"Cette élection présidentielle doit permettre à la France de porter à nouveau une vision européenne"

Marielle de Sarnez s’exprimait ce jeudi 23 mars au micro de Philippe Mechet sur RCJ dans "L’invité politique du jeudi". Appelant à un sursaut européen, la vice-présidente du MoDem a rappelé son soutien à Emmanuel Macron, qu’elle juge être le seul candidat profondément européen.

Il y a une question qui nous brûle les lèvres puisque nous sommes au cœur de cette actualité du terrorisme avec l’anniversaire, ou la commémoration en tout cas, des actions terroristes de Belgique. Hier c’était Londres qui était touché, Paris a été particulièrement ciblé… Est-ce que vous voyez, ou peut-on imaginer des moyens de lutter contre le terrorisme en Europe ? C’est-à-dire est-ce qu’on peut imaginer cette politique qu’on attend tellement, cette politique commune européenne, au moins sur un sujet qui fait l’unanimité, qui est la lutte contre le terrorisme ? et contre l’islamisme quand il découle de cet islamisme ?

D’abord je veux dire quelques mots pour penser aux victimes de cet attentat terrible et horrible d’hier. Ensuite, bien sûr que c’est l’Europe qui est visée, capitale après capitale : Paris, Bruxelles, Londres, et ce qui s’est passé en Allemagne aussi. Nous voyons bien que c’est une mise en cause de l’Europe et de ce qu’elle est, ce qu’elle représente, des valeurs qu’elle incarne, de sa liberté, de sa tolérance, de notre mode de vie. Ça c’est la première chose qui est ciblée par les terroristes. Et puis il y a évidemment un lien avec ce qui est en train de se passer en Irak, en Syrie, à Mossoul, ce qui va se passer à Raqqa. Donc bien sûr il y a un lien avec ce terrorisme terrible, abominable et devant lequel on a au fond deux réponses. La première réponse est une solidarité pleine et entière. Nous sommes tous visés, c’est l’Europe dans ce qu’elle est, dans ce qu’elle incarne, de ce qu’elle représente qui est visée, donc nous sommes tous concernés et nous devons améliorer sans cesse notre manière de lutter contre le terrorisme. Ça passe bien sûr, toujours, par une meilleure collaboration entre les services, c’est très important, surtout au moment où la Grande-Bretagne va quitter l’Union Européenne. La Grande-Bretagne est par exemple membre d’Europol, et bien il va falloir - je propose cela aujourd’hui à votre micro - que la Grande-Bretagne reste dans Europol, qu’on continue, c’est-à-dire que même si elle quitte l’Union Européenne, il va falloir qu’en matière de terrorisme non seulement nous continuions à être dans les mêmes organes. C’est très important que nous disions qu’en matière de sécurité il est vital de rester ensemble. Nous devons faire face ensemble, nos services de renseignements doivent mieux coopérer, mieux collaborer. Et puis troisième chose, ces temps dans lesquels nous sommes, ces temps de guerre, et leurs impacts chez nous en Europe, sont des temps terribles auxquels nous devons faire face chacun d’entre nous Européens, avec un devoir de vigilance, avec un devoir d’engagement civique.

Emmanuel Macron par exemple a proposé de refaire un service militaire, ou un service de sécurité civile. Je crois que les temps sont propices à cela, à l’engagement de chacune et de chacun. C’est à une grande vigilance, à une grande solidarité que j’appelle, il faut que dans ces temps difficiles on se serre les coudes. C’est ensemble qu’on peut affronter ce terrorisme et cette barbarie. 

On va continuer évidemment de parler d’Europe. Je rappelle que vous êtes députée européenne Modem, qui appartient au groupe ADLE, l’alliance du centre du parlement européen, qui est d’ailleurs un groupe important. Vous êtes élue depuis 1999 donc vous connaissez parfaitement les rouages de l’Europe, et puis aujourd’hui vous êtes impliquée dans la politique française également, aux côtés de François Bayrou du MoDem, et d’Emmanuel Macron d’En Marche !

Aujourd’hui, comment remobiliser les opinions européennes sur l’Europe ? qu’est-ce qu’il faudrait faire ? qu’est-ce que l’Europe doit apporter comme pistes, comme réponses, pour engager les Français, qui historiquement étaient très fiers de leur appartenance. On a vu un recul. Est-ce qu’il peut y avoir un rebondissement ?

Moi je crois que nous sommes dans des temps difficiles, je le disais à l’instant, et ça concerne l’avenir de l’Union Européenne et de l’Europe. Je crois profondément que l’idéal européen est plus que jamais d’actualité. On vient d’en parler sur la question du terrorisme, c’est évident que quand on est uni on est plus fort. Et quand on est divisé, on est plus faible. Simplement on l’a un peu oublié… Ce qui a pris le pas sur cette solidarité, cette unité nécessaire, c’est la lâcheté des uns et des autres, les égoïsmes des uns et des autres, chacun regardant chez lui et ne voulant surtout pas faire les choses ensemble. C’est une erreur historique et s’il n’y a pas un sursaut européen, une volonté européenne qui s’affirme dans les mois qui viennent, demain, je crains que cette idée européenne ne meure d’une certaine manière.

On peut assister à la fin de cette idée européenne, et moi de toutes mes forces je me battrai contre cela. Cela veut dire une chose simple : bien sûr qu’il faut être ensemble, bien sûr qu’il faut que l’Europe avance, mieux et plus, en particulier de façon plus démocratique, c’est à dire que les peuples, les citoyens s’y retrouvent. Il y a un fossé qui s’est creusé et ce n’est pas possible que ce fossé continue de se creuser. L’Europe c’est notre affaire, ce n’est pas une affaire politique étrangère, l’Europe c’est notre horizon, c’est une intimité. Nous sommes Européens, ce n’est pas de la politique étrangère, mais il va falloir pour cela prendre des initiatives. Il va falloir en particulier que la France redevienne forte, qu’elle redevienne audible, qu’elle incarne à nouveau un message européen, qu’on porte à nouveau une vision européenne, ce qu’elle ne fait plus depuis bien trop longtemps.

 A cause de quoi ?

Vous voyez bien avec la succession des derniers présidents de la République, qu’ils aient été de droite ou de gauche, que leur horizon naturel n’était pas d’inscrire leurs actions dans une volonté européenne forte et affirmée. Ils se sont servis de l’Europe matin, midi et soir comme d’un bouc émissaire extrêmement simple : tout ce qui n’allait pas c’était à cause de l’Europe. Où est la vision française depuis plusieurs décennies ?

C’est quand même beaucoup la faute des politiques, en premier lieu ?

En premier lieu, le premier responsable, c’est le Président de la République Française. Comment voulez vous que l’Europe avance si ce couple franco-allemand n’a pas d’initiatives fortes, si elle n’incarne pas une vision ? Deux choses : d’abord, il fallait faire chez nous des réformes pour que nous soyons un pays fort, dans notre cohésion sociale, dans notre identité, avec l’affirmation de ce que nous sommes, cette capacité de résistance que nous incarnons en France, et deuxièmement il fallait inscrire toute cette capacité de résistance dans une Union Européenne plus forte.

L’Allemagne a besoin d’un vrai partenaire. Nous avons été aux abonnés absents depuis des années et des années, d’où l’importance pour moi de l’élection présidentielle qui vient. C’est le dernier moment pour un sursaut européen, donc je ferai absolument tout pour que le prochain président de la République soit un président profondément européen.

Si on continue sur cette Europe, sur le fonctionnement des institutions européennes, qu’est-ce qu’il faudrait modifier ? Parce qu’on a quand même le sentiment qu’il y a un exécutif européen qui est suffisamment critiqué pour être affaibli par les critiques qu’il peut recevoir, pour ne pas sembler peser dans le débat international. Par exemple on n’a pas vu de déclarations fortes de Jean-Claude Juncker vis-à-vis de Donald Trump lorsqu’il a souhaité d’une certaine manière le délitement de l’Europe, comme le souhaite Poutine, qui sont autant d’arguments d’ailleurs qui peuvent motiver à être plus Européens, pour résister à ces puissances qui critiquent. On n’a pas vu les institutions européennes se dresser.

Mais, dans les institutions européennes, il y a une institution qui est une institution clé qui est le Conseil Européen, c’est-à-dire le rassemblement des chefs d’Etat et de gouvernement. Il faut rappeler à ceux qui nous écoutent qu’il n’y a pas une décision prise en Europe qui ne soit validée par nos chefs d’Etat et de gouvernement. Il y a une responsabilité directe de nos présidents de la République.

Pour prendre un exemple, pour être comprise, quand François Hollande a décidé d’ouvrir les négociations sur le traité transatlantique avec les Américains et l’échange commercial, il n’a pas fait précéder cela du moindre débat à l’Assemblée ou au Sénat, ni de la moindre conférence de presse pour dire aux Français « voilà ce que je vais proposer au nom de la France ». Il l’a fait dans le dos des Français et ces prédécesseurs faisaient la même chose, ce n’est pas une attaque ad hominem, c’est un système qui dysfonctionne. Il a appelé un jour la commission européenne, c’était un mois de juillet, « Allo, bonjour je suis le président de la République, je vous donne le feu vert pour négocier au nom de la France avec les Etats-Unis ». Ceci n’est plus possible. Vous ne pouvez plus faire l’Europe en catimini, vous ne pouvez plus prendre de décisions en catimini sans que les peuples, ceux qui forment l’Europe, participent, via le Parlement Européen, via notre vie politique nationale… Ouvrons ce débat, disons ce vers quoi l’Union Européenne doit aller.

D’abord à mon sens, il faut reconstruire un noyau européen, on n’avancera pas demain à 27, ce n’est pas vrai.

Ce sont les Allemands qui sont réticents là-dessus…

Non je ne le crois pas, je crois que la question d’une Europe par cercles est posée, et elle est admise aussi en Allemagne. Après c’est la question de la volonté politique, cette Europe par cercles, elle doit se faire à partir du noyau franco-allemand, d’où la nécessité d’un président français fort. A ce moment vous faites un noyau dur au sein de la zone euro, ceux qui ont une monnaie commune et qui décident d’aller plus loin, en matière économique, en matière sociale, en matière de politique de recherche, en matière de nouvelles technologies, en matière de politique étrangère… 

Les Français sont très en demande d’une politique fiscale.

Bien sûr, harmonisation sociale et fiscale ! Tout cela nous savons ce qu’il faut faire. Ce qui manque c’est la volonté politique.

 Mais aussi la volonté d’une institution…

Une institution qui ne soit pas désincarnée. Une institution, ce sont des hommes ! La présidence de la commission européenne fait ce qu’elle peut, et elle ne peut pas grand chose parce qu’au fond, le président de la commission européenne, comment est-il élu ? Il est choisi par les chefs d’Etat et de gouvernement et ça les arrange qu’il soit faible. Et quand ils ont une personnalité forte, surtout ils décident de ne pas la prendre. Jean-Claude Juncker n’est pas une personnalité faible, ce n’est pas ce que je veux dire, mais en même temps on voit bien qu’il manque une énergie, une vision.

 Ce n’est pas un Jacques Delors, vous voulez dire ?

Il manque des perspectives, il n’est malheureusement pas à ce niveau là, mais les premiers responsables ce sont les chefs d’Etat et de gouvernement et en particulier le président de la République Française.

 Je vous regardais parler avec passion. Il y a quelque chose qui vous anime, c’est plein d’énergie, plein de passion, mais je me dis que, quand même, dans le rendez-vous avec l’Europe, il y a quelques marches qui ont été sautées. Moi, quand je regarde autour de moi, et notamment la jeunesse, je vois qu’il y a deux sortes de jeunesses. La jeunesse brillante on va dire, la jeunesse qui réussit, qui fait des études, qui se sent européenne et qui a les moyens de se sentir totalement européenne, donc ça voyage, ça étudie à droite et à gauche ; et puis il y a l’autre jeunesse, celle  qui n’a pas ces moyens là et pour qui l’Europe c’est à peine un mot, et un mot qui ne veut pas dire grand chose et quand il veut dire quelque chose c’est de l’hostilité car c’est de l’Europe qu’ils se sentent rejetés.  Moi j’aimerais bien vous entendre sur ces marches que l’on a ratées concernant l’Europe, parce que cette passion qui vous anime, pendant la campagne présidentielle, je ne l’ai pas vue s’allumer, il n’y a pas eu la moindre passion, la moindre lumière, pas de bras qui se soit levé. Et on en a vite parlé parce que cela emmerde tout le monde.

Il y a au moins un candidat dans cette campagne présidentielle française, qui s’appelle Emmanuel Macron, que je soutiens, qui parle d’Europe, franchement, et qui inscrit son action dans un cadre européen repensé, renouvelé ; et de ce point de vue là moi j’en suis extrêmement heureuse. C’est vrai qu’on a loupé des marches. Je pense que la première marche qu’on a loupée, c’est la marche démocratique, je le pense vraiment. Vous ne pouvez pas faire l’Europe sans les peuples, ou contre les peuples, c’est impossible ! Par exemple, quand il y a eu le Non au référendum européen en France et que le texte est revenu par la porte de l’Assemblée nationale et que les députés ont voté alors que le peuple avait rejeté, c’est quelque chose qui a accentué la fracture.

Avant, il y avait eu la question de l’élargissement, je pense qu’on est allé trop vite, moi je faisais partie de ceux qui étaient pour l’approfondissement avant l’élargissement. L’élargissement est une des causes de la fracture. On a élargi tellement vite qu’au fond on n’a pas d’abord approfondi ce qui était ensemble, et ensuite l’Europe est apparue pas seulement comme lointaine et pas démocratique, et comme bouc-émissaire idéal des politiques, mais elle est apparue comme n’étant pas proche des citoyens par les politiques publiques qu’elle préconise. Elle est apparue trop du côté, quelques fois, par exemple pour la Grèce, de l’austérité. Quand on envoie une troïka en Grèce pour dire voilà ce que vous devez faire, vous devez couper les salaires, baisser les retraites, ; c’est une catastrophe pour l’image de l’Union Européenne, même si c’est le FMI etc. Mais l’Europe doit assumer que c’est une erreur. Bien sûr qu’il faut gérer avec rigueur, mais l’Europe elle n’est pas là que pour ça, ce n’est juste pas possible, elle est là pour la relance, pour de grands investissements – je vois plus loin que le seul plan Juncker qui existe aujourd’hui –, elle est là pour ouvrir les champs des possibles à toutes les générations et aux jeunes de demain, et ça passe d’abord par la croissance, par l’emploi, tout ce que l’on devra faire pour l’économie européenne, pour la croissance européenne, c’est cela qui donnera une réponse concrète aux jeunes. En même temps l’Europe ne peut pas s’occuper de tout, ce n’est pas possible, donc il faut que l’on applique ce principe, au nom compliqué, le principe de subsidiarité. Il y a des choses qui reviennent aux nations, et il y a des choses qu’on peut mieux faire ensemble.

Qu’est-ce que l’on peut mieux faire ensemble ? Trouver les conditions d’une croissance ! Avoir une monnaie sans se préoccuper de notre économie et de notre industrie ou de la recherche de demain et du développement de demain, c’est vraiment une grosse bêtise, pour ne pas dire un autre mot, et ça a été une erreur historique de ce point de vue là, de faire la monnaie sans le reste. Ensuite, on a besoin d’aller vers une harmonisation fiscale et sociale. On ne peut pas continuer avec ces différences absolument énormes. Et on a besoin de coopération militaire, c’est évident ! Là, la France a un rôle clé. Le départ de la Grande-Bretagne, qui est un pays extrêmement crédible pour la défense, pose question, il faut continuer avec eux. Il faut au minimum une mutualisation de nos recherches, de notre industrie d’armement, que l’on puisse faire les choses ensemble pour peser davantage.

Jean-Claude Juncker disait, je crois, d’ailleurs, qu’il y avait une défense européenne qui s’appelait la France. C’était un petit peu réducteur. Demain les Allemands sont sur la voie de s’engager beaucoup plus, y compris financièrement, sur cette question. Les Italiens n’ont jamais refusé… Il y a aujourd’hui des bases.

Vous avez raison, il faut que l’on avance sur la question militaire. En même temps il y a un paradoxe : l’indépendance de la France, sa capacité à décider dans la minute, quand François Hollande décide d’engager, avec raison, nos troupes au Mali, il le décide dans la minute. Cela est une force que nous avons que nous devons garder. Je suis profondément européenne mais en même temps cette capacité de manœuvre, de liberté de nos choix propres, d’indépendance là-dessus, il faut que la France le garde. Nous allons être le seul pays européen autour de la table du Conseil de Sécurité demain, donc nous avons une grande responsabilité. Mais en même temps, comme nous le disions, il faut mutualiser nos efforts et avoir une coopération militaire renforcée, c’est absolument évident. Il y a énormément de choses à faire, mais il faut d’abord se dire une chose : on va fêter le 60ème anniversaire du traité de Rome. Je vais demain à Rome, il y a une grande manifestation samedi matin et j’y serai. Ça doit être l’occasion d’un grand sursaut européen. C’est maintenant qu’il faut le faire.

Alors on va parler de la campagne présidentielle. D’abord, une impression globale, comment vous la voyez ? Vous en avez fait quand même plusieurs auprès de François Bayrou. Là vous êtes engagée auprès d’Emmanuel Macron, mais vous avez eu une expérience qui donne l’avantage du regard. 

On a parlé des temps difficiles dans lesquels nous sommes, et bien je crois que nous y sommes, je ne veux pas dire que c’est l’élection de la dernière chance, mais il va falloir se ressaisir. Je parlais de sursaut pour l’Europe, je pourrais parler de sursaut pour la France. On a besoin de se ressaisir, autrement on voit bien ce qui monte : populisme, nationalisme, démagogie de tous ordres, avec tous les risques et tous les dangers inhérents à cela. C’est le dernier moment utile pour de tourner la page sur une vie politique française totalement archaïque et dans laquelle les Français ne se retrouvent absolument plus, cet espèce d’affrontement binaire des uns et les autres, chacun ne représentant que 20% dans son camp. Les Français qui regardent ça comme spectateurs depuis des décennies, les promesses jamais tenues… tout cela ne va pas, il faut tourner la page sur tout ça. François Bayrou a fait un geste qui est un geste lourd dans cette campagne, il avait vocation à pouvoir être candidat.

Je trouve que c’est un geste d’homme d’Etat, je respecte profondément ce geste. Je pense que par ce geste, qui est un geste d’abnégation, ce qui est rare dans la vie politique française, il rend possible, peut-être, l’élection d’Emmanuel Macron, je le souhaite de toutes mes forces, pour qu’enfin on tourne la page sur tout ce qui dysfonctionne dans notre pays et qu’on prépare l’avenir, qu’on rentre de plain pied dans l’avenir. Je pense que l’élection d’Emmanuel Macron sera une bonne chose pour le pays. On va retrouver de la confiance, on n’aura plus cet espèce de président partisan, partial, ces espèces de position complètement factices où chacun s’envoie des trucs à la figure. On est à la fin d’un système. Vous le voyez bien, les partis traditionnels de la droite et de la gauche, pas loin du délitement complet, qui seront probablement absents du second tour, n’ont en aucun cas réglé leurs problèmes de clivages et de divisions, il y a plus de différences entre eux à l’intérieur de leur parti qu’entre des Républicains proches de Juppé et une gauche réformiste. Il y a beaucoup plus de cohérence entre ces deux bouts là. Au fond ils n’ont pas réglé leurs problèmes de clarification. Cette élection présidentielle est peut-être l’occasion d’en finir avec ce cycle et d’en ouvrir un autre, et c’est bienvenu.

 On a souvent dit que le Parti Socialiste avait raté son Bad Godesberg…

Et on va peut-être l’obliger à le faire… C’est la force que nous avons peut-être, nous, électeurs, en votant pour Emmanuel Macron, d’obliger à ce rassemblement nouveau, plus cohérent, d’avoir une grande force centrale enfin dans la vie politique française qui peut émerger.

Quand vous voyez aujourd’hui les équipes adverses, celles de François Fillon, de Benoît Hamon, de Marine Le Pen… comment vous les jugez ? Sur François Fillon par exemple, qu’est-ce qui vous choque le plus dans ses programmes ?

Je pense que l’on ne peut pas y arriver avec des programmes qui sont inapplicables. Quand il dit « je vais supprimer 500 000 fonctionnaires », qu’est-ce que l’on dit à tous les jeunes qui préparent les concours, « Circulez, il n’y a plus rien à voir, je ne vous embauche pas » ? Vous pensez qu’on stabilise un pays ou qu’on le déstabilise quand on fait ça ? Evidemment que ça ne va pas. Le projet de François Fillon n’est pas à l’équilibre du pays, comme le projet de Benoît Hamon n’est pas à l’équilibre du pays.

C’est bien ça le problème des primaires : les noyaux durs vont voter. Moi je soutenais Alain Juppé mais les bons candidats, ceux qui sont au bon équilibre, sont éliminés par ceux qui sont plus à gauche ou plus à droite qu’eux.

Les primaires sont aussi le révélateur de deux partis en fin de course. S’ils avaient été en pleine forme comme il y a 15/20 ans, bien que c’était à mon avis dépassé, il n’y aurait probablement pas eu de primaire. Il y a eu des primaires car il n’y a plus de candidats naturels, ils sont en fin de course. Il faut aller jusqu’au bout de cette forme de décomposition et ensuite il y a aura une reconstruction, ils se reconstruiront peut-être en clarifiant ce qu’ils ont à clarifier chez eux, mais c’est peut-être aussi une chance pour qu’émerge une grande force centrale qui pourra conduire le pays dans la préparation de son avenir et pas dans l’éternel passé.

Comment on fait une majorité législative à partir de ça ?

Très simplement, on a d’abord un président de la République qui est élu et qui a donc une majorité qui le porte au deuxième tour et ensuite fait son élection. Ensuite, il nomme un gouvernement, un premier ministre, et les élections législatives arrivent et évidemment les Français confortent leur choix de l’élection présidentielle et donnent une majorité. Vous connaissez bien les institutions, à chaque fois le choix a été conforté, à chaque fois le score aux législatives était plus haut que le score à la présidentielle du candidat en présence.

Souvenez-vous de Mitterrand en 81, la droite à l’époque disait « Mitterrand va être élu mais on va gagner les législatives ». Evidemment ils ont été écrabouillés aux législatives car les Français sont cohérents. S’ils donnent la majorité à un président de la République nouveau comme Emmanuel Macron, ils lui donneront évidemment une majorité législative pour gouverner. A mon avis ceci est d’une simplicité évidente.

Il n’y a qu’en 88 quand même, je rappelle que François Mitterrand avait dit « il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier », c’est le président lui-même qui avait donné le la, et du coup il n’y avait pas eu de réelle majorité pour le PS, ce qui lui avait été reproché, mais a permis à Rocard de faire des ponts, des liens, d’avoir une manière d’appréhender la politique. Vous avez l’intention vous de vous engager dans ces élections législatives ?

Je verrai, je ne ferme pas la porte. Je suis heureuse au Parlement européen, parce que j’aime l’engagement européen, mais en même temps je me dis que si j’ai une opportunité de participer à un moment historique, d’ouvrir une page nouvelle dans le pays, de le redresser et le reconstruire, de donner l’espoir en France… peut-être que je participerai à cela, on verra.

 Une dernière question pour être un peu méchant. Vous êtes députée européenne depuis 20 ans, vous en avez vu des députés européens issus de la France, etc. Aujourd’hui la principale critique qui est donnée c’est « l’Union européenne est devenue la voiture balai de ceux qui n’ont pas pu être élus ».

Pas au MoDem !

 Je ne parle pas du MoDem. 

Chez nous on a toujours considéré l’Europe comme quelque chose de central. Il y a toujours eu un engagement européen, c’est dans notre ADN, dans notre cœur, c’est un idéal dans lequel nous nous inscrivons, et je pense que cet idéal il faut le vivre plus que jamais.

Je ne vous laisse pas partir tout de suite, je pose encore une dernière question parce que cela me taraudait, par rapport à l’Europe et à Israël. On est sur une radio juive et il est vrai que les auditeurs sont tout à fait intéressés par les relations qui sont extrêmement ambiguës entre l’Europe et Israël. C’est je t’aime moi non plus. Vous disiez que l’Europe était le bouc émissaire absolu pour notre façon de vivre, d’être qui on est. C’est exactement ce que disent les Israéliens en disant « Nous on est une petite Europe au Moyen-Orient et on dérange là où on est, et donc on s’attendait à être soutenus par les types qui nous ressemblent. Or ceux qui nous tapent un tout petit peu dessus, politiquement parlant ou même économiquement, c’est justement l’Europe. » Comment est-ce que vous expliqueriez ce Je t’aime moi non israélo-européen ? Ou plus exactement européo-israélien.

Ce n’est pas ma position. Je ne pense pas que tout va bien, la situation est difficile, mais en même temps il y a quelque chose qui me touche dans ce que vous avez dit, je pense qu’il y a quelque chose dans ce qui se passe en Israël, et Jérusalem, qui ressemble à la construction européenne, c’est-à-dire une mise en commun d’un certain nombre de choses. J’aime Israël, j’ai une fille qui a vécu cinq ans à Jérusalem, je suis allée beaucoup à Jérusalem, c’est un pays qui a le droit entièrement à sa sécurité, pour moi c’est le premier point, mais en même temps je pense que sa sécurité passera par la reconnaissance de deux Etats. Vous allez me dire que c’est un idéal qui n’est peut-être plus de saison, mais moi je crois que c’est la seule solution.

Je pense que l’Europe doit avoir cette feuille de route extrêmement claire. L’Europe doit défendre cette idée d’un pays à deux Etats. Le problème de l’Europe c’est qu’on a des Etats membres de l’Union Européenne qui ont des politiques différentes vis-à-vis d’Israël et qu’il n’y a pas une position commune. Il y a certains pays qui sont plus proches d’Israël, d’autres qui sont plus dans le soutien d’un Etat palestinien. Au fond, on a besoin des deux. C’est peut-être que c’est parce que je suis du centre que je le dis, mais je crois profondément que la sécurité d’Israël a en partie besoin de cette réponse de deux Etats.

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