"Cette obsession générale qui consiste à payer moins ceux qui ne gagnent pas beaucoup n’est pas la mienne !"

Bonjour François Bayrou.

Bonjour.

On vient d’entendre dans le journal ce matin à Cuba Ségolène Royal qui conteste les violations des droits de l’Homme commises par Fidel Castro. « Il y a beaucoup de désinformation » a-t-elle dit, « quand on demande des listes de prisonniers politiques à Cuba, on n’en a pas ». Qu’en pensez-vous ?

Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise… Les bras vous en tombent. Il n’y a pas de limites aux bêtises que les responsables politiques peuvent dire. Mais quand ces débordements s’expriment au nom de la France, du gouvernement français, alors il y a des questions à se poser. Si la longue file des fusillés, des exilés, de ceux qui ont été mis en prison par le régime - que Madame Royal exalte - se présentait devant elle, elle rougirait.

Est-ce une faute politique selon vous ?

C’est pire que cela. C’est tellement énorme… Qu’on dise que F. Castro est une figure historique, il n’y a aucun doute. Que F. Castro ait incarné quelque chose de la révolution contre un régime qui le précédait et qui n’était pas non plus digne d’éloges, oui, naturellement. Qu’il y ait eu quelque chose de romantique dans cette figure-là, peut-être, encore que les compagnons de F. Castro qui ont fait la révolution avec lui se sont retrouvés assassinés et fusillés pour beaucoup d’entre eux… On compte le nombre de fusillés, certains disent 15.000, en tout cas, plus de 10.000 ! Alors qu’au nom du gouvernement on aille dire qu’il n’y a pas…

Au nom du gouvernement… Pas vraiment.

Bien sûr que si, elle représente le gouvernement !

Vous pensez que le gouvernement n’aurait pas dû être représenté à ses funérailles ?

Je n’ai pas dit ça. Mais elle représente le gouvernement. Je rappelle que le Parlement européen, à plus de 90%, il y a quelques années à peine, a voté une condamnation de Cuba sur les droits de l’Homme. Je rappelle que l’ONU s’exprimant sur les droits de l’Homme a dit, à beaucoup de reprises, que les abus à Cuba étaient intolérables. S’il y a un sujet sur lequel la France et le gouvernement français ne devraient pas absoudre F. Castro, c’est précisément celui des droits de l’Homme. Cela me rappelle une autre déclaration que Ségolène Royal avait faite autrefois, pour présenter la justice chinoise en exemple pour la justice française. Il y a des moments où l’on devrait rechercher un équilibre dans les positions que l'on prend au nom de la France et être capable de raison dans son jugement.

Au-delà de cela, simplement, il faut avoir de bonnes relations avec Cuba. On ne va pas arriver après le président Obama qui s’est réconcilié avec Cuba…

Je n’ai jamais dit le contraire. Je n’ai pas dit qu’il ne fallait pas être représenté. Je trouve simplement que cette déclaration déstabilise ce que devrait être la position de la France.

Il y a quinze jours, les champions de l’histoire politique française ont été éliminés par des élections, des règlements de compte, etc. Peut-être que leurs offres ne correspondent plus aux attentes collectives. Ce coup de balai, sentez-vous qu’il peut arriver jusqu’à Pau ?

Qu’il y ait des gens qui exercent le pouvoir et qui soient à ce titre écartés, c’est une chose. Je le comprends très bien, cela peut arriver. Qu’ensuite il y ait l’idée qu’il y a besoin de renouveau dans la politique, sans aucun doute, très bien… À condition que le renouveau défende des positions justes.

Est-ce que François Bayrou, c’est le renouveau ?

J’ai entendu durant la primaire de la droite un candidat dont le refrain était le renouveau. Il est monté très haut dans les sondages et il a fini très, très bas dans le score, parce que la politique a aussi besoin d’expérience. Je ne crois pas du tout à la politique qui se présente uniquement sur un visage sans avoir de contenu et de sens. J’espère que c’est du contenu et du sens dont nous allons parler dans cette émission.

Absolument. Jeudi dernier, le 1er décembre, François Hollande a annoncé qu’il n’était pas candidat à sa réélection. François Bayrou, est-ce que vous pensez que c’est le Premier ministre qui l’a forcé à renoncer ? Est-ce que Manuel Valls a piégé François Hollande ?

Vous voyez bien qu’il y a des règlements de compte dans tous les sens. Qu’il y ait eu une pression de Manuel Valls sur François Hollande, je crois que c’est établi. D’ailleurs, je crois même qu’il l’a dit dans le JDD il y a huit jours. De ce point de vue, ce n’est pas une surprise. Mais que maintenant, le clan de François Hollande se retourne contre Manuel Valls en en faisant sa cible, cela me paraît tout aussi évident. Ce n’est pas pour moi l’intéressant. L’intéressant, c’est de savoir quelles sont les lignes pour le pays que vont porter les uns et les autres.

Mais le 1er décembre, quand vous avez vu ou entendu François Hollande, qu’est-ce que vous avez pensé en le regardant, en l’écoutant ? Est-ce qu’il y a eu une émotion partagée, parce que c’est quelqu’un que vous connaissez ? Avez-vous pensé qu’il a bien fait ?

J’ai pensé que c’était honorable. J’ai pensé qu’il y avait une grande émotion en lui, il avait la voix blanche. J’ai pensé que cette décision était contraire et forcée, en germe depuis très longtemps.

Contrainte et forcée par quoi, par qui ?

Contrainte et forcée par le fait qu’il se trouvait complètement isolé et n’aurait pas pu défendre, porter un projet de manière positive ou avec l’espoir de l’emporter. Je pensais qu’il ne pouvait pas être élu et je le pense depuis très longtemps. Je le lui ai dit depuis très, très longtemps, parce qu’il a commis à mon sens une erreur fondamentale : il a refusé de changer le système politique français et il est resté dans l’ancienne habitude d’une gauche qui n’existe plus, contre semble-t-il une droite qui n’existe plus.

Il avait voulu vous donner une place, parce que vous l’aviez soutenu. Il n’a pas pu le faire parce qu’il y avait une majorité qui était tellement divisée…

Ce n’est pas le sujet. François Hollande était obligé de changer la ligne économique qui était folle et qu’il a défendue lors de son élection. Puis, il n’avait plus de majorité. Il a refusé d’envisager un nouveau fonctionnement, de nouvelles règles, qui auraient permis dans la politique française de dégager des majorités d’idées. Il en est resté au camp contre camp, seulement comme son camp n’était plus avec lui, il était fichu… Ce que je lui ai dit depuis longtemps.

En renonçant à se présenter, est-ce qu’il affaiblit la fonction présidentielle ou est-ce qu’il la restaure ? Est-il encore crédible sur la scène internationale ? Comment voyez-vous les choses ?

Non, je pense qu’il n’affaiblit pas la fonction présidentielle. Je pense que ce qui aurait affaibli la fonction présidentielle, c’était ce scénario fou qui était envisagé de participation d’un Président de la République à une primaire où il aurait affronté des candidats sans responsabilité pendant qu’il avait à assumer la fonction de Président de la République et de garant de nos institutions.

Ce renoncement inédit de la Vè République nous met-il dans une situation de crise institutionnelle ? Si oui, est-ce que François Hollande peut encore gouverner ou est-ce qu’il aurait dû provoquer une élection présidentielle anticipée ?

Non, cela ne nous met pas dans une situation de crise institutionnelle. Ce qui nous met en situation de crise institutionnelle durablement, c’est le système notamment électoral que nous avons choisi et qui fait que la majorité des Français n’est pas représentée dans nos institutions. Cela, c’est la crise institutionnelle. Le fait que 60 % des Français soient exclus de la représentation et que la représentation soit monopolisée par deux partis dominants mais minoritaires, fait qu’on ne peut pas conduire de politique et qu’au bout du compte, on se retrouve dans une sécession des Français, des citoyens, par rapport au pouvoir. Cela, c’est la crise institutionnelle.

C’est l’argument que vous répétez, sans doute avec raison, depuis des années.

Que je répète et que je répèterai et que je ne cesserai de répéter : nous sommes normalement une démocratie représentative. Une démocratie représentative doit représenter les Français. Il se trouve que la majorité des Français n’est plus représentée par notre système qui fait que les partis dominants sont minoritaires dans l’opinion. Tant qu’on ne prendra pas en compte cette nécessité, on sera devant une crise institutionnelle.

Marine Le Pen et le Front National trouvent en vous un très bon avocat. Elle aurait sa place.

Je me suis battu contre le Front National et je ne cesserai pas de me battre dans les années qui viennent. Mais je considère que les Français qui adhèrent à cette thèse ou qui votent pour elle et la soutiennent méritent d’être représentés. Ils ne sont pas moins citoyens que d’autres. Je crois qu’ils se trompent – ils ne sont d’ailleurs pas les seuls à se tromper – mais je défends le droit pour tous ces citoyens, l’extrême-droite, l’extrême-gauche, le centre indépendant, les écologistes, d’être représentés à mesure de ce que les citoyens français leur donnent comme soutien.

Nous verrons ce que feront les successeurs. À partir de janvier, est-ce que le Président de la République et le gouvernement nouveau de transition – il y aura probablement un Premier ministre dans les 48 heures – peuvent lancer des projets, prendre des décisions, nommer, dépenser, ou est-ce qu’il faut geler un certain nombre de décisions ?

Lancer des projets, probablement pas, le temps est trop court. Mais prendre des décisions, oui, organiser la sécurité des Français face aux menaces terroristes qui sont importantes et qui existent, faire face aux exigences internationales, être la voix de la France pendant ce temps, oui.

Pensez-vous que François Hollande étant non-candidat reste crédible, dans ce contexte ?

Matteo Renzi, qui se trouve aujourd’hui face à un référendum très difficile, dans lequel il a mis son pouvoir de Premier ministre en jeu, n’a pas cessé de participer aux réunions européennes ces derniers temps parce qu’il avait une question électorale devant lui… Les institutions sont faites pour qu’on les maintienne, pour qu’au travers du temps, quelles que soient les circonstances, les responsables les assument. Heureusement que nous avons des institutions. Heureusement que nous avons un État. Autrement, on serait dans un chaos tragique.

Quand le président Hollande dit à Abu Dhabi : « Je présiderai jusqu’au bout ».

Il a raison.

Qu’avez-vous pensé de ceux de son camp qui prennent un ton solennel pour répéter que le geste de François Hollande, sa décision de partir, en fait un homme d’État ? Comme s’il devenait un homme d’État parce qu’il partait... Il devient grand parce qu’il s’en va et qu’il leur laisse sa place. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Monsieur Elkabbach, c’est souvent comme ça. Vous savez qu’hélas, lorsque quelqu’un s’en va, on lui trouve beaucoup de vertus.

Un petit mot sur le bilan de François Hollande… Est-ce que vous regrettez en tout point votre vote de 2012 ?

J’ai fait un choix en 2012 qui était un choix réfléchi et je n’ai pas l’habitude de regretter les choix réfléchis que je fais. Je pense qu’il y a une grande vertu dans ce qui s’est passé depuis 2012 : le Parti Socialiste a été obligé d’abandonner ses chimères. Le Parti Socialiste s’est retrouvé au pied du mur et au pied du mur, on a vu que les propositions et la logique politique qui étaient les siennes, ne correspondaient en rien à la réalité. C’est un progrès pour la France.

Qu’allez-vous faire ? Quelles vont être vos décisions ? Vous avez dit que vous feriez connaître vos intentions fin janvier - début février mais pourquoi diable attendre ? Êtes-vous ou non candidat à l’élection présidentielle ?

Attendre pour une raison qui est très précise : les sujets de cette élection ne sont pas apparus. Il y a eu une primaire de la droite qui a rencontré beaucoup de participation, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que les projets n’ont pas été examinés.

Ils ont tout de même été débattus…

Non, je ne le crois pas. Peut-être allons-nous en donner la preuve. Vous voyez bien que de l’autre côté, à gauche, le désordre est tel que les grands sujets du pays ne sont pas apparus. Ce sont ces sujets qu’il m’intéresse de faire apparaître. J’en vois un qui est d’ailleurs un sujet quasiment universel. Dans tout l’Occident, cela se manifeste. Il y a un mouvement profond qui partout a comme point commun de payer de moins en moins le travail de ceux qui sont en bas de l’échelle et les classes moyennes. Tout est fait, avancé, en disant : « C’est comme ça la modernité, c’est comme ça le progrès, il faut pour redresser le pays et payer le travail de moins en moins ». Cette vision, qui est une vision de récession, de diminution de la santé du pays, de son activité, n’est pas la mienne.

C’est donc cette vision que vous voulez incarner. Allez-y !

Merci Jean-Pierre Elkabbach. C’est un conseil que je prends comme amical et civique. J’en tiens compte. Je reviens au sujet. Il faut se rendre compte qu’une très grande partie du pessimisme personnel des Français et du pays en général vient du fait qu’il n’y a aucun espoir, aucun horizon. Sur ce sujet-là, il y a quelque chose d’extrêmement précis. Les sujets visent à faire disparaître un des moyens d’améliorer les fins de mois : les heures supplémentaires.

C’est un des grands thèmes de François Bayrou s’il y va. Pourquoi dîtes-vous cela ? Qu’est-ce qui changerait dans votre projet ?

Permettez-moi de faire entendre à ceux qui nous écoutent quelles sont les propositions de François Fillon sur ce sujet. Dans la fonction publique, passer de 35 heures à 39 heures sans payer les 39 heures. Dans le privé, supprimer le seuil de déclenchement des heures supplémentaires à 35 heures. Pour tous les sujets, baisser autant que possible la prime qu’on donne à une heure supplémentaire par rapport à une heure travaillée normale. Il se trouve que pour beaucoup de salariés, c’était un moyen d’améliorer les fins de mois. Je trouve que cette approche, récessive…

Où avez-vous vu qu’il n’y aurait plus d’heures supplémentaires dans le projet de François Fillon ?

C’est très simple : on supprime la référence aux 35 heures. Or, cette référence a un mérite : c’est le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.

Mais François Fillon, si on lit bien son programme, dit simplement que s’il y a un accord d’entreprise par exemple autour de 39 heures, au-delà, ce seront des heures supplémentaires.

Oui, vous voyez bien que vous venez en une seule phrase de montrer en effet que vous avez ajouté tout à coup au temps de travail 4 heures et la référence que François Fillon garde est le seuil européen de 48 heures par semaine.

Essayons d’avancer sur les propositions que vous feriez. En finissez-vous avec les 35 heures ? Supprimez-vous ou réformez-vous l’Impôt sur la Fortune (ISF) ?

Peut-être, cher Jean-Pierre Elkabbach, si vous m’interrompiez moins, aurais-je plus de temps pour avancer ces propositions. Il y a beaucoup de gens qui vous écoutent et qui ont des difficultés à la fin du mois. Je suis non seulement pour qu’on conserve les heures supplémentaires, mais aussi qu’on puisse réfléchir à une augmentation de la prime pour que les gens gagnent plus. Simplement, je considère qu’il y a un moyen très simple pour que cette prime ne pèse pas sur l’entreprise. Lorsque vous faites une heure normale, les charges sur cette heure normale pour l'entreprise sont à peu près du double de ce qu’on paie en net aux salariés. Actuellement, vous payez une heure 12 euros à un salarié et cela vous coûte 24 euros en charges. Il suffirait donc de considérer que la prime que l'on donne au salarié pour une heure supplémentaire puisse être de 25 % ou pourquoi pas de 30 % tout en étant en même temps défalquée des charges.

C’est la défiscalisation des heures supplémentaires.

Non, ce n’est pas la défiscalisation des heures supplémentaires, c’est autre chose. La défiscalisation, c’est le fait de ne pas mettre d’impôt sur les heures supplémentaires. Là, c’est une baisse des charges à concurrence du montant de la prime. L’entreprise n’a alors pas de charges supplémentaires, il y a une facilité à créer ces heures et à permettre aux salariés d’avoir davantage à la fin du mois. On ne se rend pas compte dans le milieu de la décision, des pouvoirs, des médias, de ce qu’est la réalité de quelqu’un qui gagne 1.200 euros dans le privé ou dans la fonction publique.

François Bayrou, pouvez-vous nous dire comment on va adapter la France au numérique, à l’intelligence artificielle, à la robotisation, à la compétition avec l’Amérique de D. Trump, avec la Chine ? Comment va-t-on redresser la France, en plus des heures supplémentaires ?

Si votre but pour redresser la France est de payer les salariés français au prix des salariés chinois, bonne chance !

Je n’ai jamais dit ça.

C’est ce que vous avez insinué.

Comment s’arme -t-on ? Il y a une industrialisation qui a été blessée. Comment motive-t-on les gens ?

En bâtissant et en mettant en place un système tourné vers la production, vers le renforcement par une liberté supplémentaire donnée aux chefs d’entreprise de créer. Tout le monde s’obstine à regarder les choses comme s’il fallait couper à tout prix. Moi, je crois qu’il faut créer à tout prix.

Sur les fonctionnaires, combien en supprimez-vous ? On sait que François Fillon, c’est 500.000 en 5 ans.

On est en train de nous donner Margaret Thatcher comme exemple, ce qui est pour moi une régression importante.

Les intéressés eux-mêmes ne se sont jamais comparés à Madame Thatcher.

Excusez-moi, vous ne lisez pas. La France a davantage besoin d’un F. Roosevelt que d’une M. Thatcher.

On va chercher une fois F. Roosevelt, une fois M. Thatcher… Pourquoi ne trouve-t-on pas un Français qui incarne une politique de redressement ?

Le Général de Gaulle a fait des choses qui n’étaient pas nulles. Je reviens à la question. Nous avons en France une fonction publique qui a beaucoup de vertu mais que l'on a laissé au travers du temps porter des mécaniques paralysantes pour les citoyens, pour les entreprises, pour l’action publique elle-même. Prenons un exemple. Dans l’action publique, cela prend à peu près 2 à 2 fois et demi plus de temps de construire, de définir un projet, de lancer des appels d’offres : vous êtes paralysé ! C’est cette paralysie contre laquelle il faut lutter !

On vous entend François Bayrou, mais on a l’impression que votre projet n’est pas prêt ! Peut-être est-ce pour cela que vous attendez pour vous déclarer ?

Mon projet, je suis en train de le défendre devant vous ! Je viens de le faire pour les fonctionnaires et les heures supplémentaires ! Excusez-moi de vous le dire : c’est la plus mauvaise manière de poser la question en partant du nombre de fonctionnaires à supprimer plutôt que de penser aux changements qu’il faut apporter à la fonction publique !

Y compris Alain Juppé qui disait « 250.000 en cinq ans »...

Permettez-moi aujourd’hui de défendre mes idées !

Mais si vous avez le projet et que vous voulez l’incarner…

J’ai compris que c’était votre obsession de me faire dire cela Jean-Pierre Elkabbach. Permettez-moi d’être à peu près maître de mon temps, de mes décisions, de mon rythme ! Je vais prendre un exemple simple pour vous donner une illustration. Nous avions à Pau une maison de la culture, une MJC, qui était en ruines et dangereuse pour les gens. Cela faisait des années que le projet était en cours. Si j’avais voulu réaliser ce projet comme un projet municipal, il m’aurait fallu 4 ans. J’ai décidé de donner à la MJC la liberté de se construire elle-même en lui garantissant le financement. Cela s’est fait en 18 mois. Et cela a coûté 3 millions de moins que ce qui était estimé ! Et cela, vous pouvez le multiplier à l’envi, absolument partout ! Cette maison va être inaugurée dans quelques jours. Vous pouvez, partout dans le pays, mesurer ce que sont les blocages que l’action publique vit et produit. Ce sont ces blocages que je veux lever. 

Autre sujet dont on parle beaucoup, l’assurance maladie. Est-ce qu’il faut privatiser une partie de l’assurance maladie ou la garder telle quelle ? 

Je pense qu’il y a beaucoup de changements à apporter à l’assurance maladie. Mais je veux simplement rappeler que si vous ne privatisez que le petit risque, vous donnez à l’assurance privée le seul champ d’actions dans lequel il n’y a pas de risque pour l’assureur et vous laissez au public tous les champs d’actions dans lesquels il y a des risques pour l’assureur. Ce n’est pas ce que j’appelle « équitable ». Dans le passé, des gens plus avisés avaient proposé de mettre en concurrence des mutuelles et la sécurité sociale. Ou bien vous avez en Alsace-Moselle un système équilibré de sécurité sociale…

Que ferait François Bayrou ?

Je me rapprocherais du système de l’Alsace-Moselle. 

Faut-il baisser la fiscalité en France, notamment des particuliers, et faut-il supprimer l’ISF comme le dit François Fillon ?

Je ne suis pas pour augmenter les impôts et je suis notamment contre l’augmentation de la TVA. Je suis pour réformer l’ISF de manière très simple : je demande que l’on traite l’investissement dans l’appareil productif comme les oeuvres d’art. Vous savez que les oeuvres d’art - c’est une singularité française - ne sont pas prises en compte dans l’ISF. Vous pouvez avoir un patrimoine extraordinaire en oeuvres d’art, ce n’est pas pris en compte dans l’ISF. Moi je demande que l’on traite de la même manière l’investissement productif. Si vous dites en même temps « je supprime l’ISF pour ceux qui sont les plus favorisés » et « je mets 2 points de TVA pour ceux qui le sont le moins », vous provoquez un choc social.

Sur les questions de société, la loi Taubira : réécriture, abrogation ?

Je pense qu’il ne faut pas que chaque alternance soit l’occasion de rouvrir des débats qui touchent au plus intime de chacun. 

Et la loi El Khomri sur l’assouplissement du travail ?

La loi El Khomri, je pense qu’elle a une faute majeure que j’ai dénoncée 100 fois : c’est une loi qui avalise la baisse de la rémunération du travail. 

Et la négociation dans l’entreprise ?

Mais c’est très bien la négociation dans l’entreprise ! Il y a bien sûr beaucoup d’aménagements à apporter.

Mais vous voyez ce que vous êtes en train de faire : on ne tourne plus autour du pot, il y a un projet du futur candidat François Bayrou. Ce n’est pas mon obsession…

Ce n’est pas votre obsession Jean-Pierre Elkabbach, chez vous c’est un TOC. Une conduite obsessionnelle. J’ai compris que vous vouliez me faire dire quelque chose que je ne veux pas dire. [Rires]

Les Français sont en droit de savoir si vous en avez simplement envie ! L’envie de retourner au combat ! Ce serait la quatrième fois ! Existe-t-elle ou non cette envie ?

Le combat, je ne l’ai jamais quitté ! Et après tout, cette affaire de quatrième fois, pardonnez-moi de vous dire que lorsqu’un joueur de tennis se trouve pour la quatrième fois en demi-finale de Roland Garros, on ne lui dit pas « Mais Monsieur, c’est la quatrième fois que vous êtes en demi-finale à Roland Garros ! ». Il se trouve que je crois que le sens de l’engagement civique est de défendre ce à quoi l’on croit. Il se trouve que je l’ai fait avec assiduité, que les Français n’ont pas toujours suivi et je pense que sur un certain nombre de sujets, ils s’en mordront les doigts. Quand je me suis battu sur la dette, j’avais raison. Quand je me suis battu sur les affaires - par exemple Tapie -, j’avais raison. Quand je me suis battu contre la privatisation des autoroutes, j’avais raison. Quand je me suis battu pour le produire en France en 2012, j’avais raison. Ces sujets auraient mérité d’être traités et je regrette bien qu’ils ne l’aient pas été. Et je ne suis pas de ceux qui jettent l’éponge ! Je pense exactement le contraire ! Il se trouve que j’ai en moi une espèce de joie de vivre, de joie d’affronter y compris les situations que l’on considère comme perdues d’avance. Mais je ne fais pas de mes envies le critère de jugement de la situation du pays. 

Avec un François Bayrou en grand forme qui n’est pas loin de dire enfin ce qu’il va faire. Je ne sais pas si Emmanuel Macron est en grande forme, mais est-il en train de vous voler votre place au centre ?

Sûrement pas. Vous avez entendu depuis le début : pour le programme de François Fillon, la question c’est les fonctionnaires - il y en a trop, ils ne travaillent pas assez - et le prix du travail qu’il faut abaisser. Pour moi, la question c’est qu’il faut que les Français gagnent mieux leur vie en travaillant et que le travail soit mieux respecté. Pas seulement le travail mais tous les petits revenus, les petites retraites par exemple, qui sont une question absolument essentielle. Emmanuel Macron, quelle est sa ligne ? Depuis des années, sa ligne est de faire baisser par exemple la rémunération des heures supplémentaires. Il y a eu une crise gouvernementale au début de l’année : Manuel Valls a refusé de suivre Emmanuel Macron parce que ce dernier voulait que l’on supprime même la prime de 10 % que l’on donnait pour les heures supplémentaires ! Vous voyez que cette obsession générale, partout dans le monde, qui consiste à payer moins ceux qui ne gagnent pas beaucoup, n’est pas la mienne ! Ce n’est pas ma ligne ! Emmanuel Macron a été au gouvernement. On a vu ce qu’il a fait. C’est lui qui a inspiré d’abord et porté ensuite les réformes du gouvernement. En effet, cela fait des différences substantielles avec ce projet qui est en réalité un projet assez proche de celui de François Fillon, ils l’ont dit d’ailleurs l’un et l’autre.

Pourtant, il est en train d’occuper de plus en plus d’espace.

Ce sont les sondages. Et on devrait d’ailleurs avoir des scrupules à évoquer des sondages alors que l’on a vu à quel point ces derniers mois ils se sont plantés dans toutes les élections sans exception. Moi je vous dis que ce qui compte est de savoir ce qui est important pour les Français, pour eux-mêmes, pour les familles. On leur parle en les considérant au fond comme responsables de la situation du pays... On leur dit en quelque sorte : « Vous gagnez trop et il y a trop de fonctionnaires ». 

Pensez-vous qu’Emmanuel Macron va disparaître, s’écrouler ?

On verra. Permettez-moi de ne pas gloser sur un projet qui n’est pas le mien.

Je reprends vos termes. Vous dites « hologramme », « bulle de savon », « aux mains des puissances de l’argent », il vous rétorque « c’est le clapotis de la décadence ». Est-ce la guerre entre vous ?

Je n’ai pas dit cela dans la même phrase. L’honnêteté consiste à le dire ! D’abord, ce n’est pas méchant, « hologramme ». Ce n’est pas une injure ! Si dans ma vie, je n’avais été traité que « d’hologramme », franchement je considérerais que j’aurais été relativement mis à l’abri ! Il se trouve que j’ai entendu beaucoup plus d’injures sur mon compte et que franchement cela n’a pas traversé le cuir épais qui était le mien.

Y a-t-il un rapprochement possible Bayrou-Macron ?

Je veux défendre ma ligne parce que je considère que l’idéologie dominante dans le monde - pas seulement en France - se trompe ! Il y a cette idée qu’au fond, on est dans un système où on est obligé d’aller : toujours plus pour les favorisés et toujours moins pour ceux qui ne le sont pas. Cette idéologie n’est pas la mienne !

Vous allez rencontrer François Fillon dans quelques jours.

Oui, mais je ne vous dirai pas quand.

Y a-t-il des conditions pour que vous vous ralliez ou est-ce que vous êtes en état d’imposer des conditions et des exigences à François Fillon ?

Ce n’est pas de cette manière que je prends les choses. Si j’étais François Fillon, je m’interrogerais sur les questions qu’il entend, dans ma bouche en particulier, et je me demanderais si cela ne mérite pas une réflexion et des évolutions. Personne n’avait vu son projet - y compris pas moi -, parce que François Fillon n’apparaissait pas comme le gagnant possible de la primaire, à tort et il l’a prouvé de manière brillante. C’est quelqu’un pour qui j’ai de l’estime et de l’amitié depuis longtemps. Et sans doute est-ce réciproque, il l’a dit d'ailleurs. Sur l’une des deux questions de la présidentielle - celle de la personnalité et celle du projet -, je n’ai pas de problème avec François Fillon. Mais le projet de François Fillon à mon sens - peut-être serai-je démenti de manière éclatante et vous ne manquerez pas de le souligner - menace jusqu’à l’alternance. 

Cela veut dire que pour vous, ce projet peut échouer.

Oui.

Cela peut être la victoire de la gauche.

Il n’y a pas que la gauche. Je pense que le pays a besoin d’une alternance. Et je suis partisan de cette alternance. Mais le projet de François Fillon, s’il apparait comme violent et destructeur de choses précieuses pour les Français, il peut être rejeté par ces derniers. Si quelqu’un qui apprécie François Fillon à titre personnel le lui dit, peut-être l’entendra-t-il mieux que d’autres ! Je ne suis pas son adversaire, je ne l’ai jamais été. Nous avons eu depuis très longtemps les relations les plus amicales et parfois même complices. Je dis que le projet comme il a voulu qu’il soit écrit pour la primaire est un projet pour une partie de l’opinion mais pour la France, c’est un risque ! Donc à sa place, je me poserais la question. 

Pourriez-vous le rejoindre s’il évoluait ?

Je ne ferme aujourd’hui devant vous aucune porte, aucune possibilité. Vous voyez que je ne mets pas en avant mes propres intérêts ou ma propre ambition, je mets en avant l’idée que je me fais de l’essentiel. L’essentiel, c’set la situation que chacun des Français éprouve dans un pays où il se sent aujourd'hui amenuisé, amoindri ou écarté.

Merci François Bayrou.

 

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