François Bayrou, invité de l'émission «Questions politiques» sur France Inter

Nous vous invitons à réécouter François Bayrou dans l'émission «Questions politiques» de France Inter, diffusée ce dimanche 4 novembre.

  

François Bayrou, le 4 novembre au soir, après l'émission : « Benjamin Griveaux m’a appelé pour me dire qu’il n’avait jamais prononcé la phrase qu’on lui prêtait. J’ai apprécié qu’il la démente. Les milieux populaires sont une part précieuse de notre pays. Et pour moi, ils sont la raison même de mes engagements. Nous devons les honorer. »

 

Revoir l'émission sur le site de France Inter.

C’était il y a toujours juste 10 ans, l’ami Beigbeder était allé le rencontrer à Pau, question de Freddy pour le magazine GQ qu’est-ce qu’être béarnais et voici ce qu’il répondait : « Ici, on enlève son béret devant personne. Ici, le regard ne baisse pas, mais il y a en réalité deux âmes béarnaises. L’une de ces âmes est portée au compromis et l’autre est portée à la résistance. Moi je suis plutôt de la deuxième »

Mais est-ce toujours vrai ? On dit de lui, aujourd’hui, qu’il est l’un des hommes forts de la « Macronie » et c’est peut-être flatteur, mais vraiment réducteur quand on pense à sa vie politique. Le président du MoDem et maire de Pau, François Bayrou s’est installé au micro de Questions politiques. N’hésitez pas à intervenir sur l’Appli France Inter ou les réseaux sociaux, avec le mot-clé : « Questions pol ».

Bonjour et bienvenue, François Bayrou.

François BAYROU. - Bonjour.

Merci d’avoir accepté notre invitation. Beaucoup de sujets sur lesquels nous voulions vous entendre.

À mes côtés, pour vous interroger, la « dream team » de Questions politiques : Nathalie Saint-Cricq, Ali Baddou, Françoise FRESSOZ et Carine Bécard.

Question d’actualité, ce vote historique en Nouvelle-Calédonie, François Bayrou, 165 ans après la prise de l’archipel par la France, très large victoire du non à l’indépendance qui se profile. Résultatpartiel :plusde60 %pour le nonetlaNouvelle-Calédonie quichoisitdonc de rester en France.

Le Président de la République doit s’exprimer sur le sujet à 13 heures, allocutionqui est enregistrée en ce moment même.

On connaît lecontenu de cette déclaration, mais vous n’avez peut-être pas le droit denous enparlertout de suite, mais est-ce que vousêtes satisfait par le résultat, François Bayrou ?

François BAYROU. - C'estunvoted'unetrès grandeimportancehistoriqueet c’est un vote qui a plusieurs significations. La première de ces significations est que la France est sortie de cette longue période qu’on appelle « impérialisme » où il s’agissait, pour les nations, de prendre le contrôle de territoires et d’une certaine manière, d'annexer leurs richesses.

Cela s’appelle la colonisation.

François BAYROU. - Je préfère parler d'impérialisme. Vous allez voir pourquoi dans une minute.

Et nous en sommes sortis parce que d’autres n’en sont pas partis. Il y a, en particulier dans cette région du monde, des influences, des tentations, des convoitises qui sont très importantes et on pense évidemment à la Chine et à une stratégie mondiale qui s'exprime en particulier, là. Donc la France a tourné cette page. Elle est entrée dans une autre page, qui est la page du travail en commun, de la vie en commun, de l'intimité avec les populations qui sont précisément dans cet ensemble.

Vous ne diriez pas que la Nouvelle Calédonie reste une colonie ?

François BAYROU. - Sûrement pas ! Et c'est ce que dit le corps électoral qui, très largement, sans doute au-delà de 60 % en ayant voté, c'est aussi important que le score, à 81 %, c'est-à-dire plus que n'importe quelle autre consultation. Cela a une deuxième signification qui, pour moi, est très importante. La réconciliation peut l'emporter. Si l’on regarde l’histoire des dernières décennies et mêmes siècles, on voit que, chaque fois, l'affrontement, le conflit, la haine sont plus forts que la passion de la réconciliation.

Pour une fois, là, la réconciliation l'emporte et je veux rendre hommage à tous ceux qui ont participé. Le premier nom qui vient est Jean-Marie Tjibaou et Dick Ukeiwé et puis, Jacques Lafleur, Michel Rocard et Christian Blanc, tous ceux qui ont conduit et dont beaucoup, pardonnez-moi de le rappeler, appartenaient à ce grand courant central qui envisage que l’on puisse rapprocher les gens plutôt que de les apposer perpétuellement, et ceci est un immense combat.

La réconciliation était quand même au prix de centaines de forces de l’ordre qui sont, pour l’instant, sur le caillou pour que tout se passe bien. La réconciliation n’est pas toujours tout à fait là.

Une dépêche AFP vient de tomber : plusieurs voitures ont été brûlées. Des faits de caillassages ont été signalés en Nouvelle-Calédonie.

François BAYROU. - Il y a eu des caillassages pendant la nuit d’Halloween et beaucoup de voitures brûlées en France et l’on ne dit pas cependant, qu’il y a une situation de cet ordre, c’est la deuxième chose.

Troisième chose, et puis, bien sûr je répondrai à vos questions, troisième chose, c’est que maintenant l'avenir est à la charge de ceux qui sont à la tête des institutions en Nouvelle-Calédonie et à la tête de l’État en France. Il y a un devoir commun de bâtir quelque chose qui soit exemplaire, non seulement pour cette région, mais pour beaucoup d'autres régions du monde, étant donné la situation tellement originale de la France présente sur tous les océans.

À mon avis, c’est un petit peu ce qu’Emmanuel Macron va dire tout à l’heure, ce qu’on vient d’entendre.

Simplement, est-ce que vous ne croyez pas qu'il y a intrinsèquement… que pour l’avenir, l’indépendance est en marche…

François BAYROU. - Non.

Cela prendra 10 ans, 20 ans, pour ceux qui sont là-bas à terme c’est ce qui arrivera.

François BAYROU. - Je pense que cette question de confondre indépendance, souveraineté, séparation est une question extrêmement brûlante. C'est la question du siècle qui vient. Qu’est-ce que c’est l’indépendance si on n'est pas capable de prendre des décisions pour son propre compte ? C'est la question qui est posée aux pays européens. Ne vous trompez pas, c'est la même. Lorsque vous vous trouvez en présence d’immenses puissances à la fois militaires, économiques qui se moquent de savoir ce que veulent les autres, alors votre indépendance ne signifie rien. Et c’est pourquoi, on va le voir quand on abordera la question européenne…

C’est pourquoi nous avons le devoir d'imaginer que se rassemblent ceux qui ont une identité forte pour défendre leur valeur de civilisation alors, à ce moment-là, on est vraiment dans une idée réelle et réaliste de la souveraineté partagée et pas dans une idée de la domination.

Qu’est-ce que vous attendez concrètement de l’allocution d’Emmanuel Macron, vous dites : « Le résultat engage le gouvernement français ». Qu’est-ce que vous attendez du gouvernement français après ce résultat ?

François BAYROU. - Vous avez vu que le Président de la République et le gouvernement ont fait le choix d’un très grand respect du débat calédonien, ont refusé les pressions et ont refusé d’intervenir pour manifester leur confiance à la population calédonienne. C'est extrêmement courageux de leur part et cela a joué un très grand rôle parce que je suis sûr que si le choix inverse avait été fait, c’est-à-dire, si on avait rompu avec l'esprit des accords de Nouméa, en disant : « Mais au contraire, nous allons intervenir puissamment pour que les Calédoniens se rangent à l’avis des autorités françaises », alors je suis certain que le climat et le résultat n’auraient pas été les mêmes. Il était extrêmement courageux de faire cela. De même que c'est un très grand défi de penser ce que va être l'avenir du territoire. On pense au nickel avec ses fluctuations perpétuelles, j’allais dire, on pense à cet esprit si particulier qui s’est noué au sein de la démocratie sur le territoire calédonien et que je veux saluer à cet instant qui est, pour moi, un instant historique.

On va revenir en métropole dans un instant, mais ce sera juste après votre portrait, François Bayrou, portait signé Carine Bécard.

François Bayrou, la question qui se pose désormais, quand on pense à vous, c’est tout simplement : à quoi servez-vous ? Certes, vous êtes le maire de Pau, depuis plus de 4 ans maintenant. Certes, vous présidez votre parti, le MoDem, que vous avez fondé il y a déjà 11 ans, mais aux côtés d’Emmanuel Macron, François Bayrou, très secrètement, que lui apportez-vous ? Au début, on a pu vous voir comme un père, comme son père, en politique. Vous lui avez offert toutes vos cicatrices, lui qui apparaissait si jeune et surtout si lisse, mais aujourd'hui, François Bayrou, est-ce que vous êtes un simple conseiller ? Un admirateur énamouré ou un redoutable manœuvrier comme le dernier remaniement, finalement a pu le laisser penser ?

En réalité, à bien vous observer, vous, le fils de paysan qui a toujours rêvé de devenir président, vous tentez, à présent, de vous ériger en vigie, une vigie au cœur de la « Macronie » que vous avez accepté de rallier et avec laquelle vous vous trouvez engagé.

« François BAYROU

Je n'ai pas l’habitude de renier mes rêves et mes objectifs. Je crois que cette alliance peut aider de manière décisive à faire entrer dans la réalité, ce qui apparaissait à beaucoup impossible. »

Ce 22 février 2017, vous avez 65 ans. Vous en avez consacré 35 à la politique et vous vous sacrifiez, François Bayrou, vous acceptez d’aider Emmanuel Macron, comme vous auriez sans doute aimé que Jacques Delors en 2007, le fasse pour vous, mais dans le même temps, reconnaissez que vous ressuscitez. Pour la première fois, vous décrochez 47 députés, ce qui vous a fait sangloter à la première réunion de groupe à l’Assemblée et puis surtout, tout ce en quoi vous croyez et tout ce pourquoi vous avez toujours œuvré, rassembler droite et gauche pour avancer, cette idée-là a enfin permis de gagner. Une sacrée victoire sur tous ceux qui vous ont toujours critiqué, en particulier sur Nicolas Sarkozy, qui ne vous a, c’est vrai, jamais ménagé.

« Nicolas Sarkozy :

Je trouve simplement curieux le système qui consiste à dire pour François Bayrou ; « Si je suis au deuxième tour, face à Nicolas Sarkozy, je serai le candidat de la gauche. Si je suis au deuxième tour, face à Ségolène Royal, je serai le candidat de la droite. Quand même pour diriger la 5èmepuissance du monde qu’est la France, ce n’est quand même pas un geste de conviction formidable ! »

C’était le 18 avril 2016, deuxième campagne présidentielle, pour vous la plus belle, celle où vous êtes arrivé 3ème.

11 ans plus tard, vous n’avez rien oublié, l'homme des Pyrénées s'est savamment activé pour qu’aucun sarkoziste n’entre au gouvernement lors du dernier remaniement, mais aujourd'hui, François Bayrou, à 67 ans, vous n'êtes plus ministre, balayé par cette affaire d’emploi présumé fictif et vous vivez donc la politique à travers Emmanuel Macron, autrement dit, par procuration. Vous chuchotez à l’oreille du Président et pour l’instant, il vous entend, jusqu'à quand ?

Réponse, François Bayrou ?

François BAYROU. - C’est toujours un tout petit peu particulier, c’est extrêmement simple, le combat que je mène n'a jamais changé. Il s’est trouvé que, pendant longtemps, comme vous l’avez rappelé, ce combat a été considéré comme un combat perdu d'avance, symbolique et, d'une certaine manière, sans aucune perspective.

Et puis, il s'est trouvé que c'est précisément ce choix-là qui l'a emporté et qui a renversé ces deux partis, je dis « les deux tours jumelles », qui gouvernaient la France, alternativement, sans que jamais, on puisse avoir le sentiment qu'ils sortaient des postures qui étaient les leurs. Vous venez de voir, précisément, sur la Nouvelle-Calédonie, que la vérité était précisément là où on refusait de la voir ou de l’imaginer. Je crois aussi que c’est évidemment le cas aujourd'hui pour la France et pour l'Europe dont on va parler.

Avant de donner la parole à Question pour essayer de comprendre ce rôle que vous jouez auprès du Président de la République, comment décririez-vous cette relation étonnante… ?

François BAYROU. - Non, pas auprès du Président de la République, auprès des Français parce que je suis en situation d'être un élu et le porte-parole des Français.

Mais comment décririez-vous cette relation étonnante que vous avez avec le Président de la République ? On sent qu’il y a entre vous quelque chose de très fort. Je ne sais pas si vous avez été un père, mais vous êtes quoi ? Un grand frère ? Un oncle ? On se souvient tous de cette scène incroyable du documentaire « Macron, les coulisses d’une victoire » où vous êtes, quelques mois avant l'élection présidentielle, avec lui à l’étage d’un restaurant absolument désert et vous lui dites : « Je suis là pour vous aider, pour rien d'autre ». Grand frère ? Oncle François ? ! C’est comme cela qu’il doit vous appeler ? !

(Rires.)

François BAYROU. - On m’a souvent dit… Vous savez, c’est bizarre, j'ai commencé ma vie politique, on m’a dit : « Mais au fond, vous êtes le fils de Giscard ou de Barre ». Je dis : « Non, je ne suis pas leur fils, parce que j’avais un père formidable, parti très très tôt, mais je n’ai pas besoin d’avoir un visage paternel auprès de moi ». Et après, on dit, vous l’avez rappelé, que j'avais un rôle paternel auprès d’Emmanuel Macron. Pas du tout parce que j’ai des fils formidables, eux aussi. Je n’ai pas besoin de substitut !

Alors un neveu ? !

François BAYROU. - Disons qu’il y a quelque chose de fraternel…

C’est difficile d’aider Emmanuel Macron ou pas ?

François BAYROU. - Il y a quelque chose d’humainement et de politiquement fraternel.

Il y a de l’admiration ou pas ?

François BAYROU. - Oui, des deux côtés, je ne sais pas. Je ne parle pas à sa place, mais en tout cas, je ne le soutiendrai pas si je n’avais pas le sentiment qu’il représente pour la France une chance unique et c'est la raison aussi de mon engagement.

Ce qui est intéressant, c’est que vous remarquez, Françoise, pour quelqu’un qui n’est pas au gouvernement, qu’il a quand même une drôle d’influence, François Bayrou.

Oui, c’est ce qui m’a frappée lors du dernier remaniement ministériel, laborieux remaniement ministériel et on voit que deux de vos proches sont promus, Jacqueline Gourault, promue ministre de la Cohésion des territoires et Marc Fesnault, en charge des relations avec le parlement.

Depuis on entend du côté du MoDem une complainte : « Il a 47 députés, nous plus de 300. Pourquoi accorder autant de place à François Bayrou ? » Qu’est-ce que vous leur répondez ?

François BAYROU. - La situation politique, dans la majorité, est assez simple. Il y a un mouvement, en effet, très important dans le champ parlementaire de l'Assemblée nationale. Ce n’est pas le cas au Sénat ni encore au Parlement européen.

Mouvement très important à l’Assemblée nationale qui est un mouvement, on va dire, de génération spontanée, qui est né avec l’élection d’Emmanuel Macron et pour aider à cette élection parce que les Français ont voulu qu’il y ait une cohérence dans les institutions. Très bien.

Puis, à côté, ayant joué un rôle, je crois, très important dans cette élection, il y a un mouvement qui a un visage complètement différent. C’est un mouvement qui a une histoire, une doctrine, unité intérieure, une très grande solidarité intérieure et qui a, disons, un leader, un responsable qui a des relations très étroites avec tous ceux qui en sont les acteurs.

C'est bien cruel pour la République en marche ! Doctrine, leader…

François BAYROU. - Non, je n’ai pas dit cela.

C’est exactement ce que l’on comprend !

François BAYROU. - Je n’ai pas dit cela et si vous me laissiez finir la phrase, alors vous comprendriez.

Ce que je crois, c’est que la République en marche s'est fondée sur les mêmes attentes, sur les mêmes principes que le Mouvement Démocrate il y a 10 ans, mais ce sont ces 10 ans et les, allez, 60 années qui précèdent qui racontent cette histoire-là.

Et donc l'intimidité doit être ou est destinée à être très grande. Ce n’est pas encore établi, mais cela viendra.

Je vais vous citer un chiffre : il y a plus de 50 députés de la République en marche qui sont d'anciens adhérents du MoDem, Cédric Villani, par exemple, a été adhérent du MoDem à Lyon quand le MoDem s'est créé, pendant plusieurs années.

Vous voyez bien, au fond, que c'est le même arbre. Simplement, le MoDem a davantage caractérisé son ADN parce que, pour les végétaux, c'est la même chose. Donc davantage caractérisé, davantage élaboré au travers du temps cet effort-là.

Mais, excusez-vous, la question n'était pas là.

François BAYROU. - On vient de parler de Tjibaou à l’instant.

La question est quand même de savoir, vous êtes quand même un hyper protecteur de cette famille que vous décrivez très bien, le MoDem, et, aujourd’hui, on a le sentiment que votre rôle est surtout de jouer les grands manœuvriers pour permettre, effectivement, à cette famille d'exister et notamment au sein du gouvernement.

Donc est-ce que ces influences… ?

François BAYROU. - Il faut que vous vous disiez que le temps est long. 5 ans, c’est long et donc la pierre que chacun d'entre nous peut apporter à cet édifice, je considère que c’est une pierre précieuse.

Pour moi, il se trouve que j'ai la chance, en effet, d'avoir un lien avec l'opinion publique, un lien avec beaucoup de Français qu'ils aient voté pour moi, ils sont nombreux à l’avoir fait, des millions et des millions, ou qu’ils ne l’aient pas fait.

Ils savent bien que je ne joue pas la comédie. Ils savent bien que je ne suis pas dans les intrigues. Ils savent bien que je ne suis pas dans les manœuvres et que nous ne sommes pas, dans cette famille politique, ni dans les intrigues ni dans les manœuvres.

Alors votre pierre précieuse que vous apportez à l’édifice ou votre branche puisque vous êtes parti d’un arbre, est-ce que ce n’est pas la politique, tout simplement, de faire comprendre à la République en marche et à un certain nombre de personnes, comme Benjamin Griveaux ou Emmanuel Macron, que l’on ne parle pas d'une France qui clope, qui est au diesel et que c’est une façon de mépriser ces gens-là, quand on ne leur parle pas correctement ?

François BAYROU. - D’une certaine manière, celam’a fait mal, m’a fait honte. Parler de la France comme Parler du peuple comme des gens qui seraient réduits à cloper ou à rouler au diesel comme si c'était une infamie de de rouler au diesel.

Je rappelle que c’est l’État qui a fait rouler les gens au diesel et que, encore aujourd'hui, il faudrait approfondir les études pour savoir quelle différence réelle et profonde il y a sur ces sujets.

Oui, j’ai trouvé cette phrase le contraire de ce que nous avons voulu bâtir avec le Président de la République, le contraire.

L’élection d’Emmanuel Macron, elle s'est faite précisément sur l'idée qu'on allait rompre avec cette manière de couper le pays en deux, avec les gentils chics d'un côté, et les désagréables pas chics de l'autre.

J'ai trouvé… Je dis qu’il est temps que s'expriment dans la majorité, tous ceux qui refusent cette rupture entre le prétendu haut et la base de la société. Il est temps que se fassent entendre ceux qui revendiquent cet esprit populaire là, c'est-à-dire considérant que, dans un pays comme le nôtre, la base est aussi importante que le sommet, que le prétendu sommet…

Que le premier de cordée… pour l’homme des Pyrénées !

François BAYROU. -… parce que, pour moi, ce n’est pas du sommet.

On a besoin de cette unité-là, du pays…

Vous l’avez dit à Emmanuel Macron, pardon de vous interrompre, parce que c’est à lui aussi de parler à ses troupes ?

François BAYROU. - Je vous assure que rien de ce que je dis là, je l’aurais tu ou je serai resté silencieux sur ces sujets.

Je trouve que les temps que nous vivons sont marqués par une chose sur toute la surface de la planète. Je pense aussi bien au Brésil, qu’aux États-Unis, qu’au Moyen-Orient, qu’à la Russie, que… Ils sont marqués… Une chose, c’est que les sociétés sont dirigées par des personnalités et des attitudes qui sont en rupture complète avec ce que vivent les citoyens de base et les citoyens de base se vengent sur tous les sujets. Par exemple, ceux qui sont au prétendu sommet, ils parlent une langue que les citoyens ne comprennent pas. Ils passent leur vie à employer des mots, des concepts, des statistiques, à parler avec des chiffres au lieu de parler avec les mots charnels qui s'imposent pour qu’un pays comprenne.

Pour le coup, c’est le cas d’Emmanuel Macron.

François BAYROU. - Pas du tout ! En tout cas de ce que j’en vois.

Sa pensée complexe atteint les Français quand il parle d’émancipation de la société, les gens comprennent ?

François BAYROU. - Le monde est complexe ! Vous croyez que le Général de Gaulle n'avait pas une pensée complexe ?

On peut avoir une pensée complexe et l’exprimer simplement.

François BAYROU. - Moi, je pense qu’il a précisément les mots pour le faire et le regard pour le faire. Il se trouve que je pense que lui n'est pas dans ce cas-là, mais on est toujours devant l’éternelle tentation de voir revenir les habitudes des pouvoirs satisfaits qui trouvent que leurs raisons doivent s'imposer à tout le monde.

Moi, je pense qu'ils se trompent et qu’il y a un énorme travail de civisme à faire pour partager précisément avec les citoyens de base, les raisons et les choix que l'on fait. Ce travail n'est pas assez fait. Je l'ai dit à beaucoup de reprises et je pense que c'est au Président de la République principalement ou le premier à faire ce travail et à le conduire et les 10 jours, je suis très content qu’il ait choisi de passer 10 jours dans les régions françaises, autour du souvenir et de l’avenir.

« L’itinérance », je ne sais pas si vous aimez le mot. On va en parler dans un instant.

Une dernière question sur votre rôle et celui du MoDem, est-ce que vous vous voyez en coalition aujourd’hui ou est-ce que vous vous voyez sur un MoDem qui va essayer d’imprégner la République en marche ? Comment est-ce que vous imaginez ce système ?

François BAYROU. - La forme n’est pas encore établie. Il se trouve que la République en marche est en grand changement, que j'ai des relations de très grande confiance avec la personnalité qui a pris l’intérim de la République en marche.

Philippe Granjeon est quelqu’un que j’estime et avec qui je travaille depuis longtemps, avec qui je discute depuis longtemps. On ne sait pas encore quelle forme cela va prendre. Ce que je sais, c’est…

Cela ne sera pas une fusion-acquisition, pour prendre leur langage ?

François BAYROU. -… deux choses. Première chose, la disparition de l'identité est mortelle et deuxième chose, la division est mortelle. Je n’accepterai ni l'une ni l'autre. Je ne reste pas silencieux quand je vois que des choses ne vont pas et, en même temps, je refuse la division que l’on a appelée dans d'autres partis « la fronde ». Je pense qu'il faut, au contraire, que nous nous sentions co-responsables de l'avenir du pays.

Il y a justement ce coup d'envoi aujourd’hui à Strasbourg de l’itinérance d’Emmanuel Macron, en voyage dans l’est de la France, itinérance mémorielle sur les traces de la grande guerre, l’occasion aussi de rencontrer certains de vos compatriotes dans nos régions ou certaines des contrées les plus pauvres du pays.

On vous sait féru d’histoire, quel regard portez-vous sur le débat autour des commémorations de la grande guerre ? Le Président de la République ne veut pas donner une tournure trop militaire à ces cérémonies. Il faut d’abord se souvenir de la fin de l’hécatombe monstrueuse qu’a été la première guerre mondiale ou célébrer la victoire militaire sur l’Allemagne comme le réclament certains ?

François BAYROU. - C’est une guerre qui a été terrible ou plutôt une succession de guerres qui ont été terribles et dont chacune a appelé l'autre et dans cette guerre -là, le peuple allemand a été victime autant que le peuple français très gravement victime.

Je suis né et je vis toujours aujourd’hui dans un village qui comptait en août 1914, 320 habitants. Il y a 30 noms sur le monument aux morts. Si vous enlevez les femmes, les moins de 20 ans et les plus de 40 ans, alors vous vous apercevez que peut-être deux garçons sur trois sont morts à la guerre.

J’ai connu très très bien, j'ai beaucoup aimé une vieille dame qui a participé à mon éducation. En août 14, elle est fiancée avec un garçon du village. Il est tué en septembre 14. Deux ans après, elle se fiance avec son frère. Il est tué en 17. Il n'y a plus d’homme dans le village et elle finira par épouser, 20 ans après, le père de ces deux garçons, devenu veuf. C'est le sacrifice des villages.

Il y a, au cimetière de Pau, une superbe sculpture, faite pour être une esquisse pour le monument aux morts de la ville. Je comprends bien que l’on ne l’ait pas prise. Cette esquisse est superbe pour commémorer la guerre, une femme qui pleure… Tous ceux qui peuvent aller la voir, c'est superbe. Cela dit énormément de choses. Je suis d'accord avec le Président de la République pour dire que les deux peuples ont été victimes. Alors, naturellement, il faut célébrer tous ceux qui ont, autour de Clémenceau, magnifique discours de Clémenceau, le jour de l'armistice, tous ceux qui, autour de Clémenceau et des généraux de l’époque, et des officiers et des sous-officiers et des hommes du rang. Tous ceux-là ont donné plus de 1 400 000 de leurs enfants.

En effet, on sait quel affaiblissement de l'Europe a été ce jour-là, décidé et quelle stratégie était adoptée puisque, pour les deux états-majors, il s'agissait de saigner l'autre peuple. C'est comme cela que c'était présenté. Alors il faut rendre hommage à l'héroïsme et, en même temps, tendre la main. Je trouve que c’est très juste.

Vous avez dit tout à l'heure « souvenir, avenir », les deux volets de l’itinérance comme on appelle cela. Est-ce qu’Emmanuel Macron a besoin de retisser les fils, comme il dit, avec la population, avec les Français parce que, pour l’instant, manifestement, il y a une espèce de fracture entre les deux ? Est-ce que vous pensez que c’est vraiment utile ? Et est-ce que ce genre de chose pendant une semaine, c’est quelque chose de fabriqué, d’un peu surnaturel ou qu’il peut se passer des choses ?

François BAYROU. - Je pense que c'est unique et cela ne peut marcher que dans une très grande authenticité.

Et sans dérapage.

François BAYROU. - Bien sûr, mais, vous savez, dans la vie en général, il vaut mieux éviter les dérapages quels qu’ils soient…

Surtout quand il y a une caméra !

François BAYROU. - Quand on est Président de la République, les dérapages se voient davantage parce que vos objectifs…

Quand il va engueuler les Français partout où ils les rencontrent…

François BAYROU. - Oui, il parle cash, peut-être parfois trop, mais il parle cash. En tout cas, je n'ai jamais vu chez lui la moindre once de condescendance. Comme personne ne le dit, je le dis, mais quand personne ne dit les choses, cela ne veut pas dire qu'elles ne sont pas vraies.

Gérard Collomb était dans l'erreur alors, considérant qu’il avait une forme de condescendance.

François BAYROU. - Il ne parlait pas d’Emmanuel Macron. Il parlait des milieux de pouvoir à Paris. Je le sais parce que nous en avons discuté ensemble.

Il parlait en effet de cette organisation du pouvoir, de la technostructure du pouvoir qui, en effet, pour des élus provinciaux est un sujet d'étonnement et d’agacement.

Quand je dis des élus provinciaux, je ne parle pas que de Gérard Colomb. Vous voyez ce que je veux dire….

Je voulais juste savoir pourquoi le geste qu'avait fait Emmanuel Macron en juillet devant le congrès en disant : « On va passer de la république verticale à la république contractuelle », il avait tendu la main aux collectivités locales et il n'y a pas eu cette réconciliation attendue. Qu’est-ce qui cloche depuis le début du quinquennat dans la relation aux élus ?

François BAYROU. - Cette réconciliation, elle est en marche et la promotion de Jacqueline Gourault…

Mais qu’est-ce qui vous fait dire aujourd’hui que cela va marcher ?

François BAYROU. - Parce que je sais, je vois. Le fait qu’on ait reconstruit ou construit pour la première fois depuis longtemps, un grand mouvement chargé des collectivités locales et de l'aménagement du territoire, autour d'une femme que j'estime, pour qui j’ai de l’affection et que j'estime, qui connaît parfaitement les problématiques du terrain, c'est un élément décisif. Je suis sûr que les gestes vont être faits, nécessaires.

Il y a, en effet, deux sensibilités : une sensibilité jacobine, très présente au sein de l'État qui considère que les bonnes décisions doivent se prendre en haut et être appliquées en bas, et il y a une sensibilité girondine qui considère que l'énergie vient autant du bas que du haut et même si on devait pousser quelquefois plus l’imagination, le renouvellement de la pensée, la fédération des différentes sensibilités, cela se fait davantage en bas que cela ne se fait par le haut.

Ce n'est pas le seul problème que de savoir si Emmanuel Macron est girondin ou plutôt jacobin.

Emmanuel Macron est taxé, depuis le départ quand même…

François BAYROU. - Permettez-moi de vous dire, votre phrase est inexacte et je la corrige, la question n’est pas de savoir si Emmanuel Macron est ceci ou cela, c’est si la France est comme cela. C’est une question centrale de savoir si l'avenir est dans une espèce de verticalité qui impose des décisions si souvent erronées qui viennent du sommet en ignorant la base.

Sauf qu’aujourd’hui, l'État est incarné par Emmanuel Macron et Emmanuel Macron est plutôt vu comme un président des villes, un président des métropoles et, tout à coup, il essaie de nous faire croire qu’il est un président des territoires…

François BAYROU. - Vous vous trompez complètement.

Il se trouve que je suis pyrénéen.

Donc les Français se trompent puisque c’est ce que les sondages d’opinion disent ?

François BAYROU. - Je pense que des erreurs de communication ont été faites, je ne vous dirai pas le contraire et il le sait bien, lui.

Donc il est victime d'une injustice formidable, le Président de la République !

François BAYROU. - Non, il est victime d'erreur.

Et quand on a des erreurs, on les corrige.

Je disais, je suis pyrénéen, je connais mieux encore que d'autres, ses racines. Je sais qu’il est ami avec des bergers depuis très longtemps. Je sais, on l’a assez accusé d'être sensible aux chasseurs, pourquoi croyez-vous, ce n'est pas une sensibilité électorale, c’est que simplement…

Vous croyez vraiment ? Ce n’est pas dû au hasard ? !

François BAYROU. - Permettez-moi d’affirmer des choses !

Je dis qu’il a avec les populations rurales et ouvrières, un contact les yeux dans les yeux qui ne ressemblent absolument pas à la caricature qui est faite de lui. Je ne suis pas son avocat. Je n’ai pas l’intention de l’être. Je ne suis pas son défenseur ni son conseiller en communication…

C’est pourtant ce qu’on entend. Vous êtes le meilleur d’entre eux !

François BAYROU. - Mais je dis ce que je vis. C’est un homme qui parle à d’autres femmes et d’autres hommes les yeux dans les yeux à la même hauteur. Simplement il parle cash. Simplement il dit à un jeune garçon on peut trouver du travail…

Sarkozy le faisait aussi et vous ne trouviez pas cela irrésistible.

François BAYROU. - Excusez-moi, j’ai écrit beaucoup sur Nicolas Sarkozy…

Je sais ce que j’ai écrit. Je pense que les rapports ne sont pas les mêmes, mais je n'ai pas de querelle avec Nicolas Sarkozy.

Pour bien comprendre, pouvez-vous nous citer un ou deux domaines où vous verriez qu’il y a vraiment un geste que le Président n’est plus aussi jacobin et davantage girondin dans l’actualité très présente des jours à venir ?

François BAYROU. - C’est très simple, il y a 1 an, le Président de la République est allé devant l'association des maires et il a dit qu’on allait pouvoir faire des adaptations, qu’il allait demander aux préfets de ne pas hésiter à corriger certaines choses, même de manière expérimentale, c’est-à-dire on sort de la règle unique imposée à tout le monde et pour tout le monde, pour considérer que l'initiative du terrain peut être très importante.

Cela veut dire révision de la constitution pour que cela marche.

François BAYROU. - Elle est en cours.

Vous croyez qu’elle va aboutir ?

François BAYROU. - Pour que les collectivités puissent avoir des statuts et des compétences particulières, c’est en cours. C’est ce qui vient d’être annoncé, par exemple, sur l’Alsace.

Les deux départements qui fusionnent pour faire une collectivité.

Permettez-moi de dire au passage que je considère que la réforme des régions faite par la loi NOTRe est une honte et un échec.

Réforme menée par François Hollande. Vous pensez comme Ségolène Royal ; elle dit que c’est la plus grosse erreur du quinquennat.

François BAYROU. - Ce n’est pas la plus grosse, mais c’est une très très grosse erreur. Il suffit de regarder le profil d'un certain nombre de régions, le Grand-est est sûrement un exemple, mais le grand Sud-ouest, ce qu’on appelle Nouvelle Aquitaine, est une stupidité. Qu’il faille 7 heures pour aller d’un bout à l'autre de la région… Quand on considère que, dans l'esprit régional, c'est la même région que Pau, Limoges, Poitiers, Bressuire, mais il ne faut jamais avoir parcouru la France pour comprendre ce que c’est ! Et cela multiplie par X, les frais de fonctionnement parce qu’il faut aller d’un bout à l’autre de la région, cela empêche l’esprit régional de se former…

En même temps, c’est au Président de la République de la remettre en cause.

François BAYROU. - C’est nul !

C’est la loi maintenant.

François BAYROU. - Je le répète, c’est une loi nulle !

Cependant, il y a des régions où c'est bien, la Normandie c’est bien la réunification des deux Normandie, mais cela a été fait, non par pour des raisons profondes, historiques, géographiques, sociologiques, tout ce que vous voulez, mais pour des raisons électorales sur un coin de table, avec une calculette aveugle…

Cela n’a pas très bien marché !

François BAYROU. - Calculette à œillères, pour simplement favoriser le parti socialiste.

Cela ne marche jamais, vous savez.

Vous avez dit qu’il ne fallait pas avoir de mépris dans l’expression « dans la France d’en bas », ce qu’on appelait dans le temps « la France d’en bas », est-ce que vous considérez…

François BAYROU. - Plus que cela, il faut voir du respect dans l’expression.

Est-ce que vous considérez que la distinction populisme/progressisme n'est pas une façon de dire : « On a raison et ils ont tort ». Je crois que vous préférez la distinction démocratie/démagogie. Est-ce que c’est une bonne idée pour Emmanuel Macron d’avoir en gros, laissé entendre qu’il était dans le camp du bien et que les autres étaient dans l’erreur ?

C’est le clivage qu’il essaie d’imposer pour la campagne pour les élections européennes.

François BAYROU. - Je pense que cette formulation, la première retenue : progressisme/nationalisme n'est pas excellente.

Pourquoi ?

François BAYROU. - Parce que je n'abandonne pas la nation aux nationalistes. Pour moi, la nation est très importante, l'identité d'un peuple, la communauté de destins comme je l’avais défini autrefois dans un livre, est très importante. C’est en cela que les gens se reconnaissent, c'est le bien commun de ceux qui n'ont pas grand-chose et donc mettre le mot « nation » dans le monde des adversaires, ce serait une erreur.

Pourquoi il s'obstine sur ce sujet-là, Emmanuel Macron ?

François BAYROU. - Jene suis pas sûr que ce soit son idée, mais peut-être qu’il aura l’occasion…

Il est mal conseillé ?

François BAYROU. - Non.

Vous êtes vraiment son meilleur avocat. Vous êtes incroyable, François Bayrou !

François BAYROU. - Je ne cherche pas à être avocat.

Je vois la situation historiquedans laquelle nous sommes et je donne mon jugement sur les personnes…

On peut vous entendre, mais le Président de la République est responsable des mots qu’il prononce, enfin !

François BAYROU. - Sûrement et moi aussi, donc je vais reprendre les miens ! Il y a une immense question historique qui n’est d'ailleurs pas étrangère à ce qu'on vient de vivre en Nouvelle-Calédonie, c’est la même chose : est-ce que, pour exercer sa souveraineté, pour défendre ses propres choix, est-ce qu’il faut s'isoler selon la doctrine du chacun pour soi et du charbonnier est maître chez soi ou bien est-ce qu’il faut se rapprocher de ceux avec qui on partage l’essentiel ? C'estune immense question historique. Il y a donc d’un côté, ceux qui veulent l'union et, de l'autre, ceux qui veulent la division. C'est la vérité.

Un exemple très simple.

Je ne sais pas si vous avez vu ce qu’il s’est passé pour les entreprises européennes en Iran. Les États-Unis ont décidé, sans consulter personne, qu'ils allaient imposer… revenir aux sanctions en Iran. Qu’est-ce qui s’est passé pour les entreprises européennes ? Pour Peugeot, pour Total, immenses entreprises, ce ne sont pas des PME : dans les 2 mois, elles ont plié bagage. Et vous croyez qu’on va être plus fort en étant tout seul ? Quel est l'esprit qui va oser venir devant les Français en disant : « Écoutez, mes chers amis, j'ai bien réfléchi. J’ai regardé le monde. J’ai vu la Chine, j’ai vu les États-Unis, j’ai vu Trump, j’ai vu ce qu’il se passe au Brésil, je vais vous proposer quelque chose : on va se mettre tout seul et on sera plus fort » ?

Pour l’instant, l’Union européenne existe et, malgré tout, toutes les entreprises européennes…

François BAYROU. - Parce qu’on n'a pas le travail qui devrait donner à l’Europe sa pleine souveraineté.

Emmanuel Macron a essayé de le faire et il s'est retrouvé tout seul. Personne ne le suit.

François BAYROU. - Il s’est trouvé tout seul. Cela n'a pas d'importance s'il avait raison.

Je pense que le Président de la République devrait, à chaque occasion, expliquer aux Français quel est le but qu’il se fixe dans l’immense travail européen et, tant pis, s’il n'arrive pas chaque fois à obtenir les objectifs fixés.

La question de l'Europe est la question de l'association des citoyens aux questions essentielles de leur avenir, simplement depuis des décennies, les institutions, et même de bonne foi, ont fait en sorte que les citoyens n’y comprennent rien, que les citoyens soient tenus en lisière, soient tenus à l'écart et moi, je suis pour que, et c’est pour cela que j'aime le mot de démocratie, l’on rende au peuple la pleine conscience et la pleine responsabilité de ses choix.

Il y a eu pendanttrès longtempsl’idée qu’il nefallaitsurtout pas êtreisolésurla scène européenneet on avait l’alliance franco-allemandesur laquelle a misé Emmanuel Macron.

Aujourd’hui, on voit que le couple est un peu en panne, Angela Merkel est en difficultéet la tentation d’Emmanuel Macron estdese dire : « Même sije suis seulouisolé, je vais affirmer ma conviction ». Est-ce que ce n’est pas quand même…

François BAYROU. - Ce n’est pas une conviction qu’il doit avoir, c'estundevoir exercé.

Est-ce que ce n’est pas le risque de se trouver complément isolé parce qu’on neréformepas l'Europe tout seul ?

François BAYROU. - Question, de quoi manquel'Europe ? Ellemanquede sensparce que les institutionscomplexes, loin des peuples, une représentation même parlementaire qui n'est pas suivie ou comprise ou dont l'opinion n'est pas informée, tout cela a creusé un fossé et personne, y compris nous cinq autour de cette table, n'est capable de dire ce dont l'Europe discute aujourd'hui.

Je vais même plus loin, on vit la grande époque du Brexit. Qui a expliqué aux Français ce que le Brexit entraînait comme enjeu pour les Britanniques et pour nous ?

Michel Barnier sur France Inter, il n’y a pas si longtemps, le négociateur du Brexit.

François BAYROU. - Vous voyez c’est exactement ce que répondent toujours les responsables, même médiatiques.

Je suis très content que Michel Barnier le fasse et je le soutiens, mais je veux que vous compreniez que l’explication quotidienne réitérée, répétée, humblement ressassée, des enjeux, de ce que l’on est en train de faire, des risques que l’on prend, des échecs que l’on rencontre si on en rencontre, c’est ce qui donnera aux Français et aux autres, le sentiment que l'Europe existe vraiment. Pour l’instant, l'Europe est extérieure à eux et cette faiblesse-là doit être corrigée d'urgence.

Justement pour corriger cette faiblesse et partant du principe qu’ensemble tout devient possible, est-ce que vous qui envoyez des SMS sans arrêt en latin, notamment à Alain Juppé vous lui dites : « Viens avec nous. Cela mérite, on va essayer de faire campagne tous ensemble au nom, justement, de cet éclatement des clivages » et finalement, avez-vous un léger espoir qu’il va vous rejoindre ?

François BAYROU. - Quand les buts sont clairs, il faut qu’ils le soient, quand les enjeux sont historiques, ils le sont, alors le rassemblement le plus large est recommandé.

Recommandé, mais possible ? Plausible ? Est-ce que vous lui diriez : « Viens avec nous » ?

François BAYROU. - En tout cas, je ferais tout ce que je pourrais pour cela, dans le respect des différentes sensibilités.

Mais vous lui dites : « Alain, rejoins-nous. Faisons campagne ensemble » ?

Vous avez l’impression qu’il y a une marge ?

François BAYROU. Si j'ai besoin de parler à Alain Juppé, je vous assure que je ne le ferai pas sur France Inter !

C’est pour comprendre, en l’occurrence.

On a l’impression que c’est cuit, qu’il ne viendra pas avec vous.

François BAYROU. - Plus c’est large et mieux c'est, mais je n'ai jamais pensé que les ralliements étaient faciles. Je sais très bien que la tendance naturelle des choses….

Mais il y a un espoir ?

François BAYROU. - Moi j’ai un espoir.

Il y a quand même une partie de la droite, je pense à Alain Juppé évidemment on peut mettre Valérie Pécresse. Xavier Bertrand, c’est plus compliqué et tout le groupe indépendant, agir, qui reste très attaché aux valeurs de droite, c’est qu’ils n'ont pas envie de passer le pas, de franchir le Rubicon et d’aller à la République en marche.

Pourquoi ? Comment est-ce que vous expliquez cela ?

François BAYROU. - Qu’est-ce qu’a dit l’élection d’Emmanuel Macron ? C’est que l’on pouvait construire un pays conservant chacun son identité.

Il n’y croit pas alors.

François BAYROU. - Des gens de droite modérés, comme vous dites, peuvent conserver leur identité, il y en a un gouvernement. Des gens du centre, pleinement inscrits dans la grande histoire du centre français, peuvent conserver leur identité. Des sociaux-démocrates, venus de la gauche, peuvent conserver leur identité. Il n'y a rien de plus important que de rassembler dans le respect de cette histoire, de cet enracinement.

C’est vraiment ce qu’il s’est passé ? On peut aussi expliquer l’élection d’Emmanuel Macron par le rejet de l’extrême droite et de Marine Le Pen.

François BAYROU. - L’élection d’Emmanuel Macron a été acquise au premier tour. Elle a été confirmée au deuxième tour, notamment après le débat, mais elle a été acquise au premier tour. C’est au premier tour que les Français ont dit : « Voilà le surgissement que nous souhaitons et que nous voulons ».

24 %, vous appelez cela un surgissement ?

François BAYROU. - Oui, 24 % venus de beaucoup, c’est un surgissement. Je veux ajouter une chose : une des questions qui se pose chaque jour aujourd'hui, y compris à ceux qui sont autour du Président de la République ou qui le soutiennent, c’est précisément de ne pas oublier l'esprit de ce printemps 2017 dans lequel le choix des Français a été pour un renouvellement profond de l’engagement politique, un renouvellement profond des attitudes et dans lequel la bienveillance avait une très grande importance.

Tout le responsable politique qui s’exprime, insiste sur la gravité de la situation. On a évoqué 14-18, il y a l’ambiance des années 30, évoquée par Emmanuel Macron…

François BAYROU. - Des années 20.

Il y a aussi cette interview de Nicolas Sarkozy dans le point où il dit : « Le modèle démocratique européen touche ses limites, car il devient synonyme d’impuissance ». Comment vous réagissez-vous et est-ce que l’Europe à laquelle vous avez rêvé est en train de s'écrouler ou menace de s’écrouler ?

François BAYROU. - Quand je vois la maison que j’aime menacée de s'écrouler, je n'ai pas d'autre urgence que de saisir les outils nécessaires pour la consolider.

Mais on est à cette période-là ou pas ?

François BAYROU. - Ce que Nicolas Sarkozy a dit que je partage sur le fait qu’en effet, la démocratie était un risque parce que les citoyens n'y voient plus d’efficacité et vous avez vu ce sondage qui dit que 41 % des Français seraient prêts à ce qu’on appelle « des gouvernements autoritaires ».

Pouvoirs politiques autoritaires, c’est un sondage publié jeudi par IFOP : « On occulte la méthodologie mais le résultat est là »

François BAYROU. - Vous voyez, en tout cas, la tendance est significative. Donc je ne sais pas si ce sont ces chiffres exactement, mais c’est significatif, bien sûr, mais vous ne voyez pas que nous sommes un archipel de petites îles dans le monde alors que montent les océans, au contraire des pouvoirs, pour qui la liberté n'a pas grande importance et la démocratie n’en a aucune.

C’est un mouvement qui paraît irrésistible, soit pour des raisons d'intégrisme religieux, soit pour des raisons de prise en main de la société par des clans qui veulent le plus grand libéralisme économique, mais avec le contrôle total des citoyens.

Toutes ces choses-là sont en marche devant nous. Nous sommes désormais isolés, un confetti d'îles pour lesquelles la liberté et la démocratie cela existe et c’est la raison fondamentale pour laquelle nous n’avons pas le droit de nous diviser, nous n’avons pas le droit de jouer le chacun pour soi ni charbonnier est maître chez soi.

L’ambiance des années 30, je crois qu’il a cité les années 20…

Non, il a cité les années 20, fin de la première guerre mondiale, crise de 29.

François BAYROU. - On voit bien la crise. Qu’est-ce que c’était cette ambiance des années 30 ? C’était cette affirmation scandaleuse selon laquelle je reprends les mots de qui vous savez : « charbonnier est maître chez soi. » « Nous pouvons faire ce que nous voulons… » dit-il à la société des nations, le représentant du gouvernement national socialiste de l’Allemagne, dit « Nous pouvons faire ce que nous voulons de nos juifs, de nos socialistes, de nos communistes ». Charbonnier est maître chez soi, cette affirmation-là qui avait été annihilée par des décennies de combats démocratiques, aujourd’hui, se retrouve d'actualité.

On a voté, donc on peut faire ce qu'on veut. Et bien ce que nous croyons-nous c’est que, naturellement le vote a de l'importance, naturellement les gouvernements sont responsables, naturellement la souveraineté compte, dans le respect de principe essentiel auquel nul ne devrait pouvoir déroger, c'est pourquoi vous me permettrez de citer cette jeune femme, Asia Bibi, au Pakistan…

Cette chrétienne au Pakistan.

François BAYROU. - Condamnée à mort pour avoir partagé un verre d’eau.

Et interdite de quitter le territoire alors qu’elle a été libérée par la justice.

François BAYROU. - Elle a été libérée par la justice et on essaie aujourd’hui de l’assassiner elle et tous ceux qui en sont proches.

Résultat puisque vous parliez d’un vote et que nous avons commencé l’émission avec cela, résultat du référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie : 57 % c’est ce qu’indiquent les résultat toujours partiels.

Un mot puisque vous avez été ministre de l’Éducation et qu’on a vu régulièrement la question de l'éducation se poser autour de la problématique de la violence : il y a eu cette proposition d’envoyer des gendarmes ou des policiers dans les écoles. Vous-même, lorsque vous étiez ministre, vous aviez théorisé l’idée d’une école sanctuaire. Qu’est-ce que vous pensez de cette proposition-là ?

François BAYROU. - Je n'ai pas changé d'avis d'un millimètre sur ce sujet.

C’est une ânerie pour vous ?

François BAYROU. - L'idée est une illusion, illusion trompeuse, fallacieuse parce que l'idée que l'ordre dans les écoles se remet en mettant des policiers et des gendarmes à l’intérieur de l'école ne correspond à rien de la réalité et à rien des principes de l’école républicaine. Ce qu’il faut c’est que l’école impose son propre ordre, pas la loi du plus fort, avec des armes parce que cela voudrait dire qu'ont gagné tous ceux qui voudraient introduire à l’intérieur de l’école.

Il faut que l’école puisse dire : « Tel élève s'est mal comporté. Il doit être exclu de l'école pendant un temps déterminé » et pendant ce temps, lui offrir une éducation, y compris renforcée qui fasse qu’il revienne dans le chemin du respect des personnes et du respect de ce que l’on transmet à l'école et à ce titre, le ministre de l’Éducation a raison de vouloir prévoir. J’avais appelé cela quand j’étais moi-même ministre de l’Éducation, « des collèges hors les murs », avec un encadrement solide et qui impose le respect.

On aurait eu encore beaucoup de questions à vous poser. L’émission se termine.

Merci François Bayrou, d’avoir été notre invité, malgré cette voix un peu enrouée, mais on vous souhaite de bien vous porter.

 

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