"Devant une situation pareille nous avons le choix entre la résignation et la mobilisation. Je plaide pour la mobilisation."

François Bayrou a réaffirmé ce matin, au micro de Radio Classique - LCI, sa volonté de se mobiliser face à ce qu'il estime être un "passage en force" du gouvernement à propos de la réforme du collège.

L’invité de Radio Classique et LCI est François Bayrou, inutile de le présenter, vous le connaissez. François Bayrou, votre appel à la manifestation n’est pas pour l’instant suivi d’effets, évidemment à gauche, mais à droite aussi.

Il s’agit d’une situation que le gouvernement a créée, dans la nuit, subrepticement : c’est un passage en force qui cherche à mettre un terme aux débats et aux interrogations sur une question qui pour beaucoup d’entre nous est centrale ! Ce n’est pas une question secondaire, accessoire, que l’on règle dans les coins à la marge, c’est une question centrale : qu’est-ce que l’éducation doit transmettre aux enfants ? Devant une situation comme celle-là, nous n’avons le choix qu’entre deux attitudes possibles, la première est la résignation, la deuxième est la mobilisation. Et pour moi, je plaide pour la mobilisation !

Vous avez vu ce matin dans Le Figaro : sur ce thème-là, Nicolas Sarkozy dit « mon rôle n’est pas d’appeler à manifester ». Il est quand même patron de l’UMP et si toutes les troupes de l’UMP ne manifestent pas avec vous…

Si Nicolas Sarkozy, l’UMP ou d’autres partis politiques s’accommodent de la situation, c’est leur affaire ! S’ils acceptent d’avoir été placés devant le fait accompli, c’est leur affaire !

Si, ils cherchent des moyens juridiques…

Mais s’ils trouvent des moyens juridiques, tant mieux ! J’en serais le premier heureux, mais enfin je ne vois pas lesquels, parce que chercher des moyens juridiques, c’est aussi parfois dilatoire, pour attendre. Mais en tout cas si rien n’est fait pour manifester l’émotion d’inquiétude, la colère de tous ceux qui voient une décision grave, alors évidemment c’est la résignation qui l’emportera et donc ce sera plié et dans quelques semaines on n’en parlera plus.

C’est exactement ce que cherche Manuel Valls !

C’est exactement ce que cherche Manuel Valls, c’est exactement ce que cherche le gouvernement. Au fond, tous ceux qui choisissent la résignation jouent dans la main de Manuel Valls et du gouvernement. Pour moi, ceci est inacceptable. Il faut savoir dans la vie ce qui est important. Il n’y a pas beaucoup de choses très importantes mais l’éducation, c’est très important !

Est-ce que vous considérez que cette affaire est sur le fond beaucoup plus importante que celle du mariage pour tous qui a agité une grande partie de la classe politique au moment du début du quinquennat ?

Cela dépend des sensibilités mais pour moi, c’est une affaire d’une gravité sans précédent, parce qu’elle touche quelque chose que nous avons mis des siècles à construire, des décennies à maintenir, qui est culture, ce que nous avons à transmettre ! Et la culture, c’est deux choses : ce n’est pas seulement un socle de connaissances à transmettre, c’est les outils pour que tous les garçons et les filles trouvent pour être un esprit libre ! À s’émanciper, à s’exprimer, à maitriser !

Vous n’êtes pas un peu grandiloquent là-dessus ? Parce que fondamentalement, ce n’est pas non plus la révolution ?

Pour vous, non ! Parce que vous avez acquis le socle des choses, vous avez été enseignant, mais pour les centaines de milliers d’enfants dont nous avons la charge, décider que l’on ne transmettrait plus les langues anciennes et que l’enseignement des langues dans ce qu’il avait de meilleur c’est-à-dire les classes bilingues, les classes européennes allaient être supprimées…

Mais vous connaissez l’argument ! C’est inégalitaire et ça ne marche pas.

Ce qui crée une discrimination sociale, c’est la décision que le gouvernement vient de prendre. Pourquoi ? Parce que vos enfants, les miens, et ceux de certains milieux qui nous entourent, évidemment ils recevront toujours cette éducation, parce qu’elle sera transmise soit par l’enseignement privé soit par des leçons particulières, soit simplement par les livres à la maison.

Pascal Bruckner, ce matin dans Le Figaro, évoque le rétablissement d’un examen d’entrée en sixième. Est-ce que cela vous paraît être une bonne idée ?

Cela dépend des mots que l’on emploie. Mais pour moi, on ne devrait pas pouvoir entrer en sixième sans savoir lire. Il doit y avoir une vérification que la lecture est maîtrisée, que l’écriture est maitrisée. Et si ces acquis ne sont pas maitrisés, une année de transition doit être créée, qui fasse que si vous sortez de l’école primaire sans avoir les acquis, on vous les transmettra avant d’entrer au collège !

Donc, vous êtes pour un examen ?

Le mot « examen » d’entrée en sixième évoque le temps qui est le vôtre et le mien, où il y avait un examen à l’entrée. On dit que cela évoque le mot de « sélection », mais ce n’est pas d’une sélection dont il s’agit, c’est d’une vérification que les acquis sont présents de manière que les élèves puissent au travers de leurs premières années entrer dans l’enseignement secondaire de manière valable.

Est-ce que vous considérez qu’il faut vraiment qu’il y ait une grève du brevet comme le souhaitent un certain nombre de syndicats ?

Non, je pense que ce serait une erreur. On est en train d’essayer de défendre l’éducation nationale, et on ne le fait pas en portant atteinte à l’éducation nationale, et c’est pourquoi j’ai évoqué l’idée d’une manifestation publique, où tous, de quelque origine que ce soit, et de quelque opinion que ce soit pourrait se retrouver pour dire simplement qu’il n’accepte pas d’être méprisé.

Et vous avez une organisation ?

Non. Je n’ai pas de date, je n’ai pas d’organisation.

Parce que ça pourrait tout aussi bien avoir lieu dans trois mois.

Voilà, il faut battre le fer tant qu’il est chaud. Mais, pour moi, ça ne doit pas être un parti politique qui organise ça parce qu’autrement vous voyez tout de suite évidemment l’interprétation, et la récupération.

Mais il faut le soutien d’un parti politique.

Il faut le soutien de tous les gens qui considère que c’est grave. Alors il y a des gens qui s’en fichent. Encore une fois, soit parce qu’ils ne voient pas l’importance de ce qu’on est en train d’amputer, soit ils considèrent que c’est pas pour eux, parce que, de toute façon, leurs enfants, trouveront bien le moyen par enseignement privé ou leçons particulières, ou tout autre moyen de recevoir ce dont on va priver les autres.

Alors question sur le fond de cette affaire, il y a la réflexion sur les héritiers de Bourdieu. Le grand argument de Najat Vallaud-Belkacem, qui va rencontrer Bruno Le Maire ce soir, et va débattre avec lui, c’est de dire : système qui ne marche pas, système inégalitaire, vous lui répondez quoi ?

Je réponds que le parcours de Bourdieu, en lui-même, est la preuve qu’elle dit une bêtise. Parce que Bourdieu, c’est un béarnais, juste à côté de Pau, qui est un fils de postier, et qui a fait le parcours au lycée de Pau, au lycée Louis Bartoux de Pau, et qui entre à l’Ecole Normale Supérieure, précisément, parce qu’il reçoit ces acquis-là. Il a une culture classique extrêmement forte, et à partir de là, il peut développer une analyse de la société qui est sévère pour un certain nombre de milieux qui transmettent le pouvoir à leurs enfants. Mais d’abord il y avait la culture, il y avait ce qu’il a reçu dans les petites classes.

Comme chez vous, à titre personnel ?

Oui, c’est exactement le même chemin, dans la même région, avec des parents touts petits agriculteurs au pied des Pyrénées, et tous mes amis en classe avaient le même parcours. Ce n’était pas des milieux privilégiés qui recevaient cette formation-là, qui apprenaient la langue, la littérature et à parler, à manier des idées, c’était tout le monde.

Donc vous dites ce matin que l’argument qui était un argument de l’inégalité est faux ?

Je pense que l’inégalité est irréversible à partir du moment où on prive tous les enfants de leur droit à recevoir le meilleur, ces choses fondamentales sur lesquelles se bâtissent une langue et une culture.

Pour l’instant il y a des problèmes de mobilisation pour cette manifestation que vous souhaitez, mais en revanche on a l’impression que pour les présidentielles la mobilisation elle est totale. Vous vous proposez une manifestation, Nicolas Sarkozy est dans le Parisien ce matin, François Hollande chante les louanges de son bilan à Carcassonne et Bruno Le Maire est parti à l’assaut de Najat Vallaud-Belkacem pour ce soir. Donc les présidentielles, à partir du collège, c’est parti ?

Mais parce que c’est un sujet fondamental, ça paraît technique pour beaucoup de ceux qui écoutent, mais dès que vous approfondissez le sujet, et comme c’est un sujet fondamental, évidemment, ça déclenche antagonismes de visions du monde. Pour moi, je vous le dis comme c’est. La décision que le gouvernement et François Hollande ont prise, parce que c’est quand même le Président de la République qui assume la responsabilité, c’est une décision irrémédiable, blessante.

Impardonnable ?

C’est une décision qui est impardonnable pour moi, et c’est un tournant qui révèle en fait ce qu’est la vraie nature idéologique et à mon sens malsaine, de la vision que le gouvernement porte, et veut imposer contre toute interrogation et toute réserve.

Etes-vous certain ce matin qu’il y aura des primaires ?

Je ne sais pas. Les primaires sont organisées par l’UMP.

Mais le fait que vous me disiez « je ne sais pas », prouve qu’il y a un doute dans votre esprit.

Non il n’y a pas de doute, vous savez j’ai beaucoup exprimé les réserves que les primaires m’inspirent. Je ne suis pas enthousiaste de ce mécanisme, je pense qu’il a des effets pervers, et j’ai souvent eu l’occasion de le dire, y compris à votre micro. Alors je ne sais pas de quelle manière l’UMP va traiter cette question. Mais pour moi en tout cas, l’élection présidentielle c’est une élection à laquelle se joue la vision que l’on a de l’avenir, de la société, et des enfants.

François Bayrou beaucoup à droite vous reprochent d’avoir voté François Hollande,  et vous savez que dans les meetings on siffle, on crie « François Bayrou c’est une horreur, le traître ! ». C’est ma dernière question, mais celle-ci il faut y répondre.

C’est une question à laquelle il est extrêmement facile de répondre : la manière dont Nicolas Sarkozy avait conduit sa campagne électorale, et les années de pouvoir qui ont été les siennes ont amené des millions de français, dont je faisais partie, à choisir l’alternance, parce qu’ils considéraient que ça n’allait pas. Et quand on a choisi l’alternance dans un sens, on peut la choisir dans l’autre.

Donc il y a un côté girouette ?

C’est pas du tout un côté girouette, c’est : vous êtes un citoyen, quel est votre droit devant un pouvoir sortant, c’est de dire « on continue », ou « on arrête ». C’est non seulement votre droit, mais c’est le seul droit que vous ayez en tant que citoyen.

Mais vous avez arrêté Nicolas Sarkozy, et là évidemment, en vous écoutant ce matin, vous allez arrêter François Hollande ?

Et bien vous voyez à ce moment-là que les voix dont je suis le porte-parole sont des voix cruciales, et c’est tant mieux, parce que leur vision du monde, elle compte de manière centrale. Ce n’est pas pour rien qu’il y a au centre un courant d’opinions puissant, peu représenté, parce que la loi électorale s’y oppose, mais qui est un courant d’opinion qui tient entre ses mains une partie de l’avenir du pays, et c’est très bien comme ça. C’est bien parce que ces idées et ces valeurs sont justes pour l’avenir du pays.

Merci beaucoup.

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