François Bayrou : mise au point à propos d'Alain Juppé

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Dans une tribune du Figarovox, Alexandre Vatimbella soupçonnait François Bayrou d'espérer la défaite d'Alain Juppé à la primaire UMP. Le président du MoDem lui répond.

Le FigaroVox vient de publier, sous la signature de M. Vatimbella, un article dont je ne sais s'il est davantage tendancieux ou perfide, -ce qui est le droit de son auteur-, mais qui me prête des intentions qui ne sont pas les miennes. Il convient donc qu'une mise au point précise mette un terme à ces fariboles.

La thèse de Monsieur Vatimbella est que je souhaiterais in petto (puisqu'il convient ces jours-ci de parler latin...) qu'Alain Juppé perde la primaire organisée en 2016 par l'UMP et que même je n'hésiterais pas à donner de petits coups de main «subliminaux» à une telle issue. Le bénéfice supposé que j'en tirerais serait dès lors de préparer ma propre candidature à l'élection présidentielle.

Il y a probablement en politique nombre de gens déloyaux, Machiavels au petit pied, qui préfèrent dans toutes les situations la ruse ou le fusil à tirer dans les coins. Il se trouve que je n'appartiens pas à cette catégorie non pas par vertu (ou en tout cas pas seulement par vertu...) mais parce que je considère qu'en démocratie en général, et particulièrement en démocratie médiatique, une position nette est plus efficace que les déclarations sinueuses et tordues.

Ma position est donc exactement celle-ci: J'ai, depuis des mois, indiqué que, si Alain Juppé était choisi par la majorité des participants à la primaire, je serais à ses côtés. Pourquoi? Pas seulement pour des raisons de sympathie personnelle et d'estime intellectuelle. Mais d'abord parce qu'Alain Juppé est aujourd'hui le mieux placé parmi les personnalités capables de proposer aux français une démarche à la fois réformatrice, courageuse et rassembleuse.

Je ne crois pas en effet qu'il puisse y avoir une politique de réforme possible sans un soutien large. Or, les démarches de clivage et d'agressivité au sein du peuple français condamnent ceux qui les choisiraient à ne plus pouvoir trouver de majorité pour réformer. S'ils étaient élus, ils trouveraient en effet immédiatement contre eux, à la fois, l'ensemble de la gauche réunie dans une commune détestation et l'extrême droite toujours hostile. Ce schéma est d'ailleurs l'exact symétrique de celui dont le gouvernement socialiste constate actuellement les effets délétères, et dont il a lui-même cultivé les causes.

Pas de majorité large, pas de réforme possible dans la durée! Il faut donc une démarche politique qui soit plus compréhensive du pluralisme français et plus rassembleuse, pour que les vertus de cette nouvelle pratique politique puissent jouer à plein. C'est la raison pour laquelle je souhaite la victoire d'Alain Juppé.

J'ajoute qu'une telle perspective permettrait à la grande famille du centre, aujourd'hui dispersée, de se reconstituer, d'être à nouveau fière de son identité et de ses convictions, et de faire découvrir à la France les vertus des majorités d'idées. Alain Juppé a choisi d'obtenir sa légitimité par la primaire. François Fillon a d'ailleurs fait le même choix. C'est sur ce mécanisme que portent mes réserves, pour 2 raisons précises.

La première est doctrinale: s'engager dans une primaire c'est accepter de se ranger dans un camp. Or, toute ma vie politique j'ai plaidé que la coupure de la France en deux camps est une stupidité et la certitude de l'impuissance. En affirmant cela, j'ai d'ailleurs le sentiment d'être plus Gaulliste que beaucoup, ou en tout cas, d'être en harmonie avec la pensée gaullienne. Ma deuxième réserve porte sur le fait qu'une primaire organisée au sein de sympathisants risque de donner un poids excessif, peut-être déterminant aux plus mobilisés, aux «noyaux durs», aux plus agressifs contre les plus mesurés.

C'est pour ces deux raisons que j'ai des craintes, des doutes et des interrogations sur le mécanisme de cette primaire. On constatera, au surplus, qu'elle n'est pas très cohérente avec la logique institutionnelle de l'élection du président de la République à la majorité absolue dans un scrutin à deux tours.

C'est pourquoi à vues humaines (c'est à dire sans événement majeur qui changerait la situation historique du pays) je n'ai pas l'intention de participer moi-même à cette primaire. Pas plus comme candidat que comme électeur. Pourquoi? Parce que j'estime que si un homme politique ayant des responsabilités nationales participe à une compétition, il est lié par le résultat de cette compétition. C'est une question de logique et même d'honneur. Or, je ne veux pas être lié par un résultat que je considèrerais comme contraire à l'intérêt national.

Cette analyse m'engage personnellement. Je sais que beaucoup de mes amis du MoDem ou plus largement du centre, ou même venant d'autres horizons, n'ont pas la même analyse que la mienne, et j'en connais beaucoup qui sont décidés à voter à cette primaire. Je ferai naturellement ce que je peux et ce que je dois pour aider leur action.

Dans le cas, j'espère improbable, où la primaire choisirait une candidature qui ne me paraîtrait pas en harmonie avec cette attente historique, je serais tout simplement un homme libre et j'apprécierais la situation.

J'ai tenu à mettre sur le papier l'exposé de ma position pour tordre le cou à toute idée d'arrière-pensées que je considère comme offensante. Dans tout ce que j'ai exposé, il n'y a aucune arrière-pensée, il n'y a que des pensées clairement exprimées. Peut-être voudra-t-on m'accorder, au vu des positions assez tranchées qu'il m'est arrivé de prendre, que ces pensées sont aussi et d'abord des convictions.

François Bayrou

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