"Cette crise gouvernementale doit se trancher : soit Madame Taubira retire ses propos, soit elle quitte le gouvernement"

Image n°373

François Bayrou, président du MoDem, a appelé vendredi Christiane Taubira à retirer ses propos ou à quitter le ministère de la Justice pour régler la "crise gouvernementale" provoquée par son opposition réaffichée à la réforme de la déchéance de nationalité.

Pour revoir l'émission, suivez ce lien.

Bonjour François Bayrou.

Bonjour.

Christiane Taubira vient de réitérer publiquement son opposition à la déchéance de nationalité dont « l’efficacité est dérisoire » dit-elle, mais elle va quand même défendre le texte à l’Assemblée nationale et au Sénat. Est-ce tenable ?

C’est une situation intenable. Vous ne pouvez pas avoir un gouvernement qui présente un texte aussi fondamental qu’un changement de la Constitution - d’autant plus sur un sujet controversé - et avoir la garde des Sceaux censée défendre ce texte qui affiche publiquement son opposition au texte. Imaginez le débat ! Nous sommes dans une crise gouvernementale et cette crise gouvernementale doit se trancher, soit par le fait que Madame Taubira retire ses propos - ce que je n’imagine pas qu’elle pourrait faire -, soit qu’elle quitte le gouvernement.

Ou qu’on la vire ?

Oui, qu’elle quitte le gouvernement ou que le Président de la République décide qu’elle doit quitter le gouvernement.

Est-ce que cela va détruire la nature du débat au Parlement ?

En tout cas, cela va compliquer extrêmement la tâche du gouvernement et de l’inspirateur du texte, le Président de la République. Cela va porter atteinte à une espèce de sentiment qui avait été crée par le débat au congrès à Versailles. Vous vous souvenez que le congrès tout entier avait applaudi le Président de la République, en particulier parce qu’il y avait cette proposition dans le texte. On peut être pour, on peut être contre. Madame Taubira dit : « ce n’est pas efficace contre le terrorisme » mais personne je crois n’a jamais prétendu que c’était une décision de dissuasion. C’est une décision de refus du peuple français d’apparaître comme pouvant abriter en son sein et protéger les intérêts de gens qui directement l’attaquent et viennent assassiner ses enfants. Ce n’est pas la sanction la plus grave que l’on pourrait imaginer contre ce type de comportement. Le fait est simplement de dire : « je vous prive de votre carte d’identité ».

Le projet du gouvernement prévoit bien d’autres mesures, qui vont être pour certaines contrôlées par le procureur et non plus par le juge d’instruction et pour d’autres qui seront ordonnées par le préfet qui sera lui soumis seulement au contrôle du tribunal administratif. Y a-t-il un recul du principe de garantie des libertés apportées par la justice ?

Nous ne sommes plus dans le sujet constitutionnel. Nous sommes dans un projet qui a fuité, qui n’est pas encore officiellement sur la table. Si j’étais à l’Assemblée nationale, je défendrais le principe que, bien sûr, il faut armer le pays. On ne peut pas négliger cette nécessité de fermeté, d’armer le pays, de donner à nos institutions les moyens de se battre contre ceux qui nous menacent tous les jours. Qui peut dire aujourd’hui que nous n’allons pas rencontrer d’autres événements de cet ordre ? Personne. De ce point de vue, il faut de la fermeté et il faut armer le pays. Je défendrais le principe que chaque fois que l’on porte atteinte aux libertés individuelles, il faut l’intervention d’un juge.

D’un juge spécialisé ou du procureur ?

Pour moi, d’un juge d’instruction. Le juge d’instruction apporte une vision particulière. D’un juge d’instruction spécialisé anti-terroriste s'il le faut. Il y en a qui sont brillants, d’ailleurs pas toujours utilisés comme ils devraient l’être - comme le juge Trévidic - mais il me semble que l’intervention du juge est la marque prouvant que nous respectons l’État de droit tout en nous armant de la manière la plus déterminée contre ces comportements.

Dans son dernier livre, Alain Juppé reprend des mesures comme les peines planchers, il réclame plus de déchéances de nationalité contre les binationaux, il parle de quotas migratoires, d’une limitation du regroupement familial et de celle de l’aide médicale d’État. Il fait du Sarkozy. Le soutenez-vous toujours ?

Je ne crois pas que l’on puisse présenter les choses de cette manière. Plus exactement, il arrive assez souvent que des responsables politiques présentent ou défendent les mêmes mesures. On me faisait remarquer hier dans une émission que j’avais, sur la déchéance de nationalité, la même position que Nicolas Sarkozy. Cela peut arriver et ce n’est pas un drame. Ce qui compte dans l’élection du Président de la République, c’est le caractère, le tempérament de ceux que l'on élit. Non pas seulement les mesures qu’ils avancent, sauf si elles sont choquantes et si on est en désaccord, mais aussi profondément l’équilibre intérieur qui fait qu’on est en face du pays et qu’on le conduit selon le caractère qui est le sien.

Après le discours de Grenoble, vous aviez condamné Nicolas Sarkozy, aujourd’hui vous trouvez que ce n’est pas plus mal…

Ma confrontation avec Nicolas Sarkozy est venue sur un point extrêmement précis et central : j’ai été en désaccord avec Nicolas Sarkozy parce que les interventions, les propositions et les projets qui étaient les siens antagonisaient les Français entre eux.

Alain Juppé vise bien l’immigration, l’aide médicale d’État…

Est-ce que vous pensez que l’on peut ne pas réguler notre immigration ?

Je pense rien. Je me demande pourquoi quand c’est Nicolas Sarkozy c’est inepte, dans l’autre cas c’est acceptable.

Je n’ai jamais dit que c’était inepte de réguler l’immigration. Et je n’ai jamais dit que c’était inepte de se battre contre les comportements qui nous déstabilisent. Je dis simplement que le choix, l’attitude, le comportement d’un Président de la République doit être de rassembler les Français et pas de les mettre en affrontement les uns contre les autres. Voilà le point absolument précis. Vous savez que sur ce sujet là, en effet, non seulement nous avons eu une confrontation mais aujourd’hui à l’intérieur même de son propre camp, beaucoup de gens disent la même chose sur Nicolas Sarkozy. Ce que je sais, c’est qu’Alain Juppé est un homme de rassemblement, il le dit et il l’affirme. S’il défend des mesures fermes, tant mieux, nous les discuterons une par une. Je vais prendre un exemple : il a bien raison de dire qu’il faut une police à l’intérieur des prisons qui soit une police de renseignement et qui permette de prévenir les comportements de radicalisation.

Aujourd’hui, êtes-vous toujours prêt à l’aider dans la course à la présidence de la République ?

Je l’aiderai pour son engagement à la présidence de la République parce qu’il me paraît être – s’il gagne son pari, vous savez que j’ai des interrogations sur les primaires – l’homme qu’il faut pour qu’un nouveau climat politique vienne : un climat politique qui permette de travailler ensemble au service du pays.

Tout à l’heure, j’ai commis un lapsus en parlant de François Mitterrand plutôt que de François Hollande parce que c’est le 20ème anniversaire du décès de François Mitterrand. Vous avez été son adversaire politique, vous avez été aussi son ministre dans le cadre de la cohabitation. Homme d’État ou pas ?

Oui, c’était un homme d’État. C’était un homme qui avait de la France une vision, il aimait son pays non seulement dans son histoire, mais aussi dans ses paysages et dans ses personnalités. J’étais en désaccord avec ses idées politiques, un certain nombre de choses que sa majorité a faites et qu’il avait proposées étaient des bêtises – tout le monde sait bien à quoi ont conduit les nationalisations générales et brutales par exemple – mais c’était quelqu’un qui avait un caractère et un refus de se rendre, de plier, qui étaient admirables. Y compris - je l’ai vu de près comme d’autres - en face de la maladie. Donc de ce point de vue, c’était un homme d’État à la dimension de la France avec des idées politiques qui n’étaient pas toujours bonnes et qui d’ailleurs n’étaient pas toujours les siennes.

Merci François Bayrou.

Je reçois la lettre d'information du Mouvement Démocrate

Engagez-vous, soyez volontaires

A nos côtés, vous serez un acteur de nos combats pour les Français, pour la France et pour l'Europe.

Chaque engagement compte !

Votre adhésion / votre don

Valeur :

Coût réel :

20 €

6,80 €

50 €

17 €

100 €

34 €

Autres montants

Qu'est ce que la déclaration fiscale sur les dons ?
Filtrer par