François Bayrou, invité de la matinale de Radio Classique

François Bayrou était ce matin l'invité de Guillaume Durand dans la matinale de Radio Classique. Retrouvez cette interview ci-dessous.


François Bayrou, Bonjour, bienvenue sur l’antenne de Radio Classique avec nos amis du Figaro, pas question d’annuler la taxe carbone, mais la prime à la conversion passe de 2000 à 4000, puis donc le chèque énergie passe de 150 à 200 euros et il va concerner plusieurs millions de Français. Voilà l’essentiel des mesures qui sont apportées ce matin, avec une intervention du Président de la République cet après-midi, pardonnez-moi de faire un petit peu long mais ça vient de tomber. Est-ce que vous pensez que tout ça, vous qui avez une expérience politique quand même, c’est un peu déminer une colère qui s’est organisée depuis plusieurs semaines ?

Bon, vous voyez bien qu’il y a une difficulté autour de cette question du prix du carburant, avec le rattrapage du diesel sur l’essence et cette question, tous ceux qui nous écoutent le savent, elle est depuis des années, depuis 15 ans, au centre du débat des Français, au centre du débat national. Vous vous souvenez que Nicolas Hulot avait obtenu en 2007 de tous les candidats à la présidentielle, dont moi, l’engagement d’entrer dans ce cycle, au fond, de faire attention au carburant pour en dépenser moins. Deuxièmement, on est arrivé progressivement à ce nouvel équilibre. Il y a une chose dont on ne se souvient pas, c’est que le carburant est aujourd’hui moins cher qu’il y a 30 ans. Il y a 30 ans, si j’ai bien lu les statistiques, vous les avez eues aussi...

Il a baissé de 27%, ces 5 dernières semaines, or la pompe rien, c’est toujours le même tarif.

Parce que ça met toujours cinq semaines, c’est d’ailleurs une question qu’on pourrait se poser : Comment faire pour qu’il y ait une adaptation plus rapide ? Mais il y a 30 ans, avec une heure de SMIC on avait trois litres d’essence, aujourd’hui avec 1 heure de SMIC on a 6 litres d’essence, enfin de carburant quel qu’il soit puisque c’est à peu près le même prix, et les voitures dépensent moitié moins. Donc ce choix qui a été fait, et qui a été fait par toutes les formations politiques sans exception, en tout cas toutes celles qui aspiraient aux responsabilités, de faire que désormais en France, comme dans beaucoup d’autres pays, on va faire attention au carburant et aux dépenses de carburant, parce que, évidemment, ça créé…

Donc ils ont raison de ne pas toucher à la taxe carbone ?

Et en face de ce choix, il y en a un autre, qui est d’aider ceux qui ont le plus besoin pour leur voiture, ou pour leur chauffage, de carburant, de les aider à assumer cette charge. Alors, je ne dis pas que ce soit un équilibre parfait, parce qu’il est très difficile de trouver l’équilibre parfait, mais vous voyez qu’en tout cas il y a la recherche de quelque chose qui est juste du point de vue de l’orientation du pays, et notamment face au changement climatique dont tout le monde voit bien aujourd’hui… dont tout le monde identifie la cause, faire attention à ce genre de dépense énergétique, et deuxièmement l’équilibrer pour ceux qui en ont le plus besoin. Il y a en tout cas une ligne et un équilibre.

La question portait sur la colère : Vous savez qu’elle est amalgamée à travers plusieurs choses, il y a des gens qui envisagent de marcher sur l’Élysée, d’autres qui veulent bloquer les routes : vous avez Wauquiez, Marine Le Pen et la France Insoumise qui, plus ou moins officieusement, vont participer à la manifestation. Est-ce que des mesures, fussent-elles justifiées, vous les avez rappelées, vous avez rappelé leur historique, est-ce que cela va arrêter une colère qui est clairement une colère anti-Macron ?

Oui, en tout cas moi je ne ressens pas cette colère-là, ou plus exactement c’est un mouvement qui amalgame, sans aucune issue possible, parce qu’il n’y a aucune sortie possible, quand vous mettez toutes les colères, entre guillemets, d’un pays, toutes les difficultés d’un pays ensemble, dans la rue dit-on, j’attends de voir ce que ça va être, quand vous mettez tout ça en même temps, qu’il n’y a aucune sortie possible, parce que aucune alternative possible, de gouvernement, de majorité, toutes ces choses-là, qui font que...

Mais la colère, c’est dangereux, François Bayrou.

Moi je ne sens pas le pays comme on le dit, je ne ressens pas cette chose, je pense qu’il y a, comme toujours, de l’incompréhension, et il y a en même temps une situation de...

Pourtant, le Président de la République s’est exprimé 5 fois ces derniers temps, alors qu’il avait dit…

Oui, et il a bien fait.

Et il recommence ce soir.

Il a bien fait. Il fallait qu’il parle. En tout cas, moi, j’ai toujours pensé que c’était nécessaire. Nous sommes dans un moment du monde, vous le savez bien, vous en rendez compte tous les jours, nous sommes dans un moment du monde qui est probablement le plus risqué, dangereux, déstabilisé que nous avons connu depuis très longtemps. Regardez, dans les 24 dernières heures, on a cette affaire du Brexit, autour de laquelle cet après-midi le gouvernement britannique va jouer son existence. Ils avaient dit : On sort, et en vérité ils sont, pour plusieurs années, obligés de rester. Ils ont exploré toutes les pistes, ils n’y sont pas arrivés. Vous avez des déchaînements de Trump, par des tweets interposés, qui sont incroyables. L’Italie, à cette...

Vous n’avez pas répondu à ce détail : la colère de Trump à destination de son public, après un voyage qui n’a pas été une réussite, c’est une chose. Mais les chiffres sont vrais : l’impopularité de Macron, c’est vrai, le chômage c’est vrai ; l’absence de résultats après 18 mois, parce que dans cette affaire de manifestation, vous connaissez suffisamment le sujet depuis longtemps, Macron a dit, les résultats c’est 18-24 mois, on est pile 18 mois après, résultat 0. Ni sur le chômage, ni sur le commerce extérieur, ni sur l’endettement et les prélèvements obligatoires…

Oui, parce que le travail est à faire en profondeur, vous ne m’avez jamais entendu, toutes les rencontres que nous avons faites ensemble, vous ne m’avez jamais entendu dire : ça ira mieux dans 18 mois, parce que c’est trop court. Les choix en profondeur qu’il faut faire, pour que la France produise mieux et plus, pour que l’éducation soit changée, pour que, au fond, l’équilibre des finances publiques soit mieux maîtrisé, ces choix-là sont des choix de long terme, de longue durée, et ceux qui vous disent le contraire racontent des histoires. Je n’ai jamais cru à ce court terme-là, mais je voudrais finir l’énumération que j’avais commencée. J’ai parlé du Brexit, j’ai parlé de Trump, on peut parler de ce qui se passe au Moyen Orient et en Iran. A l’instant même, l’Italie vient de dire : Nous ne respecterons pas les engagements que nous avons pris pour le budget, à l’instant même, à la seconde même. Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu’une des principales économies européennes va être soumise à des vagues, à des tensions, extrêmement fortes, que les Italiens vont en payer le prix, parce que, vous connaissez la conséquence inéluctable de ce genre de tension, c’est que l’argent qu’on doit prêter aux ménages pour consommer, ou aux entreprises pour investir, cet argent-là va devenir tout à coup beaucoup plus cher. Qui va souffrir ? Les Italiens.

Mais Salvini est populaire, vous le savez, le gouvernement, ça ils ont un soutien massif.

Oui, ben vous voyez, c’est là qu’on touche du doigt quelque chose autour de la popularité. La popularité, c’est un confort. Mais lorsque la popularité entraîne un pays à la catastrophe, il est du devoir des gens qui sont responsables, qui sont équilibrés, de dire : « Écoutez, la direction qui est choisie est une mauvaise direction. Et le peuple des citoyens, doit être informé au moins par ceux qui voient clair - c’est leur devoir de dire les choses, y compris quand on rencontre des moments d’impopularité. Ce n’est pas un tsunami, ce sont des moments difficiles que tous les présidents de la République rencontrent. La question est : est-ce que la direction est bonne ? Et pour moi la direction est la seule possible utile pour le pays. 

Est-ce que vous considérez qu’ Emmanuel Macron est un amateur, ou en tout cas, un jeune président beaucoup trop solitaire sans soutien - on vient de parler de LREM - ou est-ce que c’est un visionnaire qui a raison de dire « moi ou le chaos », ou « moi » - alors que tous les autres présidents et ça vise aussi les membres du gouvernement (vous l’avez été souvent) - n’ont jamais rien fait ? C’est quand même un peu prétentieux comme attitude ?

Il ne dit pas cela.

Si, il l’a dit sur CNN. Il a dit : « Personne n’a rien fait depuis 30 ans ». 

Bien, c’est vrai que la situation de la France aujourd’hui, elle s’explique en partie par l’absence de choix qui a été prononcée depuis 30 ans. 

Bon mais c’est normal que ceux qui ont été battus à la présidentielle cherchent leur revanche à travers cette manifestation. Vous ne pouvez pas dire qu’ils n’existent pas puisque vous les connaissez. Vous avez un groupe au Parlement, ils sont là : Mélenchon, Marine Le Pen,… 

Quelle est la question : est-ce qu’il y a des oppositions qui sont divisées, chaotiques, hostiles les unes contre les autres, et sans réels leaders d’alternatives ? Est-ce que c’est la situation ? La réponse est oui. Est-ce qu’il est normal dans un pays que ceux qui sont aux responsabilités rencontrent des difficultés d’opinions : oui ! Dans les temps que nous vivons, comment en serait-il autrement ? Dites moi un seul pays autour de nous qui ne l’ait pas. Ce que je sais, ce qu’on a vu ce week-end, c’est qu’il y a dans l’attitude, dans les mots et dans les choix du président de la République - face aux dangers les plus grands que la planète rencontre : face à Trump, à Poutine, face aux risques de chaos et de guerres - il y a chez cet homme en effet jeune, il y a une conscience et une hauteur de vue que je considère moi comme bienfaisante pour le pays. Il n’a pas que des qualités. Comment en aurait-il ? Même vous Guillaume Durand, qui êtes un parangon de vertu, même vous, vous avez des défauts ! (rires)

…On dit qu’il est mal entouré, que ces ministres ne sont pas très bons à part les techniciens, qui n’ont pas de poids politique. La preuve : ce matin, vous venez le défendre. 

Non, la preuve, c’est vous qui m’avez invité…

Ce que je veux dire, c’est vous qui le défendez… Bien sûr que je vous ai invité.

Non, je ne le défends pas. Défendre quelqu’un, être son avocat. Ça veut dire qu’on le défend quoiqu’il en soit. Il se trouve que ce que je vous dis de cet homme et de l’exercice de la responsabilité qui est la sienne et de ce que cela doit apporter au pays, je le pense plus profondément encore que je ne le dis. Je vois sa manière d’être. Je vois son expression. Je regarde les chefs d’État qui l’entourent et je me dis que je préfère que ce soit lui.

Donc vous nous diriez – pour avoir participé à de très nombreux gouvernements avec différents présidents - que finalement, c’est le meilleur président de la Vème République depuis Charles de Gaulle ?

Non, je ne veux pas employer des choses comme cela. D’abord, ce n’est pas un classement, ni un concours de beauté. Je vais vous dire : je pense et je trouve qu’il est à la hauteur, à la hauteur de la situation d’un monde complétement déstabilisé, dans laquelle nous rencontrons des risques considérables, et sa pensée et sa sensibilité du pays sont justes, plus encore qu’on ne le croit parce que je pense qu’il n’a pas exprimé encore la profondeur de ce qu’il pense et de ce qu’il a vu. Je pense, par exemple, que dans les 8 jours d’itinérance dans les régions françaises - y compris dans des régions dans lesquelles des difficultés se rencontrent - je pense qu’il a beaucoup vu, compris et appris. Et je ne sais pas si vous avez regardé dimanche mais j’ai trouvé que dans son expression, il y avait quelque chose comme une détermination et une maturité. Alors encore une fois, je ne suis pas son avocat. Si je pensais qu’il y a des choses qui ne vont pas - je l’ai fait à différentes reprises depuis son élection - je le dirais. Mais je pense que ce qui se joue là, dans ce dialogue entre cet homme et sa responsabilité et le peuple de citoyens que nous formons, est essentiel pour l’avenir.

Merci François Bayrou.

 

 

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