Espionnage de l'UE : "L'Europe doit répondre de façon soudée"

Image n°113

Au micro de France Inter, François Bayrou a dénoncé une attitude "inacceptable" des États-Unis face à laquelle l'Europe doit être "soudée" et répondre avec un "geste fort" tel que "l'interruption des négociations commerciales".

Patrick Cohen – Un mot sur l'affaire Snowden. Vous avez été surpris par l'ampleur des révélations, surtout par l'ampleur de l'espionnage pratiqué par les agences américaines ?

François Bayrou – J'ai été surpris comme tout le monde et je trouve que la réaction est à la hauteur de ce qu'il s'est passé. Pour moi, c'est extrêmement révélateur de ce que l'Europe doit mettre devant elle, devant ses yeux, comme réalité du rapport de force. On a une hyper-puissance, l’hyper-puissance américaine, qui, pour de bonnes raisons au départ, et pour des dérives qui n'ont cessé de se multiplier ensuite, intervient, s'introduit, dans les communications téléphoniques, dans les communications Internet, menaçant l'intégrité d'états qui sont leurs alliés. Ceci est purement et simplement inacceptable. Si nous sommes chacun dans notre coin à dire "Ce n'est pas possible, on ne peut pas le supporter", nous n'obtiendrons rien. Si l'Europe se soude, si elle est courageuse, pour une fois, si elle est forte comme elle devrait l'être, alors, peut-être, fera-t-elle entendre notre voix et en tout cas tapera-t-elle du poing sur la table au travers des négociations commerciales qu'elle interromprait.

Bernard Guetta – Vous êtes partisan de l'interrompre ?

Je suis partisan d'avoir un geste, une décision et une affirmation qui soient assez forts pour que les Américains comprennent qu'il y a des attitudes inacceptables. Pas seulement un peu dérangeantes et gênantes, inacceptables si vous êtes un pays libre et un ensemble démocratique qui veut défendre ses droits.

Statu quo à l'UMP. Vous comprenez que les militants n'aient pas eu envie de recréer de la crise et du conflit ?

Je comprends, parce que ce qu'il s'était passé à l'automne n'était ni heureux ni gai pour ceux qui croyaient à cette formation politique.

Jean-François Copé aimerait bien, il le dit dans Le Figaro ce matin, voir se constituer des listes communes avec l'UDI de Jean-Louis Borloo pour les élections européennes. Or, j'ai cru comprendre que c'était aussi votre souhait pour ce qui est du MoDem.

Moi je pense que tous ceux qui ont une certaine vision de l'Europe, tout ceux qui pensent que, dans l’actualité immédiate par exemple, les affaires d'espionnages d'Internet et de téléphone révèlent une question de rapport de force entre les États-Unis et nos pays européens, tous ceux-là ont besoin d'une Europe qui soit une Europe constituée et forte. J'entendais ce matin un chiffre sur vos antennes qui est effrayant. Si l'on regarde le poids des entreprises Internet, les entreprises américaines, c'est plus de 80% du monde Internet, la Chine, c'est 9%, le Japon c'est 4%. L’Europe toute entière, écoutez bien ce chiffre, c'est 2% du monde Internet. Si on ne comprend pas qu'il faut arrêter l'atomisation et qu'il faut que les pays européens se soudent pour avoir une stratégie commune dans ces domaines dont dépendent notre avenir et notre sécurité – nous venons de le voir, la sécurité des échanges – on ne comprends pas le monde dans lequel on est. Donc, ma thèse est que tous ceux qui ont cette certaine idée de l'Europe, plus intégrée, plus forte, plus démocratique, dans laquelle les citoyens auront leur mot à dire, ceux-là doivent se souder eux aussi.

C'est le cas de l'UDI de Jean-Louis Borloo ?

En tout cas, c'est le cas d'une partie importante de ses membres. Peut-être pas tous, parce que l'UDI, c'est composite, mais une partie importance de ses membres sont sur cette ligne. Il y a d'ailleurs à l'UMP des gens qui pensent aussi la même chose. Michel Barnier est venu s'exprimer devant notre conseil. C'est évident qu'il y a, dans ces formations politiques qui ont une vision mélangée de l'Europe, des gens qui pensent comme nous. Je pense que tous ceux qui veulent cette Europe plus forte doivent se souder. Donc, bien entendu, je suis ouvert et soutien à la solution d'un rapprochement.

On connaît les grandes lignes du budget 2014, soit 14 milliards d'euros d'économie. Ça va dans le sens que vous préconisez ?

Je voudrais dire deux choses. La première c'est que les économies sont indispensables. On peut mieux dépenser l'argent public qui devient si rare. Mais ça ne se fera pas sans une réforme profonde de l’État. Ce n'est pas en coupant sur les marges que l'on trouvera la somme considérable que ça représente. Il y a une deuxième chose que je voudrais dire. On pose toujours la question : nouveaux impôts ou économies ? Il y a une troisième voie possible et c'est la voie nécessaire : augmentation, amélioration de l'activité du pays. C'est parce que le pays n'a plus d'activité, parce qu'il ne produit plus, parce que les entreprises ne se sentent pas en sécurité, qu'il n'y a pas, en France, les ressources nécessaires pour porter notre programme de services publics et les assurances sociales qui sont le pacte fondateur du pays. Donc, ce qui manque dans le plan, c'est le plan d'aide à ceux qui font vivre, marcher, développer l'économie française. Cela passe par des décisions qui pour l'instant de sont pas prises : sécurité juridique, sécurité fiscale, soutien à l'entreprise, ne serait-ce que psychologique, certitude qu'ils ne seront pas ciblés lorsqu'ils auront entrepris les projets qui sont les leurs. C'est sur ce point que pêche la France. C'est parce que nous nous écroulons en économie que notre modèle social et de services publics ne peut plus être soutenu comme il l'était.

Donc, vous diriez que ça va dans le bon sens mais que ça manque d'ambition ?

Ça manque de vision de ce qui peut permettre de créer des emplois et des richesses pour notre pays. Si vous vous entretenez avec des PME, avec des artisans, avec des cadres d'entreprises plus importantes, qu'est-ce qu'ils disent ? Ils disent qu'ils ne voient pas l'avenir, qu'ils n'ont pas confiance dans l'avenir, qu'ils ont le sentiment d'être perpétuellement pris pour cibles des décisions politiques, qu'ils n'ont aucune sécurité, que les lois changent tout le temps, que le Code du Travail est illisible parce qu'il fait 3.000 pages. Tout cela, ça ne coûte pas, ça fait partie du soutien auquel l'économie française est en droit de prétendre. Par exemple, on nous a annoncé il y a quelques semaines, de manière très soutenue, qu'on allait faire un choc de simplification. Alors que tout le monde se moquait de cette formule, j'ai dit que, au contraire, ça me paraissait indispensable. Si ça allait dans ce sens, je soutiendrais. Est-ce que vous avez vu une seule simplification entamée ?

Il y a un rapport qui doit être remis aujourd'hui.

Voilà, nous aurons un rapport, très bien. Vous voyez bien que si nous allons dans ce sens, alors oui il se passera quelque chose. Pour l'instant, la plupart de citoyens, des foyers, des entreprises, ont l'impression d'un monde administratif incompréhensible.

Thomas Legrand – Je voulais rebondir sur ce que vous disiez, sur la sécurité que demandent les PME. Vous disiez que, quand on parle aux PME, ils demandent la lisibilité et la sécurité. La lisibilité et la sécurité, ça voudrait dire ne rien changer ? Ne pas réformer ? Rester dans le statu quo des règles actuelles ?

Non, ça veut dire choisir, comme je viens de le défendre à l'instant, une simplification drastique, et sécuriser dans le temps les décisions que l'on prend. A l'heure actuelle, si vous regardez le programme du Parlement dont tous les parlementaires se plaignent...

Il est surchargé.

Un Parlement qui ne peut plus être entendu et qui se perd dans le sable de décisions anarchiques ou en tout cas sans lien et sans cohérence les unes avec les autres. Si vous regardez cela, alors vous verrez que les règles changent tout le temps sans aucun profit pour les citoyens et pour les acteurs économiques.


Je reçois la lettre d'information du Mouvement Démocrate

Engagez-vous, soyez volontaires

A nos côtés, vous serez un acteur de nos combats pour les Français, pour la France et pour l'Europe.

Chaque engagement compte !

Votre adhésion / votre don

Valeur :

Coût réel :

20 €

6,80 €

50 €

17 €

100 €

34 €

Autres montants

Qu'est ce que la déclaration fiscale sur les dons ?
Filtrer par