Université de rentrée 2012 : Discours de clôture de François Bayrou

Retrouvez le discours que François Bayrou a prononcé en clôture de l'Université de rentrée du Mouvement Démocrate, dimanche 30 septembre 2012 à Guidel-Plages, dont voici les premières lignes :

Merci de votre accueil et de votre présence.

Merci des journées que nous avons vécues ensemble et dont nous nous souviendrons, je crois, longtemps pour beaucoup d'entre nous.

Je voudrais, bien entendu, dire en un seul mot que les organisateurs ont droit à notre gratitude et je remercie la Bretagne et les Bretons et Bruno Joncour de nous avoir accueillis.

Comme vous le sentez tous, nous ne sommes pas à un moment ordinaire de l'histoire de notre pays, car tout le monde voit bien que les semaines et les mois que nous vivons seront dans les livres d'histoire.

On a connu de longues périodes de glaciation où chacun restait sur ses positions, puis les choses se sont mises à bouger.

Cela a été encore répété il y a une minute par Philippe Bilger et Jean-Claude Casanova à cette tribune.

L'alternance à la tête de la France, pour les raisons qui ont été largement rappelées, était à mes yeux une nécessité, car les tensions devenaient telles que l'alternance était un besoin du pays.

Les thèmes d'affrontement étaient si dangereux qu'à mon avis cela s'imposait.

Vous savez que j'ai eu tout au long de ma vie des relations relativement difficiles avec Alain Minc. C'est un homme très intelligent, mais je n'ai pas toujours été de son avis ni dans le fond ni dans la forme.

Au début du mois de juillet ou à la fin du mois de juin, Alain Minc a donné aux Échos une interview que j'ai trouvée absolument juste.

Dans cette interview, il dit ceci que je cite exactement : "Mon sentiment est que cette alternance est une bénédiction pour la société et une malédiction pour l'économie".

Je continue la citation : "Si Nicolas Sarkozy avait été réélu, le pays aurait été très difficile à gouverner. Cela aurait engendré une frustration terrible dans une partie de la population et, un jour ou l'autre, cela aurait débouché sur des éruptions de violence.

L'élection de Hollande a apaisé les brûlures et il n'y a pas de démocratie vivante sans alternance politique.

En revanche - a-t-il ajouté - oui, je suis très inquiet pour l'état de l'économie".

Ce double jugement, positif d'un côté et négatif de l'autre, rassurant en même temps qu'inquiétant est à mes yeux justifié.

La situation du pouvoir est devenue et va devenir périlleuse et controversée pour de bonnes et de mauvaises raisons.

Aujourd'hui, François Hollande est critiqué, parfois raillé et, de manière à mes yeux parfois excessive. Ceux qui l'admiraient hier n'ont pas de mots assez durs aujourd'hui, et l'hebdomadaire dominant de la gauche française n'a pas hésité a utilisé en couverture le mot "nul".

En réalité, c'est ne pas voir le dilemme qui est aujourd'hui celui du pouvoir. Et de la résolution de ce dilemme dépend le redressement du pays.

François Hollande a décrit l'autre jour sur TF1 une action politique que, pour ma part, si elle est suivie, je trouve courageuse et que, de plus, je trouverais fondée s'il parvient à la mener à terme. Il a décrit cinq grandes réformes, cinq grandes directions :

- une loi de finance qui diminue de 10 Md€ la dépense publique,

- le traité européen qui impose dans la durée à notre pays des disciplines que, jusqu'à maintenant, il refusait,

- la création d'une autorité indépendante de la dépense publique placée auprès de la Cour des Comptes, qui empêchera, sur le long terme, les bricolages auxquels les gouvernants se livrent régulièrement avec les hypothèses de croissance et les chiffres gonflés, gonflés quand ils sont bons et minorés quand ils sont mauvais,

- la réforme du droit du travail - la réforme du financement de la sécurité sociale pour qu’elle pèse moins lourd sur le travail. Ne croyez pas que ce soit rien, ni même peu de choses.

Je ne peux m'empêcher de sourire quand j'entends les commentateurs dire : mais ils ne vont pas assez loin ! Ces cinq chantiers sont parmi les plus impressionnants de ceux qui ont été programmés ces dernières décennies et, de surcroît, ces cinq chantiers, s'ils sont effectivement conduits par un gouvernement de gauche, annoncent, malgré les obstacles qui se lèveront, un changement intellectuel de la gauche française que beaucoup de leaders du Centre et pas mal de leaders de droite, de la droite républicaine, attendaient ou disaient attendre depuis des décennies.

Souvenez-nous, dans nos rangs et pas seulement que dans nos rangs, dans les rangs de toutes les familles modérées du pays, on disait : la gauche française n'a jamais fait comme la gauche allemande son Bad Godesberg ; le jour où ils auront le courage de le faire, alors ce jour-là, nous les regarderons d'un autre œil.

Bad Godesberg, c'est le nom de cette ville allemande où s’est tenu le congrès du SPD, les socialistes allemands, en 1959. C'est la date historique où le SPD répudie le marxisme et accepte l'économie de liberté. D'une certaine manière, pour qui voit le long terme, le plan Schröder, l'agenda 2010qui a constitué le socle des grandes réformes qui a conduit l'Allemagne où elle se tient aujourd'hui était en germe dans Bad Godesberg.

Si vous réfléchissez à ce que rend inéluctable l'annonce des cinq chantiers que je viens de citer devant vous du Président de la République, c'est un Bad Godesberg en direct.

On ne le voit pas, on ne fait pas attention, car très souvent les paysages historiques échappent à ceux-là même qui les vivent.

Nous, si nous essayons de prendre un peu de recul, alors nous voyons qu'un grand changement est peut-être en germe, car, depuis des décennies, l'idéologie de la gauche française, c'était la dépense publique, la relance par la consommation, la multiplication des postes de fonctionnaires dans tous les secteurs de l'activité.

Depuis des décennies, son idéologie, c'était l'intervention de l'État et tous ceux qui avaient essayé de briser cette idéologie, qui étaient nos amis, nos cousins diront certains, moi j'ai presque tendance à dire nos frères, et M. Vanlerberghe ne me démentira pas sur ce sujet, ceux de la deuxième gauche, comme on disait, Michel Rocard et Jacques Delors, qui ont été pour nous des repères positifs dans le paysage politiques français, ceux qui ont essayé de briser cette idéologie s'étaient cassé les dents sur ce béton durci.

Alors, regardons bien les choses : si ces cinq chantiers sont menés à terme, et comme vous l'entendez je ne sous-estime en rien la difficulté de cette œuvre politique et probablement historique ni les conséquences qu'elle aura si elle est menée à son terme, alors c'est un dégel qui se sera produit. S'il y arrive, car il existe un certain nombre ou un nombre certain de résistances et de réticences et de réserves qui vont venir se mettre en travers de cette volonté que je crois pourtant fondée.

Première résistance, la plus importante sans doute: c'est que pendant la campagne présidentielle les Français n'ont pas été avertis de ces grands choix, et, pour nous, le contrat de gouvernement, c'est dans la campagne qu'il s'écrit.

Alors, il y a des gens pour penser que les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent.

C'est Charles Pasqua qui avait théorisé cette phrase avec l'accent : "Les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent", mais nous, nous pensons que c'est exactement le contraire et que, dans une campagne, notamment présidentielle, les promesses sont fondatrices de quelque chose. Et voilà pourquoi j'ai choisi tout au long de ma vie politique d'être du côté inconfortable, peut-être même périlleux de ceux qui disent invariablement la vérité au peuple des citoyens.

Devant vous, c'était à Giens, lorsque Jean Peyrelevade m'a rejoint, il a dit ceci qui n'a jamais quitté mon esprit : "Je ne sais pas si on peut gagner en disant la vérité, mais je suis sûr que l'on ne pourra pas gouverner si on ne la pas dite auparavant pendant la campagne présidentielle".

Notre fierté et notre marque d'identité, c'est d'avoir tenu cette promesse de dire sur tous les sujets dont dépend l'avenir national la vérité aux Français et cela sera le socle de notre relation avec eux dans les mois, les années qui viennent.

Or, c'est le contraire qui a été choisi par les vainqueurs, et par les finalistes même : dire au peuple des électeurs - vous voyez que je distingue les électeurs et les citoyens dans cette période, car on les regarde, non pas comme des citoyens responsables, mais comme des électeurs dont on veut happer la voix -, dire au peuple des électeurs des promesses agréables, évoquer des engagements séduisants et éluder ce qui va faire l'essentiel, c'est-à-dire les efforts à conduire et à porter.

C'était la partition du PS pendant toute la campagne. Entre nous, c'était aussi la partition de Nicolas Sarkozy.

Je me souviens de 3 affirmations :
- La crise est derrière nous,
- Les économies ont été décidées et il n'y en aura pas d'autres à choisir,
- Je ne créerai pas d'impôts nouveaux.

Ces trois affirmations en même temps, si vous les mettez en relation et en système, vous voyez bien qu’évidemment, elles sont constitutives d'une dissimulation de la vérité. Ce fut bien entendu le cadre de la campagne de François Hollande.

Comprenez-moi bien, je parle ici de ce que les Français ont compris ou plus exactement de ce que l'on a donné à comprendre aux Français et je ne prétends pas, bien entendu, vous savez les rédacteurs de programme sont habiles, qu'il n'y ait pas eu ici ou là une phrase glissée, dissimulée de manière qu'un jour on puisse l'opposer à un étonnement des citoyens devant ce qu'on leur propose.

Toutefois, l'essentiel, le fond de la campagne, ce que les Français avaient entendu, c'était que c'était avec le vote, pour ceux qui l'ont emporté, le PS, le retour des beaux jours, les changements, à nouveau les postes et l'augmentation des allocations.

Et ceci est aujourd'hui l'obstacle principal, le caillou dans la chaussure d'un peuple qui est saisi, sans s'y attendre vraiment, par l'impressionnante falaise que l'on a dressée devant lui et qu'on va lui demander de gravir.

Un deuxième obstacle s'ajoute au premier, je le dis rapidement, car j'ai beaucoup insisté dans les mois de campagne sur ce sujet, c'est qu'au temps où des efforts importants vont être demandés, en même temps des décisions sont annoncées qui sont déraisonnables.

Je redis comme ancien ministre de l'Education nationale : il est déraisonnable d'annoncer que l'on va recruter l'année prochaine 42 000 enseignants nouveaux.

L'an dernier, il y avait 16 000 postes au concours et il y a plusieurs centaines de postes qui n'ont pas pu être pourvus, car les jurys ont considéré que les candidats n'avaient pas le niveau, plusieurs centaines en mathématiques, plusieurs centaines en lettres classiques, plusieurs centaines sur des postes de langues vivantes.

Comment voulez-vous que l'on passe en une année de 16 000 postes non remplis à 42 000 ?

Ou bien on va recruter des candidats faibles et ultra faibles, ou bien on ne remplira pas les postes et ce n'est pas rendre service à un pays que de le gouverner par à-coups aussi brutaux. S'il y avait une justification de l'attitude politique du Centre démocratique en France depuis des années et des décennies, c'est qu'il demande que l'on gouverne pour le long terme, avec réflexion, avec raison et pas que l'on fasse du gouvernement du pays des à-coups brutaux qui ne font que le déstabiliser et à terme le desservir.

Bien entendu, vous savez bien que, pour nous, c'est un danger de croire que l'on peut redresser les finances d'un pays en faisant appel principalement à l'impôt.

Nous avons toujours dit pendant la campagne présidentielle qu'il fallait trouver un équilibre à 50/50 entre l'impôt pour améliorer les rentrées du budget et la baisse des dépenses publiques.

Ce n'est pas exactement ce que l'on est en train de faire. Ce que l'on est en train de faire à l'heure actuelle, c'est 27 milliards pour l'impôt et 10 milliards pour la baisse de la dépense publique, si on y arrive.

Ce n'est pas le bon équilibre et c'est d'ailleurs impossible de le maintenir dans le temps.

Vous n'imaginez pas que l'on va pouvoir, couche après couche, ré-augmenter la pression fiscale sur les ménages et les entreprises qui va être évidemment extrêmement forte.

De ce point de vue, je considère que l'on n'a pas trouvé l'équilibre et qu'il n'y aura réellement baisse des dépenses que le jour où on comprendra que la baisse des dépenses publiques ne peut intervenir que si l'on commence par une politique volontaire de réforme de l'État. C'est l'État en France qui est, selon moi, mal organisé, souvent auto bloquant. J'en dirai un mot dans une minute. Et c'est la réforme de l'État qui seule peut nous conduire à sortir de la situation qui ne se justifie pas d'un pays qui à 10 points de dépenses publiques de plus que son principal voisin, principal concurrent, avec un niveau de vie dont le moins que l'on puisse dire est qu'il est du même gabarit.

De ce point de vue, il y a des orientations que je trouve incohérentes avec les objectifs fixés.

S'il maintient les orientations et s'il corrige, s’il modifie les incohérences, alors je dis qu'il faut suivre attentivement la politique que fera le gouvernement. Il aura fait œuvre utile et il méritera qu'on le dise, car, je voudrais que l'on ne se trompe pas sur ce point : c'est plus difficile d'aller dans la bonne direction, de ramer parfois à contre-courant, que de laisser aller les choses. Cela demande de convaincre et, pour convaincre, il faut comprendre et faire passer les arguments et les sentiments, il faut que le peuple des citoyens voie que ses dirigeants sont tout entier investis dans cette action, avec eux et pas loin d'eux, et qu'ils sont désintéressés et sensibles en même temps que déterminés.

C'est plus difficile d'aller dans cette direction, mais ce n'est pas impossible.

Je veux signaler à votre attention ce qui est en train de se passer en Italie, car je considère que Mario Monti en Italie donne à l'Europe tout entière la preuve que l'on peut convaincre et rassembler, même en conduisant la politique la plus exigeante et la plus contraignante, par rigueur morale et désintéressement. Et, s'il y a un homme qui aujourd'hui rend service à la cause qui est la nôtre, ceux qui veulent une gestion équilibrée dans le long terme, un soutien à une société entreprenante et positive, et la construction d'une Europe qui sera fière d'elle- même, et pas constamment en déstabilisation, c'est Mario Monti en Italie et cela mérite qu'on le soutienne.

Toutefois, on va découvrir dans les semaines qui viennent, si je ne me trompe pas, qu'il y a un obstacle plus embarrassant encore. C'est que la majorité nécessaire au soutien de cette politique, qu'il faut appeler par son nom, c'est-à-dire une politique réformiste, cette majorité, pour l'instant, n'existe pas.

On a bâti la majorité du changement, mais on n'a pas bâti la majorité de la réforme et, pour une grande partie, on a même bâti la majorité du changement sur le refus de la réforme.

On vient de le voir sous nos yeux avec l'officialisation de la fracture sur le traité européen, dont M. Ayrault a eu l'honnêteté à la télévision de reconnaître qu'il était, mot pour mot, celui négocié par Sarkozy et que les Français avaient entendu promettre qu'on allait changer, modifier et que ce n'était évidemment pas celui-ci que l'on adopterait.

Et pourtant, dans ce changement réformiste qui est en train d'intervenir sous nos yeux, l'adoption de ce traité est au cœur de l'action gouvernementale.

Je le crois, nous le croyons pour la plupart d'entre nous, mais une partie de la majorité ne le croit pas.

Je pense qu'il faut que nous contribuions, nous, à expliquer que, les dispositions de ce traité, il aurait fallu les respecter en tout état de cause, même si elles n'avaient pas été demandées par nos partenaires européens, comme garantie à la mise en place d'une politique de solidarité responsable.

Nos partenaires européens ont sans doute besoin de cette garantie et c'est juste et, je l'ai dit hier soir, parmi les réorientations de ces derniers mois que j'ai approuvées, il y a le rééquilibrage que François Hollande a imposé à l'Union européenne en sortant du duo ou du condominium qu'il avait souhaité imposer avec AngelaMerkel, ce que l'on appelait « Merkosy » avec deux qui décident et les autres qui obéissent, par exemple, en rendant à l'Italie sa place au cœur de la volonté européenne. Et vous observerez, si vous y réfléchissez, que France, Allemagne, Italie, il suffit d'ajouter le Bénélux pour avoir les six de la constitution originelle de l'Europe et l'Espagne d'une certaine manière, puisqu'elle a ces temps-ci été associée évidemment aux décisions à prendre.

Je veux dire à ceux qui mettent en doute le Traité européen que si le Traité de la règle d'or européenne n'existait pas, il aurait fallu inventer une règle d'or nationale.

S'il n'y avait pas la règle d'or européenne, il faudrait une règle d'or française.

J'ai été le premier des responsables politiques en France à défendre et proposer une telle idée, depuis longtemps, depuis plus de 10 ans.

Or, hier, nous avons appris que la dette française avait dépassé 91 % de la production annuelle du pays, 91 %... on était à 85 % il y a à peine quelques mois ou une année.

Cela signifie que l'on coule à grands pas, à grande vitesse vers les 100 % de dette par rapport à la production nationale du pays.

La totalité de la production, de toutes les entreprises, de tous les artisans, de toutes les factures de tous les commerçants français, pendant la totalité d'une année, c'est ce qui est aujourd'hui l'endettement de l'État, de la puissance publique au sens large.

Et bien je vous dis que ceci est insoutenable et que ce n'est pas pour nos partenaires européens que nous devons faire l'effort, ce n'est pas pour les autres, c'est pour nous-mêmes, car courir depuis des années, depuis plus d'une décennie à cette catastrophe, qui interviendra au moment où les doutes sur la capacité de la France à rembourser sa dette feront exploser les taux d'intérêt du pays, c'est évidemment condamner notre pays à beaucoup plus d'angoisse, à beaucoup plus de restrictions, à beaucoup plus d'effort fiscal et à l'incapacité de se projeter dans l'avenir et même à souffrir dans son indépendance, car l'équilibre financier, c'est l'indépendance du pays et son influence.

Tout le monde est co-responsable. Je me souviens avec précision du moment favorable que rencontra le gouvernement Jospin au tournant des années 2000. Par un coup de chance sans précédent la dissolution de 1997 qui vit la victoire de la gauche, s’accompagna, en quelques semaines d’un vent de croissance sans précédent pour le monde et pour l’Europe. Les alizés gonflaient les voiles de notre pays, comme ils poussaient tous les pays européens. Le gouvernement Jospin eu la prudence de ne pas tout dépenser des rentrées nouvelles que ce ressaut d’activité du pays lui apportait. Alors, souvenez-vous, ce fut Jacques Chirac, président de cohabitation, qui les mit en demeure de dépenser la « cagnotte » cachée ! Et c’est ainsi que fut gaspillée la dernière occasion de réaliser la politique raisonnable qui exige qu’on mette de côté quand ça va bien pour avoir des réserves quand ça va mal. Et ce n’est pas autre chose que ce que dit le traité européen ! Et c’est pourquoi, ce n’est pas exact de dire qu’il faut voter ce traité pour l’Europe, c’est un traité qu’il faut voter pour nous-mêmes, pour la France !

Je me réjouis, j'espère qu'il va être voté et je me réjouis en même temps que l'on pose la question de la capacité de la France à entreprendre, investir. Le mot compétitivité qui est sur toutes les lèvres... j'aimais beaucoup Raymond Barre qui aimait beaucoup le mot compétitivité. Cela prouve que les mots de nos amis ne sont pas toujours nos mots. J'aime moins le mot compétitivité qui est très abstrait pour les Français.

Je préfère d'autres mots, que le pays soit fort, qu'il ait un élan, qu'il puisse être fort dans la compétition du monde et c'est très heureux que cette notion et réflexion soit désormais au premier rang des responsabilités. Très heureux.

Et souvent, dans ce débat, on met en avant le coût du travail et c'est la première chose que l'on place sur la table.

Me concernant, je ne crois pas, l'un d'entre nous tout à l'heure a donné un exemple, que le coût du travail soit le facteur essentiel de la compétitivité, au moins dans les marges de fluctuation que l'on pourra trouver en répartissant autrement les charges des entreprises, c'est-à-dire comme Jean-Claude Casanova la dit en faisant peser les charges des entreprises sur les consommateurs. D'une certaine manière, les travailleurs, les salariés et les consommateurs et leurs familles, très largement, ce sont les mêmes.

Je ne crois pas qu'il y ait un "sésame ouvre-toi" dans une répartition réellement différente des charges sociales sur les entreprises.

Si on y arrive, tant mieux.

Je veux vous rappeler, cela vous rappellera des souvenirs anciens, que j'avais proposé autrefois que, si on mettait en place la taxe sur les transactions financières, la taxe sur les mouvements financiers, peut-être même la taxe, une taxe très légère sur chacun des mouvements financiers à l'intérieur du pays, on aurait pu affecter cette taxe à la baisse des charges sociales.

Quand j'entends le gouvernement dire qu'il y a d'autres pistes, je me demande s'il n'y a pas aussi dans leur esprit des pistes de cet ordre.

En tout cas, et de ce point de vue, c'est bien que l'on y réfléchisse, je ne crois pas que ce soit encore une fois l'élément essentiel.

J'ai pour cela un indice que vous avez aussi. C'est la situation de ceux qui nous entourent.

Je ne vais pas parler de l'Allemagne pour une fois.

Je demande que l'on regarde la Suisse, pays de haut niveau de vie, dans lequel je n'ai pas l'impression que la misère règne, qui paie des personnels beaucoup plus élevés que les nôtres, où le coût du travail lui-même est plus élevé que chez nous et, cependant, la Suisse exporte à tout va, à telle enseigne que la Banque centrale suisse, qui sait faire ce qu'il faut, est obligée de faire baisser artificiellement le coût du franc suisse, autrement il crèverait les plafonds.

C'est donc pour moi la preuve qu'il existe une capacité, une force et un élan de compétition qui ne dépend pas uniquement du coût du travail.

Il sera très important de suivre le travail des partenaires sociaux sur le sujet du coût du travail.

Je pense qu'il y a beaucoup d'autres pistes à suivre.

Je pense, par exemple, qu'il est bien des charges, bien des contraintes, bien des contrôles qui empêchent les entreprises, les familles et les grands secteurs de notre pays de vivre et de se développer.

J'ai été frappé, dans un domaine qui m'est cher, du récent rapport de l'Académie des sciences sur la recherche en France qui reprend noir sur blanc le même diagnostic que celui que nous avons porté pendant la campagne présidentielle et qui se dit en mot très simple :

Ce n'est pas principalement de moyens nouveaux que la recherche française a besoin, mais il est urgent de laisser aux chercheurs le temps et la disponibilité de poursuivre leurs recherches.

Il est urgent d'arrêter de pomper leurs forces, leur capacité, leur vitalité à compléter d'innombrables dossiers, et jamais achevés, tous dirigés vers l'évaluation et l'évaluation de l'évaluation.

Laissez les chercheurs travailler, laissez les Français travailler, entreprendre, vivre, laissez les entreprises françaises travailler, entreprendre et vivre, allégez leurs contraintes, allégez leur contrôle, de manière que, oui, elles trouvent la force de la compétition et c'est là que se trouve, pour moi, l'essentiel du travail à conduire.

Sortez de la société de défiance, de contrôle, de blocage, pour entrer dans la société de confiance et de liberté. C'est un changement d'époque, c'est un changement d'esprit dont nous avons besoin. Et cela ne coûte pas, cela rapporte.

Il n'est pas un secteur de notre pays qui ne doive être concerné par cette révolution des esprits : le logement, l'intégration, l'éducation, la recherche, l'entreprise et ses rapports avec l'administration, l'administration dans son rapport avec les autres administrations, car la sécurité sociale, etc., partout on a l'impression d'un État autobloquant où les freins se serrent, où les décisions ne peuvent pas être prises, où il faut des éternités et des dossiers constamment à reprendre et des documents constamment à fournir et à fournir à nouveau et qui empêchent la vitalité de la France, de trouver son plein épanouissement et de trouver sa pleine efficacité.

Je suis certain qu'il y a là évidemment beaucoup de progrès à accomplir en compétitivité et c'est pourquoi il est tellement important, dans un domaine parallèle, que le droit du travail soit mis sur la table, car, là, je suis certain que l'on peut agir, pour faciliter l'entrée dans le travail, en sachant que faciliter l'entrée dans le travail, c'est aussi faciliter quand il le faut la sortie, la transition, la formation dans des phases où les choses vont moins bien pour l'entreprise.

Là on peut agir effectivement pour améliorer la souplesse, alléger les contraintes, sans baisser les personnels et, jusqu'à maintenant, et c'est là que se passe le grand mouvement, la révolution intellectuelle dont nous parlions, la gauche politique et la gauche syndicale paraissait arc-boutée sur cette question et c'est une bonne nouvelle que l'alternance ait permis qu'on l'aborde dans un état d'esprit nouveau.

J'ai été très frappé par la jeune secrétaire nationale de la CFDT qui est venue s'exprimer sur cette tribune avec beaucoup de sens positif et de réalisme, acceptant d'envisager que, oui, on reprenne tout cela tranquillement - c'est une première dans le monde syndical - et qu'il allait bien falloir conduire une étude pour que le réel soit désormais abordé avec plus de volonté positive qu'il ne l'a été jusqu'à maintenant.

Je ne doute pas qu'il y aura des réticences et des blocages et il faudra passer outre pour construire l'état d'esprit nouveau dont la France va avoir besoin.

L'état d'esprit nouveau doit aussi vaincre les blocages que fait naître la politique.

La majorité va changer au contact du réel, mais je veux dire ceci devant vous : l'opposition aussi est responsable de l'avenir.

Majorité, opposition, indépendants, tous sont responsables ensemble, sont co-responsables de l'avenir.

C'est la vision que nous portons et qui fait du Mouvement Démocrate une avant-garde, comme je l'ai dit vendredi à l'ouverture de ces journées, une proposition nouvelle dans la vie politique française.

Je ne sais pas si vous avez suivi la convention démocrate américaine. Clinton a fait un formidable discours car il parlait bien entendu en termes chaleureux, et d'autant plus chaleureux qu'il devait surmonter une longue histoire commune, de Barack Obama et même de Michèle Obama, pour sa nomination comme porte-parole des démocrates américains ; mais au fond du discours, il y avait une orientation politique, une conception politique qui ne concernait pas que les démocrates américains, mais les démocrates sur toute la planète et il a formulé cette loi qui contredît, et c'est aussi valable en France que partout ailleurs, cette loi qui contredît l'agressivité, la ligne agressive de la droite du parti républicain. Il a dit : "La coopération porte plus de fruits que le conflit perpétuel".

La coopération, l'attente, la recherche du consensus sur les sujets importants entre les grands courants politiques qui font une démocratie, entre majorité et opposition, cette coopération marche mieux que la recherche perpétuelle de l'affrontement, que le déchaînement des passions agressives, que l'exaspération voulue des détestations, particulièrement dans un pays en crise, et c'est une conception de la démocratie et de la société qui s'énonce là, particulièrement dans un pays en crise, car rien n'est plus facile que de faire flamber l'exaspération, la mésentente, que de souffler sur les braises, et rien aussi n'est plus néfaste et plus dangereux.

Rien n'est au bout du compte plus mortel pour un pays, spécialement dans les temps difficiles et, hélas, rien n'est bien entendu plus profitable électoralement, rien ne rapporte plus de voix.

Mais je veux vous dire ceci qui concerne notre vocation de Mouvement Démocrate : il est deux sortes de femmes et, donc, politiques, il y a ceux qui pensent qu'il faut d'abord chercher des voix et il y a ceux qui pensent qu'il faut d'abord chercher le bien du pays, le bien commun, le bien des gens et, qu'au bout du compte, c'est par ce chemin-là que l'on trouvera les voix d'estime et de respect et d'adhésion.

Quand il y a contradiction, quand il arrive dans les moments graves qu'il y ait contradiction entre la recherche des voix et la recherche du bien commun pour le pays, alors l'heure vient où il faut choisir son camp et permettez-moi de vous le dire avec affection et avec émotion, quand il a fallu choisir, j'ai choisi. Après ma dernière émission, il y a huit jours, sur l'Europe, un important responsable politique d'ailleurs socialiste m'a envoyé par SMS, une phrase de Winston Churchill que je voudrais soumettre à votre réflexion. Winston Churchill disait : "Il y a deux sortes de responsables politiques, ceux qui préparent la prochaine élection et ceux qui préparent la prochaine génération. Les premiers sont des hommes politiques, les seconds sont des hommes d'État".

Ces jours-ci, nous nous sommes beaucoup interrogés sur l'identité du Mouvement Démocrate.

Ne cherchez pas plus loin : nous sommes ceux qui cherchons la coopération entre les grands courants de pensée du pays, plutôt que l'exaspération des conflits et des affrontements. Nous sommes ceux qui préparons la prochaine génération, plutôt que la prochaine élection.

C'est pourquoi nous ne céderons jamais devant ceux qui cherchent à faire flamber les malaises pour les transformer en incendie. Tous ceux, d'un bord ou de l'autre, qui se disent régulièrement décomplexés, tous ceux qui prétendent dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas, tous ceux dont la stratégie réfléchie, méditée, à fin électorale, car c'est bien sûr de gagner des voix qu'il s'agit, tous ceux qui veulent pour cela que la braise qui s'éteignait se ranime, que l'étincelle se transforme en flammèche, que le feu gagne pour qu’ils se trouvent eux portés par l'air chaud de l'incendie, il faut leur rappeler que, ce feu, c'est un pays qu'il brûle, c'est une nation qu'il ravage, ce sont les enfants qu'il sépare et jette les uns contre les autres, au nom de l'origine ou au nom de la religion ou au nom de la couleur de la peau que l'on veut mettre en avant, qu'elle soit noire, bistre ou blanche.

Nous qui savons parfaitement, nous citoyens et les élus qui sont ici, et les maires, que bien sûr cela brûle souvent chez nous dans les quartiers et entre communautés et que l'on se regarde du coin de l'œil et que, parfois, on ne peut pas se voir en peinture et que les minorités sont ciblées quelles que soient les minorités, les musulmans ici, les juifs là, les chrétiens plus souvent que l'on ne croit, quand ils osent encore se montrer. Mais si les responsables publics font de ces tensions, par la force de la parole politique, un signe de mobilisation d'une partie de la France contre l'autre, alors particulièrement en temps de crise, le feu se propage et la question est alors : Est-ce que tu acceptes le feu ? Est-ce que tu profites du feu ou est-ce que tu combats le feu ?

Nous sommes ceux qui combattons le feu, nous sommes ceux qui n'admettrons jamais que l'on fasse de la division du pays et de l'exaspération des passions l'instrument du combat politique. C'est ce qui, dans la dernière période, m'a séparé de Nicolas Sarkozy. C'est cela qui, de tout temps, a fait que je combats, que nous combattons ceux qui recherchent des accords souterrains et peut-être un jour apparents avec l'extrémisme et notamment avec l'Extrême droite. C'est ce qui fait que nous combattons ceux qui ciblent les patrons dans la société française comme s'ils étaient des ennemis, ou les "riches", sans que l'on sache où commence l'état de riche, à qui il faudrait faire rendre gorge.

Je vous le dis, pour un pays, particulièrement en temps de crise dure, la division est mortelle et l'unité est la seule chance. Dans un pays particulièrement en temps de crise, l'unité est un devoir et c'est ce devoir-là que, nous, nous avions l'intention de défendre.

Et c'est précisément car il est plus difficile de dire la vérité que de multiplier les mensonges, c'est précisément car il est plus difficile d'obtenir l'unité que de cultiver la division que nous avons choisi de construire ensemble le Mouvement Démocrate en France.

Et c'est pour cela que je conteste la bipolarisation, car, au nom de la logique des camps, elle justifie tous les excès des plus durs de son camp. Elle ferme les yeux sur leurs dérives au nom du pas d'ennemis à droite ou du pas d'ennemis à gauche. Et, au bout du compte, cela revient à ce que ce soit ceux-là, ceux qui cherchent la division qui en viennent à régner sur les esprits.

C'est pourquoi nous qui sommes les démocrates en France, nous aimons aussi l'idée de Centre, car le Centre, c'est ce qui se bat toujours contre les extrêmes. Le Centre, c'est le lieu où l'on refuse de regarder ses concurrents comme des adversaires et ses adversaires comme des ennemis.

Cela n'a rien d'angélique, c'est pragmatique, car ce sont ceux qui ont une certaine vue de l'histoire des hommes, car ils préfèrent la conciliation à l'agression et c'est pourquoi nous défendons et nous servons l'idée de l'unité du Centre, pas aujourd'hui en 2012 seulement, pas épisodiquement, pas accidentellement, toujours.

Quand on nous expliquait, car nombreux étaient ceux qui l'expliquaient, qu'il fallait que le Centre disparaisse pour se fondre au sein d'un parti unique, l'UMP, nous défendions l'existence du Centre et j'allais à Toulouse dire : "Vous dites que nous pensons tous la même chose, mais, si nous pensons tous la même chose, c'est que nous ne pensons plus rien".

Quand on nous expliquait qu'il fallait que le Centre se scinde, car il fallait qu'une fois pour toute, il fut clairement à droite, nous défendions son intégrité et son unité et son originalité et, aujourd'hui, nous disons : Si le Centre existe, alors le Centre est un. Il n'y a pas de Centre droite, de Centre gauche ou de Centre ailleurs. Le Centre n'a pas besoin d'adjectif.

Le Centre n'a pas besoin qu'on le renvoie sur le côté, car, sans cela, c'est sa vocation qui disparaît et son être même qui se dissout.

Et enfin, le Centre doit se définir par lui-même et pas par rapport aux autres.

Ceux qui en viennent à dire que le Centre doit forcément être à droite - je rappelle que c'était aussi ce que disaient à gauche nos adversaires, c'était même une formule fameuse de M. Mitterrand -, ceux qui disent que le Centre doit forcément être à droite disent une seule chose, ils disent que, pour eux, le Centre n'existe pas vraiment.

Je veux dire en votre nom et avec l'expérience que nous pouvons travailler avec la droite et nous l'avons fait souvent et je l'ai fait souvent, si la droite est compatible avec ce que nous croyons dans son projet, et dans ses intentions et dans sa manière d'être.

Tout à l'heure, Philippe Bilger appelait à une droite honorable et républicaine. Avec celle-là, il n'y a aucun problème, nous pouvons travailler, il n'y a pas de difficulté.

De la même manière, nous pouvons travailler avec la gauche, si la gauche est compatible avec ce que nous croyons.

Si l'évolution qui se dessine, dont je ne suis pas sûr qu'elle aille à son terme, dont j'espère qu'elle va se confirmer, alors oui nous pouvons être co-responsable de l'avenir du pays.

Nous pouvons nous allier, mais nous ne devrons pas nous dissoudre. Il n'y a pas d'allégeances obligatoires, il n'y a pas d'alliances obligatoires, car l'alliance obligatoire, ce n'est pas une alliance, c'est une soumission, spécialement quand on prétend obliger le Centre à renoncer à son histoire, à son passé.

Ceci est un message personnel : il y a au moins une personne en France qui ne devrait pas prétendre que le Centre doit être à droite, c'est le Président du Parti radical, car le Parti radical est le plus ancien, je ne dis pas le plus vieux, le plus ancien des partis politiques français.

Il a une grande histoire, profondément liée à la République, une histoire dont tous les républicains, dont moi comme républicain, je me sens fier et solidaire, mais cette histoire du Parti radical s'est déroulée, pour l'essentiel, non à droite, mais à gauche, et c'est nier l'histoire du Parti radical que de prétendre qu'il faut effacer, rayer d'un trait de plume la grande histoire républicaine française pour la projeter uniquement sur la droite.

Tout le monde a le droit de soutenir une thèse comme cela, tout le monde, mais pas ceux qui ont la charge de l'histoire actuelle du Parti radical, car les héritiers de Georges Clémenceau et d'Édouard Herriot et même sans remonter aussi loin avant la guerre les héritiers du parti de Jean Zay, de Jean Moulin, de Pierre Mendès-France, de Jean-Jacques Servan-Schreiber n'ont pas le droit de rayer cette histoire, car c'est un peu la nôtre qu'ils portent et nous avons le droit de la défendre devant eux.

L'autre jour, le jeune secrétaire du Parti radical, pour qui j'ai beaucoup de sympathie, après mon offre de démarche unitaire, a publié un communiqué pour dire que « jamais nous radicaux, n’accepterons de cartel des gauches »...

J'avais bien envie de l'appeler ou plutôt de lui rappeler que, le cartel des gauches, c'était à l'initiative du Parti radical et qu'Édouard Herriot, le plus grand radical d'avant la guerre, en était le chef.

S'il le faut, je suis prêt, amicalement, à défendre la grande histoire du Parti radical, y compris contre ses héritiers, s'il leur venait à l'esprit d'y être infidèles.

Vous voyez pourquoi, vous touchez du doigt précisément la raison pour laquelle un mouvement politique digne de ce nom doit se définir par rapport à lui-même, par rapport à sa propre histoire, l'histoire de la république pour les républicains, l'histoire du radicalisme, l'histoire de la démocratie qui devient, pour moi et beaucoup d'entre nous, l'histoire de la social-démocratie, un jour l'histoire de l'économie politique.

J'affirme que la politique est aussi une question de fidélité et, la première des fidélités politiques, c'est la fidélité à soi-même, à ce que l'on croit, à ce que l'on aime, à ce que l'on est. C'est à ce prix que vous pouvez vous faire entendre, c'est comme cela que l'on vous écoutera.

Et c'est comme cela, en étant fidèle à soi-même, fort dans ses convictions, solide dans ses idées, que nous serons les élus que méritent les idées que nous défendons.

J'affirme donc en votre nom que le Centre ne sera fort que lorsqu'il sera... ou plus exactement il ne sera fort que lorsqu'il acceptera d'être totalement uni et il ne sera uni que lorsque tous ceux qui croient au Centre y trouveront leur place et que personne n'aura besoin de renier ni son histoire ni son identité. Et il n'a pas à se définir par rapport aux autres, mais par rapport au plus profond de ce qui l'a constitué.

Le Mouvement démocrate affirme son offre de coopération, de travail en commun, de démarche unitaire, d'unité - j'ai suivi une gradation, peut-être est-ce la gradation du temps -, à tous ceux qui s'inscriront dans la reconnaissance des vertus du Centre, de la vie politique française, à une condition, que le Centre soit le Centre, qu'il s'assume, qu'il soit fier de ce qu'il est. Autrement, il est un ersatz et personne ne choisit la copie, on va droit à l'original.

Je veux répondre à une question insidieuse. J'entendais des journalistes hier, j'avais l'oreille qui trainait, qui disaient : C'est impossible, car M. Bayrou est M. Borloo, deux leaders, pour ne pas dire deux crocodiles, non pas dans le même marigot, c'est trop petit, disons dans le même estuaire, dans le même Nil, dans la même Amazone, deux, c'est un de trop.

Je vous le dis, si cette démarche est acceptée, et j'ai confiance qu'elle le sera, dans le respect réciproque des uns par rapport aux autres et dans le respect de leur histoire et de leur identité, si cette démarche est acceptée, il n'y a et il n'y aura aucun problème de leadership. Nous sommes deux, dit-on, vous dites que c'est trop et, moi, je vous dis que ce n'est pas assez.

Je serai heureux le jour où nous serons des dizaines de leaders, fiers d'eux-mêmes, de leur histoire, et ce sera pour moi une fierté, car je veux vous le dire ou vous le rappeler, si nous n'avions pas été là pendant ces dix années, à mener ces combats, parfois difficiles, parfois presque victorieux, le Centre n'existerait plus, car sa disparition était programmée par les forces puissantes qui nous entourent.

Nous l'avons sauvé.

Le Centre, nous l'avons sauvé tous ensemble, en portant le drapeau, quand plus personne n'y croyait et que les autres étaient partis sous d'autres horizons où ils voulaient nous entraîner.

Nous avons résisté et nous avons livré le combat et même nous avons failli le gagner.

Nous ne demandons, nous qui l'avons sauvé, qu'une seule chose, c'est qu'il s'affirme, et qu'il grandisse et qu'il sache enfin qui il est et où il va et, au lieu de borner ses ambitions à être la roue de secours ou le voisin d'un puissant qui domine le camp, il accepte de regarder en face la seule perspective qui vaille, c'est-à-dire la victoire dans notre pays.

Alors, me direz-vous, il y a l'élection présidentielle. Je vous le dis tranquillement, le jour venu, le jour de l'élection présidentielle, s'il y a plusieurs candidats, et ce n'est pas si facile de devenir candidat à l'élection présidentielle, je dis cela en confidence, s'il y a plusieurs candidats, eh bien, Marielle de Sarnez en a fait la proposition, nous organiserons les primaires du Centre et le Centre aura son candidat.

Écoutez-moi bien, s'il y a les primaires du centre, si ces projets, ces personnalités acceptent d'entrer en confrontation, peut-être ou à coup sûr, le Centre aura-t-il enfin un candidat et, cette fois-ci, tous les leaders du Centre soutiendront le candidat du Centre.

Et peut-être, cette fois, ce candidat, soutenu par les siens, au lieu d'être combattu par les siens, ce candidat gagnera-t-il. Et il n'y a rien de plus sain que d'accepter cette idée : diversité de leaders. Le jour venu, sélection du meilleur d'entre eux, sélection par tous ceux qui se reconnaissent dans ce courant, et il n'y a rien à en craindre, il n'y a que les faibles qui craignent la compétition.

Alors, nous verrons des personnalités diverses, des talents, des orientations, nous en débattrons et le meilleur, pour un temps, le meilleur s'imposera... ou la meilleure...

Alors la meilleure ou le meilleur s'imposera et on portera le flambeau avec une idée, de le transmettre.

C'est ce que nous avons toujours voulu faire, c'est pour cela que nous sommes là, pour cela que le mouvement démocrate a été créé. Ce Centre uni, nous en aurons le plus grand et le plus urgent besoin pour les échéances qui viennent.

On en aura besoin pour les échéances locales.

Je dis à l'avance, constituez des équipes aussi larges que possible, mais, par pitié, pensez que ce sont les candidats qui font les bonnes équipes et qu'évidemment les bonnes équipes soutiennent les candidats après. Et donc, mettez-vous en recherche, j'allais dire en chasse, en recherche de tous ceux et de toutes celles qui, sur le terrain, sont capables de porter, pas seulement notre étiquette, je me moque des étiquettes, mais notre vision, notre manière d'être, notre identité génétique, qui est, à chaque fois qu'on le peut, de se faire un devoir de tirer la vie civique et la vie politique vers le haut au lieu de perpétuellement la faire tomber et s'effondrer vers le bas des passions et des détestations et des vulgarités...

Car je considère qu'il doit en être des responsables, des politiques comme des instituteurs de la troisième République qui n'avaient pas besoin de multiplier les leçons de morale théorique pour transmettre ; la leçon de moral, c'était leur vie, c'était par l'exemple qu'ils transmettaient ce qu'ils croyaient.

Je demande qu'en politique, nous soyons les porteurs inlassables de cet idéal. Nous sommes ceux qui veulent tirer la vie politique vers le haut, au lieu de la faire s'effondrer comme on y assiste tous les jours dans les débats. La politique de notre pauvre pays est abandonnée par ceux qui croient à quelque chose et livrée à ceux qui ne croient plus à rien.

On en a besoin pour les élections locales et on va en avoir besoin, de cette force, du Centre uni, pour les élections européennes et c'est sur ce point que je voudrais achever mon propos, non pas seulement car nous aimons les députés européens qui sont dans nos rangs et nous allons en avoir besoin naturellement pour défendre des sièges. Mais ce n'est pas l'essentiel : nous allons en avoir besoin pour proposer une vision différente et originale de l'avenir européen, du destin européen.

C'est de cela que je voudrais vous dire un mot, car j'ai l'impression que les débats européens s'égarent trop souvent dans un labyrinthe duquel on ne sortira pas.

Je vais vous dire des choses étranges, que vous me pardonnerez, car vous avez de l'indulgence pour moi et il m'est déjà arrivé assez souvent de vous dire des choses assez étranges...

On est en train de dire : il faut faire un pas fédéral et Guy Verhofstadt hier, dont vous avez bien compris que, quand on se pose la question de savoir quel sera le leader européen que les forces politiques européennes voudront proposer à leurs concitoyens de toute l'Europe pour être la figure de l'Union Européenne, pour être le Président de la Commission élue, après les élections européennes, par les députés européens, vous avez bien compris que nous pensions, j'avais le assentiment, nous avions le sentiment - on en débattra -, qu'il avait les qualités nécessaires, l'expérience nécessaire - dix ans en tant que Chef de gouvernement -, pour être proposé par Jacques Chirac et le Chancelier allemand, mais récusé par les Anglais, cas trop européen, Guy Verhofstadt, car il a cette expérience, car il est d'un pays, la Flandres, où l'on sait bien ce que sont les tensions d'identité, et qu'à la tête de la Belgique pendant dix ans - exploit unique au monde -, a réussi à vaincre ces tensions de dissolution et à faire vivre, travailler et s'estimer ces communautés différentes et ces mouvements politiques différents.

Avec cette expérience et ses dons personnels - ce n'est pas rien de parler toutes les langues de l'Europe -, pour faire la campagne, et bien il va falloir aller devant les micros et les caméras de télévision - à mon avis il aime cela -, pour défendre ses idées et ses projets.

Vous avez bien compris que sa présence ici n'était pas fortuite, que nous avions des idées, pour le moment où il va falloir désigner un candidat à la Présidence de la Commission européenne pour représenter ces grands courants de liberté et de démocratie qui sont au Centre de la vie politique européenne, avec une idée exigeante de l'avenir européen.

Même Guy Verhofstadt a dit cela. Il vient d'écrire un livre avec Daniel Cohn-Bendit, qu'il nous a amené et qui va sortir dans quelques jours, pour défendre cette idée. Debout l'Europe ! est le titre de ce livre.

Même lui a dit qu'il fallait un pas fédéral.

Je vais vous dire quelque chose d'autre : la fédération des États-nations européens, elle existe, car quand un ensemble d'États-nations a un Parlement élu au suffrage universel, une organisation exécutive qui bientôt va dépendre des élections, une Banque centrale et une monnaie commune, je voudrais bien que l'on m'explique ce qu'elle est d'autre qu'une fédération ?!...

L'Europe est une fédération d'ores et déjà accomplie. Selon moi, il n'y a quasi rien à changer dans les textes, mais il y a une vérité à défendre, c'est que cette fédération, pour l'instant, n'est pas démocratique ou pas suffisamment démocratique, c'est-à-dire qu'il n'y a pas un citoyen européen, pas un sur mille qui pense, qui soit informé de ce que sont les débats au Parlement européen.

La faute à tout le monde. Les médias ont leur part de responsabilité, mais les citoyens aussi, car, s'il y avait une demande, il y aurait une offre. C'est qu'il n'y a pas de demande.

Toutefois, les dirigeants se gardent d'informer les peuples de ce dont on va discuter.

Vous vous souvenez de mes vieilles marottes et Marielle de Sarnez me les reproche assez souvent. J'ai défendu l'idée qu'il fallait publier dans les journaux tous les mois l'ordre du jour des débats, des sujets dont on allait parler au Parlement européen ou à la Commission, ce qui était "sur la table", car, le jour où l'on saura de quoi on va parler, vous verrez se mobiliser des associations, des citoyens, des groupes de citoyens.

Il ne manque qu'une seule chose à l'Europe pour être acceptée, acceptée par les citoyens, car je pense qu'au fond d'eux-mêmes, l'immense majorité d'entre eux a la conviction profonde que, sans Europe, point de salut.

Tous...

Mais, ce qui manque à l'Europe pour être non seulement acceptée, mais soutenue, pour être aimée, c'est que les citoyens aient un accès, une connaissance, une compréhension, une possibilité d'influence, une possibilité d'engagement sur les décisions que l'Union européenne prend en leur nom.

Ainsi, le grand sujet de l'avenir européen, ce n'est pas tant le pas fédéral, car il est fait depuis longtemps, c'est la démocratisation des institutions qui, pour l'instant, sont opaques et fermées et nous qui aimons l'Europe avons envie d'ouvrir, pour donner accès aux citoyens.

Et, pour conclure, je défends une seule idée : cette démocratisation sera acquise le jour où les débats électoraux concernant l'Europe donneront la certitude à chacun de ceux qui va voter que son vote va permettre de choisir celui ou celle qui va s'exprimer, diriger, influencer, coordonner, faire coopérer ensemble les États européens et les institutions.

(...)

Téléchargez la suite du discours de François Bayrou en cliquant ici.

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