? 

C'est de l'idéologie et, à mon sens, infondée. Quand on me dit ce genre de choses, je suis envahi par une armée de points d'interrogations. J'ai l'impression qu'on se moque de moi. Autre exemple : le gouvernement propose une garantie universelle des loyers, une mesure dont on verra qu'elle pose des problèmes importants. J'étais, le premier, à proposer une mutuelle pour les cautions, pour limiter la garantie à un mois de loyer. Mais l'idée que tout le monde va être garanti dans ses loyers, cela veut dire que les gens qui font l'effort de payer leur loyer vont payer pour ceux qui refusent de le faire. Tout cela correspond à une idéologie qui est : "Tout doit être garanti, tout doit être gratuit, car les poches de l'État sont sans limite".

La situation des finances publiques, elle est aussi grave qu'il y a deux ans ? 

Elle est pire. La dette continue à croître. On va arriver à 100% de la dette par rapport au PIB. Le déficit n'a pas diminué, il a même plutôt augmenté. Donc la situation est pire. On a essayé de la rétablir par le recours à l'impôt universel, la majoration pour tous, mais ça ne suffit pas ! Si vous ne reconstruisez pas, c'est sans fin et sans fond. La majorité a renoncé à penser les réformes nécessaires.

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