"Ce qui doit être exonéré en priorité, c’est l’argent qui va vers l’économie réelle, l’industrie et l’emploi."

François Bayrou était ce matin, jeudi 12 octobre 2017, l'invité de Jean-Jacques Bourdin sur BFM TV et RMC. Retrouvez, ci-dessous, l'intégralité de l'interview.

Notre invité ce matin, François Bayrou, maire de Pau, président du MoDem. Vous allez rester président du MoDem longtemps ?

Les militants décident. C’est très bien. Chez nous, c’est un parti démocratique. Donc cela se décide comme cela.

Vous n’avez pas l’intention de passer la main ?

J’ai l’intention de jouer le rôle le plus important possible pour les idées que je défends dans la vie politique locale, à Pau, où il se passe des choses très bien, et nationalement.

François Bayrou, nous allons revenir sur votre avenir, mais tout de suite, parlons d’une information qui est pour moi, la plus importante de la matinée. Hier, le président de la République a annoncé qu’il allait légiférer par ordonnances sur l’agriculture française. Le prix minimum en dessous duquel les distributeurs n’ont pas le droit de vendre, sera relevé. Mais plus important, le prix de vente sera fixé en fonction du coût de production. C’est à dire qu’on regardera le coût de production chez l’éleveur, chez le producteur de légumes, et ensuite, toute la filière devra s’adapter au prix de production. On renverse l’entonnoir. N’est-ce pas essentiel ?

Je vous suis très reconnaissant d’ouvrir cette rencontre sur cette question parce qu’on voit là une chose tout à fait déterminante, c’est que le président de la République a en tête un modèle de société qui va essayer de renverser un certain nombre de fatalités dont meurent des secteurs entiers de la vie nationale. Les agriculteurs le savent bien. Et les consommateurs le savent aussi. C’est-à-dire que sur le prix de vente du produit, ce qui revient du produit final en supermarché ou dans un magasin, ce qui revient au producteur est portion congrue, et très souvent en dessous de ces coûts de production, ce qui fait que les éleveurs laitiers sont dans la difficulté, parfois la misère, que les producteurs de légumes, de fruits se sentent ensevelis sous des assauts qui ne sont pas justes, qui ne sont pas normaux. Ce n’est pas une concurrence normale. Ce qu’Emmanuel Macron a dit dans cette intervention, c’est qu’on allait essayer de le renverser. On allait partir de cette idée fondamentale que l’agriculture, ce sont des agriculteurs. Et que le tissu des agriculteurs est un tissu qu’il faut traiter avec justice. Vous m’entendrez souvent dire le mot de justice dans cette intervention. C’est donc très important, et majeur comme projet de société. Pas seulement comme annonce politique mais comme projet de société pour la France.

Mais vous disiez par ailleurs fin août - je vous cite : « L’opinion ne voit pas la direction, le but que l’on se fixe. »

C’était fin août et précisément, il y a eu plusieurs interventions dans le mois de septembre. Vous vous souvenez d’une très importante interview au magazine Le Point. Vous vous souvenez du grand discours sur l’Europe – très important encore, majeur – à la Sorbonne qu’a fait le président de la République, et de ce discours sur l’agriculture. En effet, depuis la rentrée, ce qu’on voit naître, c’est le projet de société qui est celui du président de la République et de la majorité. Et qui est le mien, absolument sans réserve.

Vous êtes plus que jamais soutien du président de la République ?

Plus que jamais soutien, satisfait de cette majorité nouvelle que nous avons fait naître, et décidé aussi à ce qu’on en aperçoive tous les équilibres.

Je vous dis ça parce que vous dites que le budget 2018 manque de justice sociale. Vous êtes très critique…

Excusez-moi je ne l’ai pas dit sous cette forme là, mais c’est un budget qui apporte des informations ou des choix, qui sont des choix fondamentaux de justice. Je vais en citer deux. La décision est prise que l’allocation pour les adultes handicapés, va être relevée en deux ans de 100 euros. On va passer d’un peu plus de 800 euros à 900 euros. Ce n’est pas rien une augmentation de cet ordre. Ce qui veut dire que l’allocation adulte handicapé, elle va être pour ceux qui sont touchés, de presque 80% du SMIC. C’est une énorme information. De la même manière, le minimum vieillesse, pour ceux au dessus de 65ans qui n’ont pas d’autres ressources, il va être relevé, lui aussi, de 800 à 900 euros en trois étapes. On ne peut pas dire que ça ne soit rien. J’ai une différence que j’ai exprimée sur mon compte facebook. Cette différence est celle ci : pendant la campagne électorale - et j’en été très heureux, et je le soutenais dans cette affirmation - le président de la République a dit une chose extrêmement simple et extrêmement forte. Il a dit : « Je vais sortir de l’ISF l’argent qui s’investira dans l’économie réelle pour construire des usines, pour aider des startups, pour aider les entreprises françaises et européennes, et qu’on puisse de cette manière là, donner à nos entreprises les ressources qui leur manquent. ». On sait bien que, quand on compare, les entreprises françaises à celles qui nous entourent, c’est ça le sujet. Cette idée d’extraire de l’ISF, d’exonérer de l’ISF, l’argent qui s’investit dans l’économie réelle pour les emplois est une idée qui était juste et que je soutenais. Le projet de budget est allé plus loin ou dans un autre sens puisqu’il extrait de l’ISF, au fond, tout sauf l’immobilier. D’ailleurs, on se demande pourquoi l’immobilier. De ce point de vue là, j’ai fait une proposition simple, j’ai dit : revenons à cette idée de fond, ce qui doit être exonéré en priorité, c’est l’argent qui va vers l’économie réelle, l’industrie et l’emploi.

Vous êtes écouté par l’Elysée, par Emmanuel Macron ?

On va voir. Il va y avoir un débat à l’Assemblée. Le budget c’est un projet présenté par le gouvernement et qui est discuté ensuite et voté par les parlementaires de l’Assemblée Nationale et du Sénat.

Des amendements déposés par des députés MoDem peut-être ?

Je n’ai aucun doute que des amendements seront déposés en ce sens. Il y a des gens déjà qui disent : au fond, vous avez raison, on va s’attaquer aux produits de luxe, mais tout cela est extrêmement difficile de définir ce qu’est un produit de luxe. Une voiture de collection, c’est soit une vieille voiture, soit un produit de luxe. Vous voyez, c’est extrêmement difficile. Vous voyez, l’idée que, au fond, on avait cet impôt de solidarité, qui était une idée qui répondait là encore à un projet de société. Je voudrais, en deux phrases, dire lequel. Parce que c’est une affaire pas seulement française, pas seulement nationale, pas seulement européenne, mais mondiale. Dans le monde, la plupart des sociétés développées acceptent l’idée de ce que j’appelle des inégalités croissantes. C’est à dire que, on concentre toujours plus de richesses matérielles entre les mains de quelques uns, et au contraire, on accepte l’idée, que les autres n’aient pas d’horizon ou soient dans une relégation. Je pense que cette pente du monde dans lequel nous vivons est une mauvaise pente. Je pense que cela crée dans la société des fractures. Pourquoi ? Parce que cela donne un sentiment d’injustice. Hors, s’il y a une société dans le monde qui a besoin de cet esprit de justice, c’est la société française.

Est-ce que vous dites ce matin que le budget est déséquilibré ?

Non, je me suis exprimé sur ce sujet. Je viens de dire devant vous, qu’il y avait des choix extrêmement favorables et utiles. En plus, l’idée que je propose, c’est une idée qui permet de financer un certain nombre de choses. Donc je dis seulement que la majorité, le gouvernement, et – j’en suis sûr - le président de la République, réfléchissent à cet équilibre qu’il faut trouver. La marque d’Emmanuel Macron, la marque des cinq années que nous allons vivre, c’est tenir l’efficacité et la justice sans abandonner l’une au profit de l’autre.

C’est ce que disait Emmanuel Macron dans sa campagne électorale.

C’était dans sa campagne, et c’est la raison pour laquelle il a gagné. C’est la raison pour laquelle j’ai été heureux de le soutenir.

L’ISF, que demandez-vous aujourd’hui concrètement ?

Je demande que soient exonérés de l’ISF, tous les investissements dans l’économie réelle, c’est à dire les plans d’épargne action, c’est-à-dire l’action, et c’est-à-dire pour les PME, la possession d’une partie des PME, parce que vous savez qu’il y un certain nombre de PME qui sont obligées de se vendre à l’étranger parce que la transmission est impossible…

Et ça s’arrête là ?

Pour moi, en tout cas, c’est la première étape et c’est là, l’étape utile. Parce que vous voyez, il y a un signe.

Donc il faut revoir cette partie là du budget ?

Je trouve que ce serait bien. Parce que ça montrerait aux Français, quel est le choix. Je comprends bien que ce ne sont pas des arguments nuls qui sont utilisés : il y a beaucoup de gens qui sont capables d’investir, qui ont des capacités, de la fortune, et ils s’en vont. Je comprends ça mais vous voyez bien que tout cela, si l’on regarde le projet de société, alors le projet de société de la République était un projet de société équilibré.

Est-ce que les députés MoDem ne voteront pas les articles référant à l’ISF ?

L’idée que nous entrions dans une crise au sein de la majorité n’est pas mon idée. Nous avons l’Assemblée Nationale et nous avons le Sénat. Il y a des choix qui sont de bons choix. L’orientation générale est une orientation qui correspond à une vision de l’avenir que je partage. Je dis seulement,  j’allume le projecteur sur cette question qui est celle de la concentration continue, entre les mains des plus favorisés et des richesses matérielles, et le déséquilibre que cela crée dans la société. Et je suis sûr qu’on peut y réfléchir tous ensemble.

La hausse de la CSG pour un retraité qui gagne 1300 euros par mois, c’est de la justice ?

La retraite moyenne, c’est à peu près 1350 euros par mois. Je trouve qu’on aurait dû concentrer cet effort sur les retraites qui sont au dessus de la moyenne.

Cela aussi donc, déséquilibre encore…

Vous m’avez entendu dans une intervention récente, dire que l’on pourrait se servir des moyens qu’on trouverait dans cette nouvelle définition de l’impôt de solidarité sur la fortune, pour précisément aider les retraités qui ont des retraites plus basses.

François Bayrou, est-ce que vous avez supprimé le drapeau européen des bâtiments publics de la ville de Pau ?

J’ai vu cette polémique de la France Insoumise à l’Assemblée. Franchement, on se demande comment des gens intelligents peuvent en arriver à dire des bêtises pareilles… On a le sentiment parfois qu’il y a une perte d’équilibre… Il y a quelque chose qui est une folie dans toute cette affaire. Ceux qui s’expriment en ce sens, ont prononcé cette phrase stupéfiante : «  Le drapeau européen est un drapeau confessionnel », comme si l’Europe était une religion. Peut-être dans leur esprit, il y a quelque chose de cet ordre. Mais on est à côté de la plaque et je suis sûr que des millions de Français, y compris qui ont voté pour cette formation politique ou ce leader, disent « Non mais ça ne pas va. Il faut que l’on revienne les pieds sur terre. » Heureusement l’Europe a un drapeau. Et il est très beau.

Je vais être très familier, « ils perdent la boule » ?

Non je ne veux pas utiliser des expressions comme ça.

Non mais je suis familier.

Vous avez le droit de l’être. Emmanuel Macron a le droit de l’être. Vous avez le droit de l’être. Moi aussi quelques fois, mais je choisis les sujets. Je trouve qu’il y a un moment où la politique fait perdre le nord. Il y a un moment où un esprit de sectarisme en vient à en faire perdre le sens commun à des gens qui pourtant sont cultivés, parlent bien la langue française, disent des choses défendables et tout à coup, ils basculent, et là, dans cette affaire du drapeau européen, de toute ma vie, je n’aurais pas cru qu’on pouvait avoir une polémique de cet ordre. Je veux bien qu’on soit contre l’Europe, encore que, quand on a été député européen pendant longtemps, on sait que cela n’est pas si simple. Mais c’est cette perte d’équilibre là, cette polémique qui n’a aucun objet que fantasmatique, qui est profondément gênante pour un grand choix historique que le pays a fait.

Vous êtes maire de Pau, proche de l’Espagne, la situation en Catalogne menace l’Europe ?

Cela menace d’abord la Catalogne, les Catalans, l’unité de l’Espagne, et l’idée que nous nous faisons de l’avenir de l’Europe. C’est vrai qu’elle est en jeu. Donc qu’est-ce qui se joue ? Il y a une lutte à peu près partout sur le continent, entre la revendication d’identité et la nécessité de l’unité. La revendication d’identité, elle est légitime. Ce n’est pas moi qui suis un Béarnais, un Pyrénéen, qui fut voisin des Basques, qui vais dire le contraire. Et qui parle la même langue que les Catalans, à très peu de choses près. Un béarnais lit le catalan comme si c’était sa propre langue. Donc la revendication d’identité, elle est légitime mais que par une espèce de malédiction, la revendication d’identité débouche constamment sur la division, empêche de vivre avec ses voisins, les fait repousser à l’extérieur comme s’ils étaient des étrangers. Alors là, il y a quelque chose qui est une interrogation. Vous voyez le Pays Basque espagnol a trouvé un équilibre qui est meilleur. Peut-être on peut s’inspirer pour la Catalogne, de l’équilibre trouvé au Pays Basque ?  Vous voyez qu’il y a un risque très important. Chacun s’entêtant dans sa position, et chacune des positions conduisant à une impasse.

Est-ce que vous jouez encore un rôle auprès d’Emmanuel Macron ? Vous le rencontrez régulièrement ?

Je le rencontre. Je lui parle. Je ne sais pas si c’est jouer un rôle parce que je n’ai jamais eu l’idée que l’influence politique soit un rôle.

Mais comment faites-vous pour exister toujours politiquement ?

Eh bien parce que vous m’invitez ! Je vis uniquement grâce à vous !

Je n’y crois pas une seule seconde !

C’est grâce à votre compréhension bienveillante !

Vous savez pourquoi ? Je vais répondre sans modestie, parce que l’existence en politique, elle est commandée par les idées fortes. Les idées, qui au début sont minoritaires, et puis au bout de quelques années, ça s’avèrent juste.  Et ceux qui maintiennent le cap, qui ne laissent pas tomber le drapeau, qui défendent souvent envers et contre tout, et envers et contre tous, une vision de l’avenir, qui est une vision forte, alors ceux là existent.

Emmanuel Macron sera intransigeant avec toutes les réformes qu’il engage. Cela veut dire ça aussi qu’il ne fléchira pas. 

Dans le crédit que les Français lui apportent, je pense qu’il y a du crédit pour ce jeune président. Il y a le fait qu’il ait dépassé les frontières habituelles. Il y a le fait qu’il fait s’écrouler les tours de garde qui empêchaient la politique de changer. Il y a le fait qu’il ait imposé un paysage politique nouveau. Et il y a le fait qu’il fait ce qu’il a dit qu’il ferait. Cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir de discussion. Je viens de montrer qu’il y en aura, j’espère. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de dialogue, qu’il n’entend pas ce qui se dit. Mais je suis sûr en tout cas que cette capacité à faire, capacité à agir, à changer le paysage politique, la parole politique, la langue politique habituelle, à faire des gestes qui étaient des gestes inusités, à porter des idéaux, qui étaient oubliés, abandonnés… Vous savez, c’est dans toute l’Europe, que les pays ont regardé ce qui se passait en France, en disant, c’est incroyable, on croyait que la France allait basculer du côté de la fermeture, de l’exclusion, de la critique perpétuelle de l’idée européenne. Et tout d’un coup, voilà un mouvement qui s’est formé et ce mouvement est porteur d’espoir pour nous et au delà de chez nous, pour tous ceux qui nous entourent.

J’ai plein de questions à vous poser mais le temps presse... Où en est  l’enquête sur les eurodéputés du MoDem ? Information judiciaire ouverte, on le rappelle…

… Et aucune nouvelle en tous cas, pour moi. Je rappelle que j’ai toujours dit - et je le répète devant vous - que ces accusations étaient malveillantes et infondées. Je le dis devant vous. Je crois qu’on peut dire que s’il y a une formation politique qui a respecté toutes les règles et tous les principes, cette formation politique, c’est nous. Donc, de ce point de vue là, je vous dis que je n’aie aucune information nouvelle sur ce qui a fait l’actualité il y a quatre mois.

On vous a posé la question sur votre démission. Vous avez répondu : « un léger désagrément », c’est vrai ?

Je ne vais pas vous dire que c’est forcément agréable. Mais j’ai jugé que je ne pouvais pas exercer la fonction qui m’avait été confiée, en but à de telles accusations. Et notamment à de tels mouvements de presse. Je ne pouvais pas exercer cette fonction sans mettre en danger le gouvernement auquel j’appartenais, les principes auxquels je tiens, et peut-être l’image d’une formation politique dont je répète, qu’elle a toujours respecté, plus qu’aucune autre,…

… C’est plein de sous-entendus…

… Oui, c’est l’actualité… Chez nous, il n’y a jamais eu de fausses factures. Chez nous, il n’y a jamais eu de corruption. Chez nous, il n’y a jamais eu de dépassements de comptes de campagnes. Jamais toutes ces choses. Parce que nous y avons veillé. Et donc, je dis que je ne pouvais pas, sans mettre en danger ces choses qui sont essentielles, affronter ces vagues d’accusations malveillantes, et dont j’espère qu’il sera prouvé qu’elles l’étaient absolument.

Merci François Bayrou.

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