"Ce que je porte c'est le souci de l'unité du pays pour qu'il puisse affronter l'avenir"

Invité de l'émission Le Talk sur figaro.fr ce midi, le président du MoDem est intervenu sur la question de l'organisation de la défense, et sur sa position concernant les régionales.


Monsieur Bayrou bonjour. Les arbitrages viennent d’être rendus, on apprend de la bouche de François Hollande que le budget de la défense va recevoir 3.8 milliards d’euros supplémentaires et que 18 500 postes seront préservés sur les 34 000 qui devaient être supprimés. Est-ce que cet arbitrage vous convient ?

 Que la France ne baisse pas la garde en matière de défense c’est nécessaire et de ce point de vue-là les efforts consentis sont justifiés, le monde est de plus en plus risqué, les dangers sont de plus en plus grands, et la capacité ou nécessité de maintenir les moyens d’interventions est cruciale. Voilà pour le premier point.

Pour le deuxième point, je pense qu’il y a un risque dans tout ça : qu’on ne poursuive pas l’effort de réorganisation en profondeur dont nous avons besoin. Je vais prendre un exemple simple : on a monté une opération de maintien de la sécurité à l’intérieur : de patrouilles dans les aéroports, les « sentinelles », on a monté cette opération mais on l’exécute avec les forces armées conventionnelles ce qui est très souvent un gâchis. Exemple : à Pau nous avons la principale base militaire d’hélicoptères de combats d’Europe, on envoie des personnels hautement qualifiés qui appartiennent à ces unités du régiment d’hélicoptères de combats, or ça ne devrait pas être leur travail. Vous voyez bien qu’il y a là quelque chose qui à mon sens ne correspond pas aux attentes, Il serait bien mieux de penser une défense civile.

 

C’est quoi une défense civile ?

 Aux Etats-Unis ça s’appelle la garde nationale c’est-à-dire une capacité de sécurisation de notre espace national qui ne requiert pas autant de qualification que une armée d’intervention. Et vous voyez que on pourrait être devant le risque de voir une espèce d’immobilisme se servir du besoin de personnel supplémentaire pour ne pas faire le travail de reconstruction en profondeur dont on a besoin.

 

Pour autant est-ce que vous pensez que en faisant cet effort pour les militaires  il faut faire des efforts justement d’économies ailleurs, sur d’autres postes de l’administration ?

 Oui je pense même que l’on devrait poser la question du financement de l’armée française au niveau européen. Je pense que la France joue un rôle qui est un rôle «  au nom de »…

 

Au nom de l’Europe ?

 Au nom de l’Europe en particulier. Il y a bien des interventions qui ne sont pas pour les intérêts stricts de la France, et je trouverai normal qu’il ait un soutien, une aide des partenaires européens, que nous discutions avec eux de la manière dont la force d’intervention française peut être aidée lorsqu’elle assume des missions qui sont des missions en réalité au nom de toute l’Europe.

 

Vous ne contestez pas le fait que la France soit en guerre contre le terrorisme, mais est-ce qu’elle est en guerre contre l’islamo-fascisme ?

 Je trouve que ces expressions sont excessives et très imprudentes. On mélange dans tout ça des notions qui sont absolument étrangères les unes aux autres et on utilise des mots pour exciter en réalité un certain nombre de sentiments. Qu’est-ce qu’il se passe ? C’est très simple. Il y a en réalité aujourd’hui une guerre civile, une guerre religieuse au sein de l’Islam, entre une partie de l’Islam sunnite contre une partie de l’Islam chiite, qui est un affrontement extrêmement dur, séculaire et qui prend un tour extrêmement violent. Il y a d’autre part une menace, qui devient parfois une menace criminelle et sur notre façon de voir la vie en société.

 

Vous diriez contre la société judéo-chrétienne ?

Non, je ne veux pas employer des mots de cet ordre. C’est très facile de faire flamber les sentiments. Il y a eu – en particulier ces derniers jours - des mots utilisés exprès pour faire de la stratégie électorale et pour moi cela est fait uniquement pour faire flamber un certain nombre de sentiments et ça nuit à l’avenir du pays. Le fond de ce que je pense c’est que nous avons à vivre ensemble et si vous dressez une partie de la population contre une autre partie de la population en agitant ce genre de fantasmes, vous nuisez à l’avenir du pays. Ce sont des mots d’affrontement intérieur qui fait que les gens sont regardés non plus au travers de ce qu’ils font mais au travers de ce qu’ils sont : leur religions, leurs origines, la consonance de leur nom et tout ça est pour moi extrêmement dangereux pour le pays.

 

Justement, la personne qui a prononcé ces paroles : cinquième colonne, islamo-fascisme, guerre de civilisations, c’est Christian Estrosi qui va prendre la tête de liste – d’une liste dont les contours ne sont pas encore déterminés, mais il y aura au moins l’UMP derrière lui – en région PACA. Est-ce que le MoDem sera avec Christian Estrosi ?

Je pense qu’il est de notre devoir, au nom de notre implication ou engagement, au nom d’un courant très large, qui est un courant central de réformistes, de ne pas vouloir que la France devienne un terrain d’affrontements. Je pense qu’il est nécessaire que nous présentions une autre démarche aux électeurs de cette région. En tout cas dans la période qui est la nôtre aujourd’hui, nous n’avons pour l’instant pas désigné de chef de file en PACA.

 

Avec l’UDI ?

 J’espère avec l’UDI mais je ne suis pas sûr que mes vœux soient couronnés de succès.

 

En Auvergne – Rhône-Alpes, est-ce que vous allez soutenir Monsieur Wauquiez ?

 Nous avons présenté comme candidature de chef de file un garçon qui est très bien, qui s’appelle Patrick Mignola. C’est un Savoyard, il est président de « Métropole Savoie », c’est-à-dire du rassemblement de toutes les communes et communautés qui formeront un jour une métropole autour de Chambéry. 

 C’est un garçon qui a 44 ans – donc très jeune – et qui cependant est élu depuis longtemps puisqu’il a été élu alors qu’il était encore dans ses années 20. De surcroit, c’est un chef d’entreprise et il a créé lui-même plusieurs centaines d’emploi. Au lieu de parler de l’emploi – ce qui est la préoccupation principale – lui montre qu’il fait. A la fois jeune, élu et créateur d’emplois effectifs, chef d’entreprise, il me semble que c’est un profil très intéressant.

 

Et l’UDI sera derrière lui aussi ? L’UDI est divisée.

Pour l’instant, les signes vont plutôt dans le fait que l’UDI s’interroge et se rapproche de Monsieur Wauquiez. Non pas pour des raisons personnelles, mais vous voyez bien que la présentation des choses, quand Monsieur Wauquiez a dit par exemple que cet horrible meurtre de la petite Chloé était le fait de la politique de Madame Taubira, ce sont des déclarations qui sont absolument choquantes et fausses. Vous voyez la période de pré-campagne dans laquelle nous sommes, il est de notre devoir de présenter des équipes, des personnalités, une manière de voir les choses et un projet qui répondent à l’attente de centaine de milliers d’électeurs qui ne trouvent pas leur compte lorsque la droite républicaine a des propos qui sont – entre nous – absolument du même ordre que ceux du Front national qu’ils prétendent affronter.

 

Alors on a eu PACA, on a eu Rhône-Alpes, on remonte un peu en Ile-de-France, et là en revanche, Madame de Sarnez a dit qu’il était probable, possible, que le MoDem fasse avec Madame Pécresse.

 Il y a une possibilité. Traitons toutes les régions selon le même principe, comme cela vous allez avoir votre réponse. Pour une formation politique indépendante, son droit élémentaire - sain et sacré comme disait le général de Gaulle qu’ont les peuples à disposer d’eux-mêmes – c’est d’être capable de juger s’il y a proximité avec un certain nombre de candidats ou si, au contraire, la vision des choses était très éloignée, si éloignée qu’elle obligeait à présenter une autre approche. Cela c’est le droit élémentaire. Vous m’interrogez sur l’Ile-de-France, ce que Marielle de Sarnez et Yann Wehrling – puisqu’ils sont tous les deux en binôme pour cette campagne – disent et qui me paraît frappé au coin du bon sens c’est que…

 

Madame Pécresse est mieux que Madame Jouanno ?

 Non, je ne dis pas cela comme ça. C’est que, en tout cas, Valérie Pécresse est dans cet ordre de proximité, c’est quelqu’un avec qui il n’y a pas d’affrontement sur le fond. Après, l’opportunité de savoir si l’on prend bien en compte les équipes, les apports, les équilibres, tout cela se juge mais il n’y pas, en tout cas, d’affrontement sur le fond, radical, sur la manière de voir les choses.

 

Alors, on a passé en revue trois régions mais il y a une chose qui me fascine et qui fascine beaucoup d’observateurs de la vie politique c’est que François Bayrou est l’attaque répétée de ténors de la droite UMP voire de l’UDI.

 Du ténor.

 

Il n’y a pas que lui – vous pensez à Nicolas Sarkozy. Et qu’est-ce que l’on voit pour ces élections régionales, c’est que le MoDem de François Bayrou, le plus souvent, va faire alliance avec UMP.

 Et bien, il faut que vous compreniez une chose. La majorité de ceux qui votent pour l'UMP, et même la majorité de ses élus sont des femmes et des hommes avec qui il n'est pas difficile pour nous le moins du monde de travailler. Alors en Aquitaine je cite Alain Juppé, mais je peux faire le tour des régions et en trouver un grand nombre.

Ce sont des femmes et des hommes avec qui nous vivons et travaillons tous les jours. Il n'y a pas de difficulté. La ligne de fracture est venue à partir du moment où des propos, des attitudes, des mots, ont créé des affrontements au sein du pays et ont pris le pas sur le caractère modéré de l'UMP.

Or, pour moi, au-delà de la responsabilité politique, de la responsabilité civique, de la responsabilité d'homme et même de la responsabilité de père de famille, nous avons la responsabilité de construire un pays où les gens vivent ensemble, se respectent, soient capables d'avoir des débats mais, ne soient pas en situation de haine et de détestation interne.

 Un pays – vous reconnaitrez là un terme gaulliste – c'est une unité. Vous ne pouvez pas construire un pays, surtout en situation de crise, si vous passez votre temps à le diviser et à attiser des affrontements en son sein. C'est là la ligne de fracture. C'est sur ce point qu'en effet, je me suis séparé de Nicolas Sarkozy et quelques autres qui devenaient hostiles aux choix et aux visions prises.

Le point fondamental qui a fait cette séparation, en effet rude, c'est celui là. Il y a des gens qui veulent construire leur prospérité électorale sur la culture de l'affrontement, et d'autres qui veulent construire l'avenir du pays sur une unité. Je suis de cette deuxième famille.

 

Je vais essayer de ruser un peu. En 2017, si Alain Juppé est candidat pour la droite à l'élection présidentielle, vous voterez pour lui ?

 Je n'aurai aucune difficulté à le soutenir et à travailler pour lui. Mais nous n'avons pas négocié, nous n'avons pas parlé.

 

Et si il n'est pas candidat ? Vous pourriez l'être ?

Je serais libre et j'exercerai cette liberté.

 

Mais on sait que vous ne voterez plus jamais pour François Hollande ni pour Nicolas Sarkozy.

 En tous cas, au premier tour de l'élection présidentielle j'estime que chacune des grandes sensibilités du pays doit avoir son bulletin. Je parle des grandes sensibilités au sens le plus large du terme.

Vous voyez bien que ce que je porte dans la vie politique, c'est à dire le souci de l'unité du pays, le souci de sa capacité de réforme afin d'affronter l'avenir et la volonté acharnée d'une certaine modération dans la façon dont nous vivons ensemble, sont des éléments qui doivent avoir une représentation. Pour moi c'est très important. Encore une fois, ce n'est pas une question politique mais une question civique.

 

Mais si Juppé est élu, votre sensibilité ne sera pas représentée. Elle le sera à travers Alain Juppé ?

Oui bien-sûr. Je pense que Alain Juppé, dans sa manière d'être, représente les valeurs principales de cette sensibilité. A chaque fois qu'il s'exprime, je trouve qu'il dit des choses justes. Cela aurait pu être le cas d'autres. Lorsque François Fillon s'exprime – je ne dis pas que je suis toujours d'accord avec ses idées – quand je l'entends, dans sa manière d'être, je lui reconnais une certaine compréhension.

Pour moi le plus important c'est cela : la différence entre ceux qui plaident pour l'unité du pays et sa capacité à relever les défis de l'avenir et ceux qui au contraire cherchent un succès électoral en divisant le pays en son sein.

 

C'était le Talk Figaro avec François Bayrou. Il nous a dit beaucoup de chose, la première étant de revoir la façon d'affecter le budget de l'armée et de réorganiser dans les rangs cette armée pour la défense civile ; beaucoup de chose aussi pour les régionales : M. Estrosi non, M. Wauqiuez oui, Mme. Pécresse oui pour le MoDem c'est tout à fait compatible et enfin, pour ce qui est des élections nationales à venir, M. Juppé est tout à fait « Bayrou compatible » si je puis dire, contrairement à beaucoup d'autres, suivez mon regard !

Merci François Bayrou.

 

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