"Cessons de donner la prime de l'élection au démagogue le plus acharné"

François Bayrou était l'invité de Laurent Ruquier dans l'émission "On n'est pas couché" sur France 2, samedi 16 mars.

Laurent Ruquier - Nous sommes d'autant plus heureux de vous recevoir que nous avons dévoré votre livre. Vous parlez de la situation du pays, de votre choix au second tour de la présidentielle et d'une voie de recours. Pour vous, il y a trois solutions : les extrêmes Mélenchon et Le Pen, et la vôtre, celle de la vérité. Tout au long de la première partie du livre, je pensais que chacun avait sa vérité, mais ce n'est pas vrai, il n'y a qu'une vérité ?

François Bayrou – Il y a une phrase d'une grande philosophe, Hanna Arendt, que je mets en ouverture du livre : "La vérité est le sol sur lequel nous nous tenons et le ciel qui s'étend au dessus de nous". Il y a plein d'opinions, mais cela fait vingt ans en France que l'on ouvre des yeux stupéfaits et estomaqués sur cette réalité bizarre et dramatique, qui est que nous ne pouvons faire aucune des réformes qui sont exigées et réalisées par à peu près tous les pays de notre niveau qui nous entourent. Cette question me tracasse depuis longtemps. J'en suis venu à l'idée que la raison pour laquelle l'accord, qui est nécessaire pour que les réformes se fassent, est impossible parce que one s'entend sur aucun des piliers de la réalité du pays. Chaque élection, présidentielle et législatives, donne en réalité la prime aux démagogues les plus acharnés. 

Vous écrivez "À chaque élection, pour ne prendre que ces vingt dernières années, les candidats promettent tout en sachant que la situation ne leur permettra pas d'honorer leurs promesses". Vous dites que la politique aujourd'hui, c'est de la séduction ?

C'est la séduction, les illusions et l'applaudissement général autour de ceux qui les cultivent. Présidentielle et législatives, ces séquences tous les cinq ans, c'est tout ou rien : vous avez tout le pouvoir ou vous n'en avez pas du tout. Et même, dans un certain nombre de cas, vous êtes totalement exclu de la représentation ! L'extrême gauche, l'extrême droite et le centre - des gens qui ne s'aiment pas spontanément entre eux - ont fait près de 40% des voix aux trois dernières présidentielles et totalisent moins de 1% des députés. Qu'ont fait ces 40% là, pour ne pas être représentés comme les autres ? Ce sont des citoyens de seconde zone ? De sous-citoyens ? Nous sommes le seul pays où la représentation est ainsi réservé aux courants majoritaires, qui fait qu'aucun autre courant ne peut se faire entendre, sauf les deux voies qui disent tous à peu près la même chose. Voilà pourquoi nous sommes privés de la conscience élémentaire, qui fait que les peuples soutiennent les changements nécessaires pour eux.

Je reviens sur la tromperie des différents candidats. Vous écrivez "Quand c'est le bateau qui est en perdition", car vous considérez que notre pays est en perdition...

Non, ce n'est pas moi qui considère. Demandez-leur, tout autour de vous, c'est eux qui vivent la perdition du pays, nous tous citoyens français. On est dans une catastrophe, dans un crash au ralenti. On ne respecte aucune des promesses qui ont été faites, et de très loin ! Dans la dernière présidentielle, Nicolas Sarkozy et François Hollande promettaient tous les deux une croissance de 2%. Vous voyez ce qu'il en est, nous allons avoir 0%. Et je suis certain qu'ils le savaient. L'un était au pouvoir, l'autre armé d'experts, ils savaient exactement où nous en étions. Ils ont une part de responsabilité, le système et le peuple aussi.

Je continue votre phrase : "Quand c'est le bateau qui est en perdition, qu'il est urgent de colmater les voies d'eau, de réparer sa structure, rien n'est plus vain que la guerre des équipages qui se battent pour savoir s'il faut aller à bâbord ou à tribord. Enfantillages ! La question n'est pas de savoir si l'on préfère un bord ou l'autre, il faut sauver le bateau !". C'est vous le sauveur du bateau ?

Non. Il n'y a qu'un sauveur du bateau, c'est le peuple des citoyens français. S'ils le veulent, le bateau se sauvera, s'ils ne le veulent pas, nous allons rencontrer la même chose qu'ont rencontré les Italiens, les Grecs, et quelques autres peuples aujourd'hui désespérés.

Vous pouvez nous confirmer aujourd'hui que vous pensez que l'actuel gouvernement socialiste de François Hollande et Jean-Marc Ayrault va dans le mur ?

La France est dans le mur. La responsabilité du gouvernement est que, pour l'instant en tout cas, il a annoncé des choix en matière économique mais ne les a pas faits. Il a eu des déclarations que j'ai pour ma part soutenues. Il y avait plusieurs raisons à ce choix. Du point de vue du climat, de la paix civile, c'est moins violent et moins divisé que cela ne l'était. Je trouve que ce qui a été fait au Mali était bien, juste, et a été fait courageusement, sans en rajouter. Je trouve que les négociations entre syndicats et gouvernement sont positives. Mais les grands choix économiques qui seuls peuvent nous amener à nous en sortir ne sont pas faits. En tout cas, ils sont annoncés mais pas prononcés. 

Vous avez du mal à dire "J'ai voté François Hollande", vous dites "J'ai voté pour l'alternance", parce que c'est difficile de le dire ?

Non, tout le monde sait que je l'ai fait. Je l'ai assumé pour une raison que tout le monde sait et que j'ai expliquée. Nicolas Sarkozy avait choisi comme ligne directrice de sa campagne électorale la division du pays, l'affrontement entre les gens.

"There is no alternative", vous revenez sur cette expression. Vous pensez qu'il y a un autre chemin, nous allons voir si Natacha et Aymeric ont été convaincus par cet autre chemin, celui de la vérité en politique.

Natacha Polony – Vous nous expliquez dans votre livre que si à l'époque Margaret Thatcher avait tort de dire cela, aujourd'hui elle a raison, il n'y a qu'une alternative. La démocratie, c'est aussi le débat politique, c'est aussi reconnaître que l'autre peut faire des choix différents et que nous n'avons pas le monopole de la vérité. Or, vous nous dites que votre discours a le monopole de la vérité parce que vous vous appuyez sur des chiffres. Mais les chiffres ne disent pas tout.

Je n'ai pas donné un seul chiffre dans ce livre. 

Vous nous expliquez à un moment que, sur le chômage, sur l'éducation, nous pouvons avoir des chiffres qui disent la vérité. Prenons l'exemple de l'éducation. C'est vous-même, en tant que ministre, qui avez mis en place une prospective chargée d'élaborer des chiffres qui a nié pendant des années que cela allait mal. Or vous nous dites que c'est une catastrophe. Cette instance niait les chiffres. Maintenant qu'elle les reconnaît, il y a un débat pour savoir les causes. Il y a un débat fondamental, parce que certains disent "Si l'école française va mal, c'est parce qu'elle est élitiste", d'autres disent "c'est parce qu'elle n'apprend pas les chiffres." Donc, vous voyez que ce qui compte ce ne sont pas les chiffres, il n'y a pas de faits, seulement des interprétations.

Vous confondez deux choses. J'ai essayé dans le livre de faire le distinguo. Il y a des opinions, nous avons le droit d'en avoir. Et il y a des faits, sur lesquels, quelle que soit l'étiquette de ceux qui seront en charge, ils seront obligés de revenir. J'en donne un, ensuite je reviendrai à l'éducation car cela nous passionne tous les deux : il y a des gens qui disent que nous pourrions ne pas rembourser la dette, il y en a qui disent que nous pourrions sortir de l'Euro, vous en connaissez. 

Mais ils le disent de façons différentes. Vous présentez cela comme quelque chose d'unique et de total.

Ceux qui disent que nous pourrions sortir de l'Euro disent qu'ainsi nous pourrions avoir une monnaie plus faible. Si vous créez pour la France un Franc ou un Euro-Franc et que vous avez cet Euro-Franc plus faible que l'Euro actuel, les 2000 milliards de dette qui vous pèsent sur les épaules sont multipliés par 20% ou 30%. Plus la monnaie est faible, plus vous devez vous saigner aux quatre veines pour rembourser votre dette.

Les faits sur la situation française, c'est aussi que notre situation est dramatique parce que notre dette est détenue par des étrangers. C'est-à-dire que nous avons fait en sorte de dénationaliser notre dette. Un pays comme le Japon a une dette beaucoup plus importante mais elle est détenue par les épargnants japonais, ce qui change absolument tout. Cela fait aussi partie du raisonnement. Or, vous ne l'intégrez pas. C'est-à-dire qu'il y a dans votre lecture quelque chose qui fait que vous semblez nous dire "Je détiens la vérité", mais c'est une part de la vérité.

Je ne détiens pas la vérité. Je dis qu'il y a des faits autour desquels nous devrons nous trouver d'accord d'une manière ou d'une autre, quelles que soient les préférences et les étiquettes des uns et des autres. Nous devons accepter cette idée qu'il y a de la réalité. Vous parliez de l'éducation nationale. Il vient de sortir une enquête, en décembre, qui n'est pas sur les grands sujets, sur l'université, mais sur la lecture au CM2. Elle dit que la France est classée par cette enquête au 29ème rang des pays comparables. La note du ministère de l'éducation, ceux que vous accusez de dissimuler la réalité...

Ils l'ont fait pendant des années ! Aujourd'hui nous avons des enquêtes internationales.

Il arrive qu'ils le fassent. Cette note dit que la France est sous-représentée dans l'excellence, et sur-représentée, beaucoup plus que les autres pays, dans ce qui est catastrophique. Cela, c'est un fait. Je n'accepte pas que nous disons qu'il peut y avoir un débat – je sais que ce n'est pas votre cas, ô combien – sur l'importance de la lecture. C'est de vie et de mort que nous parlons.

Nous sommes d'accord, justement là-dessus nous avons des gens qui nous disent que le débat n'est plus les méthodes de lecture et d'autres nous disent que c'est cela le problème. Vous voyez que la question n'est pas celle des chiffres mais celle de l'interprétation et des choix politiques que nous faisons.

Au moins mettons-nous d'accord sur ces points. Acceptons qu'il y ait, dans la dette, dans le fait que notre pays n'arrive plus à produire – nous sommes le seul pays du même genre où le commerce extérieur est effondré. Je ne parle pas seulement de l'Allemagne, je parle de tous les pays qui nous entourent, y compris l'Italie et l'Espagne. Ils ont tous des commerces extérieurs équilibrés. Nous, nous sommes à la cave, effondrés. Notre déficit  du commerce extérieur c'est 70 milliards – comme vous le savez, c'est 70 milliards c'est 70 mille millions d'euros, je suis un défenseur du calcul mental – que tous les ans nous enlevons à la France pour le donner à nos fournisseurs. A tout cela il y a des raisons. On a laissé entendre que je défendais une politique d'austérité, de coupes dirons-nous, or ce n'est pas le cas. Je dis que la seule politique à suivre, c'est de soutenir ceux qui produisent. Nous devons arrêter de leur mettre des bâtons dans les roues, arrêter de faire des normes, des complications, des règlements... Je vais vous montrer quelque chose. Il y a un pays qui est à côté de nous et que je trouve formidable – je vais me faire mal voir – c'est la Suisse. Pourquoi ? Le chômage en Suisse est tombé ce mois-ci au-dessous de 4%, et il y a 300 000 Français qui traversent tous les jours la frontière pour aller travailler en Suisse. Ce n'est donc pas un pays à l'abandon, ce n'est pas un pays de misère où les travailleurs sont sacrifiés. Je vous ai apporté le Code du travail suisse. Il fait une centaine de pages et j'imagine après tout que nous pouvons trouver là matière à faire des règles sociales sérieuses. Et je vous ai apporté le Code du travail français. Je vous jure qu'il pèse 2 kilos, il fait 2691 pages, et nous venons d'en ajouter 80 ou 100 avec les négociations. Je triche un peu, je ne veux pas être malhonnête, il y a le Code travail et la jurisprudence. Mais enfin, quand vous êtes un artisan, que c'est votre femme qui fait la comptabilité et qui s'occupe des bulletins de paie, quand vous êtes plombier et que vous rentrez le soir fatigué, vous pouvez imaginer lire et comprendre le Code du travail suisse. Le Code du travail français, vous ne pouvez même pas. Cela fait la fortune des avocats en droit social, des très grosses sociétés qui ont des DRH de 400 personnes exprès pour fouiller. Cela accentue les inégalités entre les très grands très armés et les petits qui ne le sont pas.

Patrick Sébastien – J'ai l'impression que nous sommes en train de faire une promo pour les anxiolytiques. Depuis tout à l'heure, j'entends dire que ce pays est une catastrophe, que nous sommes dans le mur... Je me mets à la place des gens devant leur télévision, ils vont se suicider. Il n'y a pas un moment où justement le rapport du pouvoir au peuple serait un peu le rapport du docteur au malade, c'est-à-dire de ne pas dire systématiquement la vérité et de donner de l'espoir. Je pense que quelqu'un qui est sur le point de mourir et qui souffre, un docteur ne lui dit pas toujours la vérité, et parfois ça l'aide même guérir.

Mais nous ne sommes pas sur le point de mourir !

Non mais, nous nous connaissons suffisamment, nous sommes amis, je crois que c'est une question de méthode. Là j'ai entendu pendant dix minutes : "C'est une catastrophe", "Nous allons rejoindre la Grèce", "Le système va exploser". Le mec devant sa télé, il va s'en mettre une. Est-ce que l'on aurait pas besoin, dans le discours général des politiques, de quelqu'un qui nous regonfle au lieu de nous dire "Vous avez vu comme c'est pas bien", "Vous avez vu comme il fait mauvais" ?

Ceux-là, ne les cherche pas, tu les as à chaque élection. A chaque élection, les candidats principaux viennent et disent : "C'est très facile, il suffit de voter pour moi, il n'y aura pas d'efforts à faire. D'ailleurs, je n'augmenterai pas impôts. D'ailleurs je ne vous demanderai pas de faire des économies sauf pour faire pays les riches", c'est-à-dire toi... 

Mais moi cela ne me gêne pas ! Je suis absolument ravi de payer des impôts et de contribuer. Je voulais juste dire, le problème, je crois qu'il est au-delà des politiques. Nous avons un problème de réseaux et de lobbys. C'est très bizarre ce que je vais dire par rapport à la politique générale. Nous sommes un pays où nous multiplions les réseaux et les lobbys. Pour qu'un pays ou qu'une entreprise marche, il faut que les bonnes personnes soient les plus compétents à leur poste. Malheureusement dans notre pays, souvent c'est "l'ami de" qui se retrouve à un poste de responsabilité et non pas le plus compétent. Comment voulez-vous qu'un pays avance avec cela ? 

Laurent Ruquier – C'est le discours de François Bayrou sur son futur gouvernement s'il en avait un. C'est-à-dire utiliser les meilleurs talents, qu'ils soient de droite ou de gauche, pour réussir à ce que le pays fonctionne mieux, là-dessus tout le monde est d'accord. 

Aymeric Caron – Je voulais rebondir sur ce que disait Patrick Sébastien. Est-ce que toute vérité est bonne à dire ? Est-ce que, en tout cas, les électeurs veulent entendre cela ? Vous citiez Hannah Arendt tout à l'heure. Cans son texte Vérité et politique elle explique quelque chose, c'est que celui qui dit la vérité ne peut pas être dans l'action politique. Le journaliste, le philosophe, l'artiste qui va dire sa part de vérité ne peut pas être dans l'action politique. Celui qui est dans l'action politique, dit-elle, est condamné à un moment à mentir. Ne serait-ce que parce que celui qui est dans la politique doit essayer d'initier une énergie.

Donc, vous êtes content.

Non, pas du tout. Est-ce que je vous ai dit que je m'en satisfaisais ? J'essaie de voir la réalité. Vous dites effectivement dans votre livre : "Les politiques doivent s'enfoncer dans le crâne une certitude, désormais les peuples ne se laisseront plus gouverner par ceux qui les trompent". Mais prenons un seul exemple, la dernière élections aux Etats-Unis. Les sites de vérification des faits, de fact-checking, qui se sont multipliés ces derniers mois et ces dernières années, ont montré que les candidats n'avaient jamais menti que lors de cette élection présidentielle. A savoir que les deux candidats ont dit entre 30% pour Obama et 50% pour Romney de mensonges dans leurs déclarations. Les analystes nous expliquent que les gens veulent quelqu'un qui ait une vision, qui les porte, qui les entraîne, mais qu'ils ne veulent pas de quelqu'un qui va s'embarrasser à leur expliquer des vérités complexes, parfois difficiles à comprendre et pas très enthousiasmantes.

Il y a plusieurs choses dans ce que vous dites. Premièrement, la vérité est-elle à ce point complexe ? Je crois que non. Je crois que les grandes politiques sont des politiques simples. Deuxièmement, est-ce que les peuples préfèrent qu'on leur raconte des histoires calmantes ? Oui. Je raconte dans le livre une histoire qui m'a fasciné. Il y a un débat formidable à la Chambre des Communes, au Parlement britannique, en novembre 1936, je crois. Juste avant que la guerre ne monte. Le Premier ministre conservateur s'appelle Baldwin. Je n'avais pas beaucoup de sympathie jusqu'au jour où j'ai appris que c'était un cousin germain d'un des romanciers que je préfère qui est Kipling. La mère de Kipling et la mère de Baldwin étaient sœurs. Cela me l'a rendu un peu plus sympathique, pour autant, pas dans cette histoire-là. 

Laurent Ruquier – Ce discours est assez incroyable, vous le donnez dans votre livre.

Il est formidable. Churchill qui est à ce moment l'homme politique le plus détesté de toute l'Angleterre parce que les uns l'accusent d'avoir changé de camp et les autres d'être resté ce qu'il était, interpelle Baldwin. Il lui dit : "Comment avez-vous pu couvrir cette incroyable faute de ne pas armer l'Empire, la Nation britannique alors que Hitler et Mussolini sont en train de faire l'axe Rome-Berlin et que la guerre arrive ?". Alors, Baldwin a cette incroyable phrase que cite à peu près, il lui dit : "Je vais vous répondre avec une effroyable sincérité. J'étais le chef d'un grand parti, c'était il y a deux ans, le peuple britannique n'avait jamais été aussi pacifiste depuis la fin de la Grande guerre. Si je m'étais avancée en disant qu'il fallait armer, je n'avais aucune chance de gagner les élections. Je ne connais pas de plus assuré discours pour faire que nous perdions les élections." Je trouve qu'il y a là exactement le plus profond du débat que vous évoquez. Quand vous êtes certain que votre pays est entraîné sur un chemin dont il ne se relèvera pas, défaite à la guerre d'un côté, défaite économique pour nous, et que vous avez la certitude qu'il pourrait s'en sortir, est-ce que pour lui faire plaisir vous lui dites le contraire de la vérité ? Pour moi, ce n'est pas seulement une question d'opportunité, c'est de se demander, en employant un mot peu un grand, ce qu'est la vocation politique. A quoi cela sert de donner sa vie à cela ? Si c'est pour être appelé "Monsieur le Ministre", franchement, pour l'avoir été, je crois que cela n'en vaut pas la peine. C'est pour faire qu'un pays se forme et se rassemble et pour que les gens se disent, non pas que nous allons perdre et nous effondrer, mais que nous allons y aller, que nous allons le faire. Ce n'est pas si difficile de faire en sorte que l'entreprise en France soit aussi bien traitée que chez nos voisins !

Patrick Sébastien – Enfin François ! Parce que depuis le départ je n'avais pas entendu que nous pouvions y arriver, parce que c'est possible.

C'est possible ! 

Laurent Ruquier – Le livre de M. Bayrou est très optimiste, mais il est optimiste à condition que l'on suive sa vérité, c'est cela le problème.

Non !

Si !

Non ! Ce n'est pas ma vérité ! Si c'était ma vérité, cela n'aurait aucun intérêt. 

Mais quand je vous lis, à chaque page on a envie de dire "C'est vrai, il a raison"...

Et bien cela suffit, arrêtons-nous là ! "Il a raison, c'est vrai, et nous allons le faire ensemble."

Mais on se dit qu'il n'y arrivera pas...

Et les autres, il y arrivent ? 

Non, mais ils arrivent à être élus, pas vous. C'est tout le problème. 

Ils sont provisoirement élus. J'ai entendu tout à l'heure votre numéro sur les réussites exceptionnelles que nous connaissons en ce moment. Ils sont élus, d'accord, pour quoi faire ? Vous comprenez, le monde des observateurs, des élites que vous êtes, ne doit pas continuer à dire : "La seule question c'est d'être élu". Non ! La seule question c'est d'être élu pour pouvoir faire quelque chose. Et même, enlevons "élu", la seule question c'est de pouvoir faire quelque chose. Voilà en tout cas ce que je crois. Je trouve que nous devrions avoir honte d'en être à un moment où les gens vont se faire brûler devant Pôle Emploi. 

Nous sommes tous d'accord. 

Non, nous se sommes pas tous d'accord. 

Sur le constat, si. 

Alors, si c'est cela la question, faisons ce qu'il faut pour que nous n'en restions pas là. Ce que nous entendons autrement c'est "Ouais mais pff...".

Il y a trois solutions, vous le dites, c'est Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, ou vous. Je caricature, je résume, mais vous dites que hélas nous serons peut-être obligés de passer par l'un ou l'autre. C'est-à-dire qu'il y aura un chaos parce que vous expliquez que l'un et l'autre veulent sortir de l'Euro et que ce serait le chaos, non pas pour les plus riches mais pour les plus pauvres qui une fois de plus devraient en souffrir. Vous dites que, après, peut-être, on réussira – je, vous, ou un autre – à faire un gouvernement d'union. 

Je voudrais préciser. J'ai dit, en effet, et cela me coûte, que je ne suis pas certain que dans l'état du pays nous évitions un épisode extrémiste. Je fais de la politique depuis des année et c'est la première fois de ma vie que j'en viens à penser cela. Nous sommes un système tellement bloqué, pour tout... Je vais parler d'autre chose que de l'Etat. Vous avez essayé d'appeler le serveur de EDF ? J'ai fait cela la semaine dernière, parce que j'ai reçu un coup de fil en me disant qu'on allait me couper l'électricité dans une écurie où j'avais des chevaux. J'ai regardé, il y avait en effet une facture avec un retard de quatre semaines. Je n'avais jamais eu d'incident de paiement. J'ai cherché sur la facture le numéro qu'il fallait appeler. Je suis tombé sur "Tapez 1, tapez 3, tapez 4..." puis sur "Composez le numéro qui est en haut à gauche de votre facture". En haut à gauche de la facture ce n'était pas le numéro qu'il fallait composer mais l'identifiant Internet. Quelques lignes après il y avait le numéro. Je vous assure, il faut au moins un diplôme de Polytechnique pour lire les factures. Ensuite, j'ai une musique qui me dit "Vous avez cinq minutes d'attente", j'attends. J'ai attendu, chrono, dix-neuf minutes. Je suis tombé sur un homme et je lui ai dit "Ecoutez, je vais vous engueuler mais je sais que ce n'est pas vous qui êtes à engueuler, je sais très bien que vous n'y êtes pour rien".

Il n'a quand même pas de bol de tomber sur François Bayrou ! 

C'est une grande chose que vous venez de dire. Parce que moi, je peux m'en sortir, il n'y a pas de difficultés. Mais quand vous avez 82 ans et que vous n'y voyez pas bien... 

Vous pensez à Valéry Giscard d'Estaing en disant cela ? (rires)

Non. Je vais vous dire, je pense toujours à ma mère avant qu'elle ne meure. Imaginez quand vous n'y voyez pas bien et que l'on vous demande de lire le numéro d'identification en haut à gauche de la facture qui est sous le numéro d'identification Internet. J'ai donc dit au Monsieur ce que j'en pensais, je n'avais jamais eu un incident de paiement, je lui ai dit "Si vous coupez, je mets tous mes abonnements chez GDF Suez ! Je sais que cela sera la même chose, que je serai traité de la même façon, mais au moins j'aurai montré ma mauvaise humeur". J'ai envoyé le chèque sur l'instant, il m'a dit que c'était réglé et que l'incident était clos. Le lendemain matin, à 9 heures, l'électricité était coupée. Cela n'a aucune importance, mais c'est tous les jours comme cela. Et le serveur de France Telecom, vous avez essayé de le joindre ? J'ai essayé, c'est impossible ! 

Patrick Sébastien – Nous sommes dans le trou, il faut que nous nous en sortions. Je vais dire un truc de base que j'ai entendu dans un bistro. Tu veux que nous évitions les extrêmes, pourquoi est-ce que nous ne faisons pas un triumvirat avec le meilleur de gauche, le meilleur de droite et le meilleur du centre et à la majorité des deux nous prendrions une décision. 

En tout cas il y a une possibilité dans cette voie-là.

Philippe Labro – Cela s'appelle un gouvernement d'union nationale, c'est cela que vous désirez ?

En tout cas un gouvernement réformiste qui ne peut être que central. Je crois que nous finirons par cela. 

Aymeric Caron – Donc vous êtes le seul recours, c'est ce que vous expliquez dans le livre

Non, ce n'est pas fait pour parler de moi. 

Si, quand même...

Un peu (sourire), mais ce n'est pas le sujet du livre. Le sujet, à mes yeux, c'est que nous ne pouvons pas nous en sortir si l'on ne regarde pas en face ces choses capitales.

Il y a quand même une dimension un peu messianique dans le livre. "Moi j'ai la vérité, en vérité je vous le dis, suivez-moi, je vais vous montrer le chemin."

Je n'ai pas une seule fois prononcé cette phrase car je ne crois pas que cela soit ma vérité. 

Laurent Ruquier – Mais vous dites "On ne rejoint pas tout de suite le parti de la vérité, parfois il faut un long chemin, c'est le sens du serment de Léon Blum rentrant de déportation que j'ai mis en exergue de ce livre. J'ai fait ce chemin." Vous dites quand même que vous avez fait ce chemin de la vérité.

Aymeric Caron – Jésus dit : "Je suis le chemin, je suis la vérité, je suis la vie.", on n'en est pas loin.

De là à me prendre pour Jésus, je vois que vous avez fait un long chemin... (rires) 

Laurent Ruquier – La preuve que cela ne marche pas, parce que chez Jésus "Et la lumière fut". (rires)

Ce n'est pas chez lui, c'est chez son père !

Philippe Labro – Jésus a très mal terminé. Alors Bayrou finira sur la Croix ? Au fond c'est cela votre vocation, être crucifié au nom de la vérité ?

Philippe, si on est satisfait de la situation, si on trouve que cela ne va pas si mal que cela, que l'on va passer ce cap... Si c'est cela, alors oui il faut être UMP ou PS. Si on pense que cela ne va pas, et que les extrêmes ne sont pas la solution, alors il faut chercher une autre voie.

Aymeric Caron – Je voudrais revenir sur ce qui me semble être une contradiction dans votre livre. Vous dites qu'il faut rendre le pouvoir au Peuple, c'est l'une de vos grandes idées pour rénover complètement la démocratie.  

Non. 

Vous ne le dites pas ? Si, je l'ai lu.

Non.

Vous citez par exemple De Gaulle, et notamment sa notion de participation du peuple. Participation dans les entreprises, participation dans la vie politique via les référendums. Je trouve un certain nombre de contradictions parce que, si nous prenons votre vision de l'Europe, vous dites "L'Europe, on ne peut pas la changer, c'est comme cela, on ne peut pas fermer les frontières. La libre circulation des hommes, des capitaux, on ne peut rien y changer...". Sauf que cette Europe actuelle que vous défendez, aujourd'hui elle a complètement enlevé le pouvoir de décision aux peuples et aux gouvernements. Les Etats-Nations sont extrêmement affaiblis par cette Europe actuelle. Je trouve qu'il y a une contradiction parce que les peuples n'ont plus de pouvoir de décision. 

Laurent Ruquier – François Bayrou dit le contraire, vous avez mal lu la fin du livre.

Je ne voulais pas vous mettre en difficulté mais je dis exactement le contraire. 

Je vous lis le passage, il dit "C'est sur ce ressort que jouent tous ceux qui veulent mettre à mal l'idéal européen. Toutes ces affirmations péremptoires selon lesquelles c'est à Bruxelles que se décident désormais 80% de notre législation est une désinformation devant laquelle les défenseurs de l'idée européenne sont restés trop longtemps passifs."

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