Emploi : "C'est une faute de ne pas poser la question du temps du travail"

Sur France Info jeudi, François Bayrou a appelé à un "plan d'urgence" contre le chômage en portant quatre propositions, dont "mettre de l'ordre dans le labyrinthe de notre droit" et "sécuriser la fiscalité".

Si mes souvenirs sont exacts, pendant la campagne présidentielle vous disiez : "Mon ennemi, c'est le chômage". Aujourd'hui, vous réclamez un plan d'urgence. Quelles sont les mesures que vous préconisez ? 
François Bayrou - En 2012, on nous disait, des deux bords, que nous aurions une croissance de 1,8 pour cent, que le chômage reculerait et que le déficit tomberait en dessous de 3 pour cent. Pendant toute la campagne, j'ai dit aux Français : "On vous raconte des histoires ! La croissance du pays sera inférieure à 0,5 pour cent". 

Donc vous aviez raison et ils ne vous ont pas cru ? Ils ont préféré croire des mensonges ? 
C'est normal. Lorsque les responsables publics ne font pas leur travail, comment voulez-vous que les peuples aient le discernement nécessaire pour deviner qu'on leur raconte des histoires, surtout lorsqu'on raconte ces histoires des deux bords en même temps ? Nous sommes maintenant devant la réalité. La réalité, elle se traduit pour des millions de familles françaises par le désarroi le plus absolu. Que faut-il faire ? Pour moi, c'est très clair. Il faut que les responsables de l'État disent : "Nous sommes devant une situation d'urgence, mettons en place tous les moyens nécessaires pour que les seuls créateurs possibles d'emplois soient soutenus". C'est-à-dire les chefs d'entreprises et tous ceux qui inventent et proposent des produits nouveaux. 

Mais c'est quoi ces mesures ? 
Premièrement, nous devons mettre de l'ordre dans le labyrinthe de notre droit, le droit du travail et le droit social qui sont absolument incompréhensibles pour qui que ce soit. Deuxièmement, donnons des assurances sur la fiscalité : les entreprises ne doivent pas se sentir perpétuellement en danger, devant de nouvelles cascades d'impôts qui vont leur tomber dessus. Troisièmement, il faut une sécurité dans le long terme. Quatrièmement, posons la question du temps du travail. Il n'est pas possible que la France soit un pays qui est incapable de faire aussi bien que ses voisins. 

C'est amusant, tout le monde veut la poser à présent, cette question du temps du travail. Pourquoi ne pas l'avoir posée avant ? 
Si, nous l'avons posée. Et c'est une faute ou une erreur que d'autres ne l'aient pas posée dans les dix ans précédents. En vérité, il y a douze ans que nous déclinons peu à peu sur une pente qui est mortelle. C'est de la survie du pays qu'il s'agit. Le jour où l'on s'en rendra compte, on mettra en place la politique d'urgence que je réclame. 

ACTION DU CHEF DE L'ÉTAT : "FRANÇOIS HOLLANDE DOIT MAINTENANT FAIRE SES PREUVES" 

Vous parlez du déficit et de la croissance, est-ce que vous regrettez aujourd'hui d'avoir soutenu François Hollande ? 
J'ai soutenu François Hollande, parce qu'autrement nous prenions le plus mauvais des chemins. Mais François Hollande, il a maintenant à faire ses preuves. Pour l'instant, les engagements qu'il avait pris ne sont pas respectés. C'est là qu'est la question. 

Aujourd'hui, nous sommes sur ce "plus mauvais des chemins" ? 
Je ne dirai pas ça. Cependant, François Hollande a dit dans les derniers mois deux choses contradictoires, deux discours au sein du gouvernement et de la majorité. Le premier est le discours qu'il a tenu à sa conférence de presse en novembre, qui ressemble à ce que je dis à votre micro. C'est-à-dire : nous allons soutenir les créateurs d'entreprises, apporter le soutien de l'État à ceux qui créent de l'emploi, ce qu'il appelait la politique de l'offre. Le deuxième discours, celui que nous voyons tous les jours, ce sont des signes en sens inverse. Je vous en donne un : comment a-t-on pu dire que le jour de carence pour les fonctionnaires, qui n'était déjà que d'un jour contre trois pour les salariés du privé, allait être supprimé ? Vous voyez le signal que cela envoie ? Cela envoie comme signale que les efforts sont pour les uns et pas pour les autres. Ceci va dans la mauvaise direction. 

AFFAIRE TAPIE : "IMPOSSIBLE QUE LA DÉCISION AIT ÉTÉ PRISE SANS ACCORD DE L'ÉLYSÉE." 

Vous avez depuis le début été l'un de ceux qui dénonçaient un scandale d'État dans l'affaire Tapie. Aujourd'hui, cette affaire rebondie puisqu'il y a eu des perquisitions menées hier chez Claude Guéant, à son domicile et à son cabinet. Qui est impliqué selon vous ? 
La Justice avance et, pour des Républicains, c'est une bonne nouvelle. J'espère que nous allons enfin savoir ce qui s'est vraiment passé. Les magistrats ont obtenu un réquisitoire supplétif, pour "faux et détournement d'argent public". Pour ceux qui croient à l'État en France, la question est-celle-ci : comment a-t-on pu organiser cela au cœur de l'État ? Nous parlons de l'affaire Tapie, mais ce n'est pas Bernard Tapie la question. Il défend ses intérêts et nous pouvons avoir des jugements différents sur cette question. C'est au cœur de l'État, dans ses plus hautes responsabilités, que l'on a mis en place une organisation, un scénario, pour que l'argent public soit ainsi transféré à une personne privée. Ceci, à mon avis, est sans exemple dans l'histoire de la République. Le travail de la Justice va nous permettre d'éclaircir cette affaire. 

C'est pour cette raison que je vous demandais qui était impliqué. À l'Élysée, vous pensez qu'il y a eu une influence du secrétaire général de Nicolas Sarkozy ? 
Il est impossible, en Ve République, qu'une décision de cet ordre soit prise sans que la présidence de la République donne son accord et probablement son impulsion. 

Ce n'est pas Christine Lagarde toute seule, à Bercy, qui en a décidé ? 
Quiconque sait comment fonctionne l'État ne doute pas une seule seconde qu'il faille l'accord de la présidence de la République. On demande l'accord de la présidence de la République pour une nomination accessoire, on demande l'accord de la présidence de la République pour des questions budgétaires de deuxième ordre, … Là, c'est 400 millions d'euros dont il s'agit, d'argent public du contribuable français, dont cette somme inouïe et sans précédent de 45 millions d'euros de préjudice moral. Vous parliez à l'instant sur votre antenne de l'amiante : permettez-moi de rappeler que pour un père de famille qui meurt de l'amiante, le préjudice moral est estimé à 30.000 euros. Là, c'est 1.500 fois plus, simplement pour une prétendue mise en cause. 

Pardon de poser une question, peut-être bête, mais pourquoi l'Élysée aurait eu intérêt à ce que Bernard Tapie touche cet argent ? 
Vous venez de mettre le doigt sur la question à laquelle tous ceux qui ce sont intéressés à cette faire, tous ceux qui se sont battus pour qu'on lève le couvercle de plomb qui empêche que l'on voit la réalité des choses, se posent quand ils se croisent dans la rue : pourquoi ont-ils fait cela ? 

Il y a une politique de financement, derrière tout cela ? 
Honnêtement, je n'ai aucun élément pour le dire. Dans un livre, il y a quelques années, j'ai proposé des scénarios. Il me semble que cela signifie que Bernard Tapie avait du poids sur ce qui se passait dans l'État à cette époque... 

C'est-à-dire avant 2007 ? 
C'est en 2007 que la décision a été prise, à partir de l'élection de Nicolas Sarkozy. Il y avait eu des tentatives avant, pendant des années on a essayé de faire que les décisions de Justice ne soit pas appliquées et que l'on trouve cette procédure d'arbitrage privé qui pose autant d'interrogations. 

RELATIONS AVEC LA RUSSIE : "C'EST AUSSI DÉFENDRE LES INTÉRÊTS DE LA FRANCE." 

Dernière question, François Hollande est à Moscou aujourd'hui, nous nous asseyons sur les droits de l'Homme en rendant visite à Vladimir Poutine ? 
Non, je pense qu'il a deux choses à l'esprit et nous ne pouvons pas lui en faire le reproche. La première, c'est qu'il est obligé d'avoir des relations établies avec cette puissance qu'est la Russie, notamment pour ce qui se passe au Moyen-Orient et en Syrie. La deuxième est que, bien sûr, il se sent responsable du message sur les droits de l'Homme. Les deux doivent être pris en compte, parce que la responsabilité d'un chef d'État, c'est aussi de défendre les intérêts de son pays.

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