"De nouvelles équipes et de nouvelles pratiques démocratiques seront fondées sur le pluralisme"

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Invité de la matinale de France Inter, François Bayrou a défendu l'énergie, la force et les pratiques nouvelles que porte la candidature à la présidentielle d'Emmanuel Macron.

Podcast de l'émission en suivant ce lien.

Bonjour François Bayrou.

Bonjour.

Quelle serait la capacité d’Emmanuel Macron à gouverner s’il est élu début mai ? Vous entendez certains à droite rêver déjà d’une cohabitation. Un homme sans histoire ni parti politique, comme Emmanuel Macron, peut-il créer une majorité ?

Il la créera parce que les Français sont logiques et cohérents. J’ai encore dans l’oreille la phrase de François Mitterrand en 1981. En 1981, on disait « il n’aura pas de majorité s’il est élu Président ». Au RPR de l’époque, beaucoup se préparaient à une cohabitation. Jacques Chirac, qui menait de façon flamboyante le RPR et qui venait de participer à l’échec de Giscard, rêvait que ce soit son parti qui ait la majorité. Et François Mitterrand a prononcé cette phrase aveuglante de clarté et de logique : « est-ce que vous croyez que les Français sont assez stupides pour m’élire en mai et me refusez une majorité en juin ? ».

Ce n’est pas aussi simple. Il y a le filtre des institutions, un système majoritaire à deux tours, le poids des partis, des députés sortants… vous connaissez tout cela. C’est d’ailleurs en 1988 que François Mitterrand n’a pas eu de majorité du tout.

Car il l’avait souhaité. C’était son plan.

Je reviens au sujet. Quel est l’enjeu ? Il est très simple. Il y a une proposition faite aux Français de sortir dans ce système d’impuissance et de décomposition dans lequel nous vivons. Il y a des années, des décennies que deux partis exercent le monopole à deux. Ces deux partis ont conduit la France dans l’impasse où nous sommes et se sont eux-mêmes conduits à la décomposition.

Tout ce qu’on voit apparaître comme affaires… Tout cela est le symptôme d’un dévoiement des pratiques qui a été permis en grande partie car il n’y avait que deux partis qui contrôlaient l’ensemble du système.

On voit bien la décomposition des deux partis dont vous vous réjouissez, mais on ne voit pas encore la recomposition dont vous parlez.

Je ne me réjouis pas, mais simplement, je l’ai analysé depuis longtemps.

C’est de cela qu’il faut absolument sortir.

L’enjeu de cette élection, c’est de voir une énergie, une force et des pratiques nouvelles des institutions. De nouveaux visages, de nouvelles équipes, mais une nouvelle pratique qui sera fondée en grande partie sur le pluralisme. Au lieu d’avoir deux blocs qui ont tout, vous aurez l’expression de sensibilités politiques compatibles entre elles.

Ce que j’affirme, c’est qu’il n’y a qu’une seule majorité possible en France : c’est cette majorité centrale.

Si vous prenez la gauche, vous n’allez pas me dire qu’elle peut faire une majorité : regardez où elle en est, les affrontements sur le fond et entre les personnes. Regardez la droite, qui est à 18% dans les sondages. Croyez-vous qu’on fait une majorité avec 18% ?

Entre ceux qui forment le grand centre français, ceux qui sont du centre-droit et ceux qui sont du centre-gauche – on annonce des évolutions encore aujourd’hui – il y a eu jusqu’à maintenant l’impossibilité de travailler ensemble alors qu’ils pensent pour l’essentiel la même chose.

Quelle différence y’a-t-il sur le fond, entre un Manuel Valls et un Aalin Juppé ?

Les étiquettes.

Des étiquettes. Ils ont des sensibilités, chacun a ses nuances. Les uns veulent plus d’Etat, les autres un peu plus de liberté.

Mais sur le fond, il y a une compatibilité absolue : ils sont tous pour qu’on avance dans le sens d’une Europe solide, pour qu’on donne la liberté nécessaire à l’économie et le soutien des entreprises, pour qu’il y ait un projet social pour la France. 

Si vous regardez le mécanisme des législatives, si dans chacune des 577 circonscriptions ou presque, vous avez un candidat PS, un candidat LR, un FN, un insoumis et un candidat avec l’étiquette EM, éventuellement avec celle du MoDem, pensez-vous sérieusement que le mouvement d’Emmanuel Macron peut obtenir une majorité ?

Il arrivera en tête. Je n’ai aucun doute sur ce sujet, parce que nous allons présenter des visages nouveaux, expérimentés, pour un certain nombre, qui ont chacun un parcours. Ces candidats arriveront en tête dans les circonscriptions et ils gagneront le deuxième tour, parce que la gauche sera en miette – il suffit de voir les débats – et les Français auront cette cohérence-là. Il faut comprendre que nous ne sommes pas dans la réédition de ce qu’il s’est passé depuis trente ans.

Nous sommes dans la création de quelque chose d’autre, que j’ai moi-même failli porter jusqu’à un résultat très important, à l’avant-dernière élection présidentielle, en 2007.

Cette attente existe et est profonde. Simplement, il s’agit d’avoir assez de cohérence et de force pour la porter.

Je ne crois pas que les deux partis décomposés qui ont exercé tout le pouvoir depuis tout ce temps-là soient en mesure d’empêcher les Français d’aller vers cette nouvelle page qu’il faut écrire.

Emmanuel Macron prône le renouveau des visages, avec une annonce qui a surpris hier : « pas d’anciens ministres dans la future équipe ». Cela vaut pour Jean-Yves Le Drian, cela vaut donc pour vous !

Je n’étais pas au gouvernement ! Vous n’avez pas la mémoire des choses.

Vous étiez ancien ministre.

Oui, un ancien ministre d’il y a vingt ans ! Il se trouve que j’ai quitté le gouvernement il y a vingt ans.

Alors, cela ne vaut pas pour tous les anciens ministres ?

Et bien, peut-être, je n’en sais rien.

Comme il y a onze anciens ministres de Jacques Chirac qui comptent parmi les ralliements d’Emmanuel Macron, cela pose des questions…

C’est une chose surprenante : je n’ai jamais parlé de cette question des postes avec Emmanuel Macron. Je ne fais pas de marchandage. Les portraits robots dessinés par Emmanuel Macron, qui serait donc dans cette hypothèse élu Président de la République, ce sont des gens d’expérience qui aient la capacité de former des équipes avec les visages de renouvellement de la société civile.

« Aujourd’hui, notre pays n’a ni besoin de la gauche de 1981, ni la droite de 1934 », a dit hier Emmanuel Macron. La gauche de 1981, cela doit valoir pour Benoît Hamon, mais la droite de 1934, c’est François Fillon ?

Vous voyez bien, dans des manifestations qui ont fait beaucoup de bruit, qu’il y avait l’expression d’un très grand sectarisme, de la mise en cause de la justice, de la liberté de la presse.

Cela rappelle les lignes d’avant-guerre ?

En effet, ces sentiments-là étaient ceux qui s’exprimaient dans les années 30.

Je n’attends qu’une chose : que sur tout cela, on tourne la page en réussissant à persuader les Français, y compris de droite. Moi, j’ai toujours pensé qu’il fallait une droite, un centre, une gauche, qu’il était légitime que ce pluralisme existe.

Vous vous souviendrez que j’étais allé à Toulouse, contre le Parti unique qu’envisageait de former le RPR de l’époque, pour dire : « quand on dit qu’on pense toujours la même chose, on ne pense plus rien ». Je suis pour que la diversité des opinions s’exprime.

Je pense qu’il y a dans le tournant de cette élection, une chance de refondation, y compris pour la droite, qui va devoir s’interroger et se poser des questions, comme la gauche, sur les raisons qui ont fait que ces décennies au pouvoir ont enfermé la France dans l’impasse où elle se trouve.

Cette question du renouvellement en profondeur de notre vie démocratique est une des questions centrales de l’élection présidentielle.

1934… il y a quelque chose de factieux qui s’exprime à droite ?

Je n’ai pas employé le mot de factieux. Je dis qu’il y a des remises en cause, notamment de la justice, qui en effet, sont les mêmes remises en cause qu’on entendait dans des temps qu’on préférerait oublier. Je vous demande de vous souvenir de la condamnation que le général de Gaulle portait de ces dérives et de ces idées.

Parlons des débats télévisés d’avant premier tour. Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon n’ont pas très envie d’aller à ce débat. Vous comprenez ces réticences à participer à un débat à onze ?

Je pense qu’un débat à onze est très difficile, très lassant, très déstabilisant. Emmanuel Macron a dit qu’il acceptait de participer à un débat et a demandé au CSA de prendre ses responsabilités quant à la date et à la forme du débat pour que tout le monde y participe, mais qu’on n’ait pas quelque chose qui soit pour les Français une manière de se détourner de l’élection présidentielle.

Manuel Valls annonce qu’il va voter pour Emmanuel Macron, sans surprise. C’est une nouvelle importante, attendue ?

Le geste de Manuel Valls est sûrement la conclusion d’une réflexion très profonde et un peu désabusée sur l’état de la gauche en France. 

QUESTIONS DES AUDITEURS

N’y a-t-il pas un risque avec Emmanuel Macron de retrouver une instabilité parlementaire de type IIIème et IVème République ?

Il n’y a pas de risque de cet ordre car la Vème république a prévu une fois pour toutes des pare-feux contre cela : le 49-3 – c’est-à-dire la question de confiance posée à l’Assemblée nationale, qui, en cas de vote négatif, sera dissolue – mais aussi le référendum et la dissolution de l’Assemblée nationale.

Enfin, le premier pare-feu, le scrutin majoritaire, est le mode de scrutin contre lequel vous vous êtes souvent élevé, justement.

Et j’espère bien que nous allons sortir de ce blocage-là. (…)

La société politique dans laquelle nous sommes, c’est que les deux partis qui ont la totalité des sièges représentent à eux deux moins de 30% des voix : 18% mesurés pour Fillon et autour de 10% pour Benoît Hamon. Telle est la réalité de la société française.

Ils ont tous les sièges avec moins de 30% des voix et les 70% des Français, des dizaines de millions de citoyens, n’ont pas de représentation.

Le système politique ou l’habitude politique fait qu’on s’en accommode, mais moi, je ne m’en accommode pas. Pas. Les millions de Français qui ne sont pas représentés, qu’ils soient d’extrême droite, d’extrême gauche, écologistes ou du centre indépendant, se détournent de nos institutions. Nous sommes le seul pays dans l’Union européenne qui ait ces institutions. Tous les autres considèrent qu’on doit représenter à partir d’un seuil, disons, de 5%, soit un million de voix, on doit avoir des sièges pour parler en votre nom dans les institutions et au Parlement. Principe que je défends et qui n’empêche pas l’Allemagne d’être pas mal gouvernée !

On voudrait nous présenter cela comme un risque. Ce qu’on a vécu avec les frondeurs, c’est l’instabilité. Le gouvernement a été incapable de porter les projets qui étaient les siens. Donc oui, je défends un principe de pratiques nouvelles de nos institutions, qui grâce à la Constitution de la Vème République, ne peut pas déboucher sur l’instabilité.

Qu’est-ce que vous pensez de la candidature de Jean Lassalle, votre ancien ami et ex-numéro 2 du MoDem, arrivé 5ème en termes de parrainages ? Le soutiendrez-vous au deuxième tour ?

Il n’a jamais été numéro 2. Vous avez entendu les rires autour de la table. Les rires suffisent à répondre à cette question. Je ne veux pas partir sur une discussion qui serait forcément désagréable autour de cette aventure.

Pourquoi désagréable ?

Le débat présidentiel est un débat lourd et sérieux, il engage l’avenir du pays.

Jean Lassalle n’a pas sa place, à vos yeux ?

Je ne veux pas en parler.

C’est un personnage, quand même.

Ce n’est pas une affaire de personnage. Je suis un homme des Pyrénées. Je suis un homme des milieux qui ne sont pas représentés et qui méritent d’être représentés en étant pris au sérieux.

Il y a un an, vous avez contribué à l’élection de L. Wauquiez à la région Auvergne-Rhône-Alpes. Le MoDem est dans la majorité de L. Wauquiez. N’est-il pas exactement ce que votre poulain dénonce ? J’ai du mal à vous croire dans vos convictions.

Il se trouve que mes amis de la région ont fait le choix de l’alliance qui a gagné la région autour de M. Wauquiez. Ce n’était pas forcément mon choix. Heureusement, chaque fois que nécessaire, ils ont voté contre les projets qui n’allaient pas dans leur sens. Je pense que l’échec de la gauche à la tête de la région Rhônes-Alpes porte une responsabilité grande dans la victoire de M. Wauquiez. 

Vous ne vous reconnaissez pas dans les prises de position de L. Wauquiez ?

Ce n’est pas du tout ma sensibilité. Il est dans une ligne très à droite, je suis au centre indépendant. L’ambiguïté a été de faire croire que c’étaient les mêmes lignes. Raison justement pour laquelle je me suis toujours opposé au supposé parti unique de la droite et du centre. La droite et le centre, ce n’est pas la même chose, même si sur certains sujets, cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas travailler ensemble.

Cela veut dire que chacun doit assumer son identité. (…) Ce que je souhaite, c’est qu’on retrouve l’authenticité des inspirations politiques françaises. Il est légitime que chacun soit ce qu’il est et qu’on n’essaie pas d’effacer comme avec une gomme des sensibilités qui font le fond de la démocratie française.

Emmanuel Macron peut faire émerger ce centre libre et indépendant dont vous espérez l’émergence depuis des années ?

C’est ce qui est en train de se produire aujourd’hui. C’est parce qu’li y a une cohérence de fond sur les objectifs à atteindre : une vie démocratique nouvelle, pluraliste, un choix européen assumé, avec la volonté de faire que l’Europe soit accessible aux citoyens et pas un univers fermé, une volonté d’initiative en économie et de soutien de l’entreprise, un projet social de solidarité pour le pays. Tout cela fait un bloc cohérent. Ce qui me réjouit, c’est de voir que dans les projets, les déclarations et les équipes qui se regroupent autour d’Emmanuel Macron, il y a cette cohérence-là.

Vous avez dit qu’Emmanuel Macron était le « candidat de la finance ». Peut-il résister au capitalisme ?

La première exigence qui a fait notre alliance, c’est qu’on inscrive dans une loi sévère la lutte contre les conflits d’intérêts, la lutte contre la tentative de prise de contrôle par des puissances économiques et financières de l’activité politique, qu’il y ait des manœuvres qui fassent que des responsables politiques de premier rang soient les obligés des puissances économiques et financières. (…) Cela est inacceptable dans son principe.

La première chose dont nous avons discuté avec Emmanuel Macron, c’est d’une loi de la moralisation de la vie publique, qui écarte définitivement tout risque de conflits d’intérêts.

Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis entre ces déclarations et le moment où vous avez rejoint Emmanuel Macron ?

C’est parce que j’ai vérifié auprès de lui qu’il était favorable à une séparation nette entre l’argent et le pouvoir politique. (…) C’est quand j’ai vérifié avec lui qu’il était favorable à la création de cette cloison de verre, de cette paroi, qui mettait à l’écart toute influence d’intérêts particuliers sur l’intérêt général qu’il m’a paru que cette alliance était possible.

A quel moment, et comme s’est passé, ce moment où vous vous êtes aperçus que cet espace politique que vous incarnez depuis si longtemps, pour lequel vous luttez depuis si longtemps, n’est plus le vôtre ?

Je ne sais pas bien comment vous vous représentez la vie politique. La politique, ce n’est pas une affaire individuelle. J’ai toujours pensé qu’il fallait des équipes et des rassemblements. En 2007, ce rassemblement a failli avoir lieu, avec des responsables très importants de la sensibilité sociale-démocrate, Michel Rocard par exemple. Il s’est posé cette question. Il n’a pas fait le saut. S’il l’avait fait, nous aurions gagné l’élection présidentielle de 2007. (…)

Je constitue avec Emmanuel Macron une équipe qui sera celle du renouvellement démocratique en France. Nous sommes confrontés comme citoyens à l’impuissance de la vie politique française depuis vingt ans. On fait des annonces, puis rien ne se passe. Pour sortir de cette impasse-là, il fallait des choix décisifs et résolus. J’ai écris un livre qui s’appelle Résolution française. (…) C’est ce que nous sommes en train de faire.

 

 

 

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