"Cette crise politique, tous les Français la ressentent"

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François Bayrou a donné ce matin une interview à France Info. L'échange a permis d'aborder de nombreux sujets d'actualité, dressant le portrait d'une France minée par la défiance et la crise politique actuelle.

Jean-François Achilli - Bonjour François Bayrou.

François Bayrou - Bonjour Jean-François Achilli. 

François Bayrou, maire de Pau et président du Mouvement Démocrate. Alors bienvenue chez vous, j’ai envie de dire, ici même à Pau. Nous sommes dans les studios de nos amis de France Bleu Pau. François Bayrou, tout d’abord, Libération révèle ce matin que Medhi Nemmouche, inculpé en Belgique pour le quadruple assassinat au Musée juif de Bruxelles, projetait un attentat le 14 juillet dernier sur les Champs-Elysées à Paris, selon les ex-otages français en Syrie. Menace réelle selon vous, François Bayrou ?

Je crois que notre monde et notre temps sont plein de menaces réelles. Vous voyez bien qu’il y a une accélération de la folie. Il y a des forces innombrables mais qui parfois se rejoignent, qui sont autant de dangers pour l’idée que nous nous faisons de la civilisation, pour la paix de tous les jours, et aussi pour la vie d’un très grand nombre d’entre nous. Ce qui veut dire que la responsabilité de l’Etat, en matière de sécurité intérieure et extérieure, et les moyens qui vont avec cette sécurité, doivent être pour tous ceux qui gouvernent leur première responsabilité. 

Faut-il redouter le retour en France d’autres Medhi Nemmouche avec des menaces ?

C’est une probabilité. Si l’on est sérieux et si l’on voit les centaines de ceux qui sont d’esprit faible, qui sont atteints par cette folie et qui se sentent prêts à tout pour que leur idéologie triomphe, qui ont perdu tout sens commun et tout respect de l’autre ; alors oui, il est probable que ce genre de risque existe et qu’il est réel et surtout pas fantasmatique. Je suis absolument certain que les services de renseignement d’un côté, puis tous ceux qui ont la charge de la sécurité, que ce soit justice ou police, le savent très bien et sont tout à fait déterminés à lutter contre cela.

Encore une question sur ce thème, est-ce que la France doit participer à des opérations militaires contre l’État islamique y compris en Syrie, où l’on sait que François Hollande y est plus ou moins hostile ?

Ce qui se passe en Syrie, c’est un élément de plus de la mise en place d’un puzzle, d’une tentative d’instauration d’un État islamique prêt à tout pour imposer ses vues, notamment à écraser les minorités, qu’elles soient chrétiennes, musulmanes ou autres. Et il faut, de ce point de vue là, être du côté de ceux qui défendent la civilisation. Pour moi, ce doit être une des premières missions de la France, une mission historique de la France. 

Y compris en Syrie ?

Y compris en Syrie, y compris en Irak, y compris en Libye. Nous avons pris des responsabilités lourdes dans l’établissement ou en tout cas dans la désintégration de ce qui s’est passé dans cette région, avec des armes qui se sont répandues. Nous avons, nous France, une responsabilité, bien sûr.

François Bayrou, France Info est venue à votre rencontre ici à Pau pour évoquer la rentrée politique de François Hollande. Il veut garder le cap malgré la tempête, c’est ce qu’il dit. « Il faut tenir », ajoute Manuel Valls. François Bayrou, où va aujourd’hui le Président de la République ?

La crise politique dans laquelle nous sommes depuis plusieurs mois, mais qui s’est accélérée ces dernières semaines, est une crise profonde qui menace l’idée même que nous nous faisons de la politique, de son efficacité, du soutien nécessaire lorsqu’une politique courageuse est mise en place. François Hollande se trouve au cœur de la tourmente dans ces semaines et dans ces jours. Cette crise politique, tous les Français la ressentent. Je vais vous dire de quelle manière ils la traduisent.

Les Palois en parlent ?

Les Palois en parlent, et pas seulement les Palois. J’étais hier en Seine-et-Marne, au centième anniversaire de la mort de Charles Péguy, et tous ceux qui étaient là avaient les mêmes mots à la bouche. Ce sont des mots de désarroi, d’inquiétude profonde. En même temps, ce sont des mots de mise en demeure ou d’injonction de faire quelque chose pour que le pays s’en sorte, parce que c’est une demande et tout le monde essaye d’imaginer ce que pourrait être la sortie de cette crise.

Les « sans-dents » évoqués dans le livre de Valérie Trierweiler, dont on a tant parlé ces jours-ci, vous y croyez ? Il l’a vraiment dit selon vous ? Parce que cela dresse un portrait assez dur.

C’est un livre au moment d’une rupture passionnelle, et beaucoup de choses se disent, vous le savez, dans les couples au moment d’une rupture comme cela. Mais j’ai parlé beaucoup dans ma vie avec François Hollande avant qu’il ne soit Président de la République et après. Pour ma part, je suis obligé de le dire, je n’ai jamais vu le moindre indice de cette méchanceté, de cette condescendance, de cette manière de regarder avec mépris qui que ce soit. Jamais je n’ai vu le moindre indice de cela et d’ailleurs peut-être que si Valérie Trierweiler avait vu cela, peut-être n’aurait-elle pas vécu avec lui. Je prends donc cela avec beaucoup de prudence.

François Bayrou, vous évoquiez à l’instant des solutions de sortie de crise. Marine Le Pen, que l’on a vue ce week-end, qui est appuyée par les instituts de sondage, affirme qu’elle sera au second tour de la prochaine élection présidentielle. Est-ce que c’est une prophétie auto-réalisatrice ou une réalité politique aujourd’hui ? 

On n’est pas du tout dans une élection présidentielle. Le Front National est aujourd’hui au cœur des commentaires. Beaucoup de responsables politiques sont devant lui comme des lapins pris devant les phares des faisceaux des voitures et ne savent pas de quel côté aller. Il n’y a qu’une question à poser à propos de ce mouvement : est-ce qu’il a une solution qui peut être positive et favorable pour l’avenir du pays ? Notre réponse, qui est je crois celle de beaucoup de républicains dans le pays, est qu’il n’y a dans ce mouvement aucune réponse positive : il y a du poison. C’est un poison de diviser les Français entre eux, c’est un poison de faire croire qu’il suffirait de sortir de l’Europe et de l’euro pour retrouver une quelconque prospérité, c’est le contraire : cela nous précipiterait dans l’abîme. Et donc il faut, avec calme, détermination, sans la moindre crainte, défendre ce que nous croyons être essentiel pour l’avenir de notre peuple et de notre pays.

La sortie de crise : quelles seraient les mesures fondamentales qu’il faudrait prendre tout de suite selon vous pour inverser un peu la vapeur ? 

François Hollande et le gouvernement ont devant eux des chantiers qui sont essentiels et à l’abandon. Il y a un chantier qui pour moi devrait être notre obsession à tous : l’Éducation nationale. Dans ses résultats, l’Éducation nationale d’aujourd’hui est en profond manquement à ses obligations. Il devrait aussi y avoir un immense chantier sur la formation professionnelle et ce chantier n’est pas entamé parce que la formation professionnelle devrait être dirigée vers ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les chômeurs et on ne peut pas dire que ce soit le cas. Il y a également un chantier institutionnel, qui permettrait que des majorités nouvelles se forment sur des politiques courageuses et positives pour l’avenir de la France, pas pour des politiques punitives.

 François Bayrou, est-ce que vous êtes retourné à droite ?

Je suis un homme du centre et le centre a sa propre identité, son autonomie de pensée. C’est la seule force politique qui soit une force politique de renouvellement. Le jour où elle acceptera de se constituer, le jour où elle acceptera d’exister…

Ce n’est pas fait. 

Ce n’est pas fait, mais cela se fera.

Le ticket avec Alain Juppé est toujours réel ? Qu’est-ce que c’est ?

J’ai avec Alain Juppé à la fois des relations d’estime, une certaine idée de l’avenir et quelque chose en plus : je pense que le peuple français, nous tous Français, nous attendons que des responsables politiques conscients, dignes du mot de « responsables », acceptent de travailler ensemble pour sortir le pays du désarroi et de l’enlisement dans lequel il se trouve. « Acceptent de travailler ensemble » signifie « acceptent de regarder l’avenir en ne mettant pas en avant leur propre intérêt mais ce qu’ils considèrent comme l’intérêt général ». Et je crois qu’Alain Juppé peut, parce qu’il est respecté, aider à cela.

L’UMP aujourd’hui est divisée et la droite n’est pas en mesure de prendre éventuellement le relais de ce qui se passe aujourd’hui dans ce pays.

En tout cas, j’ai été frappé, même stupéfait de voir des responsables de l’UMP s’exprimer sur les plateaux de télévision pour dire « nous ne voulons pas d’accélération, parce que nous ne sommes pas prêts » et tous les Français le sentent. Or, il est du devoir de forces politiques d’être prêtes et en tout cas le mouvement qui est le mien, le pluralisme du centre, doit se préparer à assumer ses responsabilités.

Merci François Bayrou. 

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