"Ce n’est pas dans l’origine des êtres humains que se trouve leur avenir"

Invité d’Audrey Crespo-Mara ce jeudi matin sur LCI, François Bayrou a déploré les polémiques inutiles actuelles préférant se concentrer sur les vraies "préoccupations de la vie quotidienne des Français". "Les difficultés au travail, les difficultés avec les fins de mois, les difficultés avec l’école, c’est ça la vie quotidienne des gens !" a-t-il souligné.

Bonjour François Bayrou. 

Bonjour.

Quand la gauche va vers la droite et que la droite va vers l’extrême droite, cela devient-il difficile de rester au centre ? 

Pas du tout ! Lorsque vous avez une certitude sur l’avenir du pays, c’est très facile de la défendre. Alors, il est vrai que nous sommes dans un temps où il y a des dérives dans tous les sens, où plus personne ne s’y retrouve et où on essaye d’obséder le pays avec des questions d’importance moindre, qui ne sont pas les préoccupations de la vie quotidienne des Français. Les difficultés au travail, les difficultés avec les fins de mois, les difficultés avec l’école, c’est ça la vie quotidienne des gens !

Vous faites partie de ces Français qui ont voté François Hollande en 2012 et qui sont prêts à soutenir Alain Juppé en 2017. En quoi François Hollande vous a-t-il le plus déçu ? 

En beaucoup de choses. François Hollande n’a jamais pris la dimension de la fonction présidentielle pendant les quatre années qui viennent de s’écouler. Il faut être juste, il a été à la hauteur lorsqu’il s’est agit d’intervenir au Mali, il a pris les décisions et c’était bien qu’il les prenne. Cependant, pour ce qui est de la vie du pays, des orientations qu’on lui donne, du cap qu’il faut suivre, il n’a jamais su se définir clairement et définir avec les français où l’on allait. Il s’est constamment comporté comme le premier secrétaire du parti socialiste qui essaye de faire des accords et des compromis entre les différents courants du parti socialiste les plus éloignés de la réalité. Il n’a jamais su trancher dans le vif et les français le sentent très bien et je crois que c’est la raison pour laquelle il est dans la situation d’opinion que l’on connaît. 

Vous soutenez Alain Juppé, c’est la solidarité du grand sud ouest qui vous lie ou c’est la peur de revoir Nicolas Sarkozy ?

Il y a peut-être du fait que nous venons des mêmes régions, que nous avons suivi des parcours qui se ressemblent un peu dans les études et dans l’enracinement, dans une mairie, vous savez Bordeaux était la première ville de l’Aquitaine, Pau la deuxième.

Et la peur de revoir Nicolas Sarkozy ?

Non, je n’ai aucune peur en aucune manière. C’est la démocratie et la démocratie impose que l’on défende ses idées et ses convictions. Entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, il y a des options absolument différentes. Vous le voyez bien tous les jours, Nicolas Sarkozy a choisi de rechercher le succès électoral par la division du pays en obsédant les Français sur l’origine, sur la division, l’identité, les ancêtres.

Alain Juppé a parlé de nullité du débat politique ce matin.

Je crois que le mot est assez juste. C’est un débat politique désespérant où l’on fait croire que c’est dans l’origine des êtres humains que se trouve leur avenir. Je suis évidemment, comme beaucoup, très en réserve ou en réticence par rapport à ce choix. 

Dans la famille des ancêtres gaulois, où vous situez-vous ? 

J’ai des ancêtres qui sont plutôt des Wisigoths, aux pieds des Pyrénées, les Béarnais ont une identité très forte ! Plus sérieusement, vous voyez bien ce que cela signifie : pour définir l’identité de la France – à condition qu’il y ait besoin de le faire - on ne regarde pas vers l’avenir, on regarde vers le passé, l’origine. Cela devient une obsession. Dire « vous, vous n’êtes pas Français car vous avez gardé le souvenir de vos origines » est d’une stupidité crasse et c’est surtout complètement régressif. Il y a là une névrose, comme diraient les médecins. Il y a là quelque chose qui touche à l’origine. 

Pensez-vous que Nicolas Sarkozy soit névrosé ? 

Nicolas Sarkozy sait très bien ce qu’il fait, il cherche des voix pour la primaire ! Vous connaissez le jugement que je porte sur la primaire, il n’est pas très positif. Il cherche des voix pour la primaire car il a compris une loi électorale que Donald Trump a également très bien comprise aux Etats-Unis : c’est en disant les choses les plus choquantes que l’on fait des voix, parce que ça excite.

Est-ce le Trump français ? 

Je ne dis pas cela ! Certes, il y a évidemment parallélisme. Vous voyez bien que cette stratégie excite ce que les gens ont en eux, de rancœur, de colère. Il pense que c’est avec ce sentiment qu’il va gagner la primaire. C’est une démarche électorale et c’est surtout une démarche qui ne sert pas l’avenir du pays. 

Vous soutenez Alain Juppé mais vous n’allez pas voter à la primaire. Est-ce un demi soutien ?

Pas du tout, c’est un soutien complet par tous mes amis mais si j’allais en tant que responsable politique voter à la primaire, cela voudrait dire que j’en accepterais le résultat à l’avance. Or, il se trouve que je ne soutiens qu’Alain Juppé. 

Vous pouvez soutenir Alain Juppé, regretter que ce soit Nicolas Sarkozy le vainqueur et ensuite y aller !

Non, cela serait invivable ! Si vous êtes simple citoyen, vous avez votre liberté car en France il n’y a pas de mandat impératif. Mais lorsque vous êtes un responsable politique, c’est différent. Mon choix est donc de dire « si Alain Juppé est choisi à la primaire je le soutiendrai, je lui apporterai mon aide, et je ferai en sorte qu’il soit élu. Mais si Nicolas Sarkozy gagne, je prendrai mes responsabilités ». 

Dans ce cas, irez-vous ? 

Nous en reparlerons ensemble. 

Une candidature pourrait réduire votre espace politique. À Emmanuel Macron - à qui vous envoyez un direct du droit -, vous dîtes « il est le candidat des forces de l’argent ». Il crée la zizanie chez les centristes.

Non pas du tout !  

Jean-Christophe Lagarde lui tend la main mais vous, vous avez dit que tant que vous serez là, il n’y aura pas d’OPA sur le centre.

C’est exactement cela. Le centre est une famille politique qui a une vision originale de l’avenir. Depuis l’élection de François Hollande, elle a notamment mis en cause la politique économique qui a été suivie et qui donne des résultats désastreux. Or, l’inspirateur de la politique économique pendant les deux premières années et le responsable direct au ministère de l’Economie pendant les deux années suivantes est monsieur Emmanuel Macron. Donc vouloir ou accepter l’idée que monsieur Macron pourrait proposer autre chose que ce qui a été suivi pendant ces quatre dernières années, ce serait faire preuve d’une naïveté excessive. D’autre part, quand vous regardez la manière dont tout cela est organisé, vous voyez là un projet de société qui ne correspond pas au nôtre. Je l’ai dit parce qu’il était nécessaire qu’il n’y ait aucune ambiguïté. 

Beaucoup de français sont déboussolés, Juppé, Hollande, Sarkozy, Le Pen, c’est ça l’avenir de la France ? 

Je pense qu’Alain Juppé propose une attitude politique différente. Il est le seul qui ait pris de la distance à l’égard des appareils de parti. D’ailleurs les appareils de parti lui rendent bien. C’est parce qu’il a pris cette distance qu’il peut proposer une démarche de rassemblement ce qui pour moi est vital.

Le MoDem fait sa rentrée dans le Morbihan ce week-end. Dans le dernier baromètre Paris Match, vous êtes la deuxième personnalité préférée des Français, juste derrière Alain Juppé. Mais sur qui comptez-vous vous appuyer si vous êtes candidat à la présidentielle ? Jean Lassalle, qui vous était très fidèle, fait cavalier seul. Être libre, est-ce être seul ?

Sûrement pas. Les enquêtes que vous venez de citer montrent qu’il y a un très fort soutien dans l’opinion publique française à une proposition politique différente de celle des deux grands partis qui exercent le pouvoir depuis 30 ans. L’équipe qui soutient cette volonté pour le pays existe, elle est plus soudée qu’aucune autre équipe et parmi les élus, elle est forte ! Simplement, depuis très longtemps, le centre a renoncé à exister mais il ne demande qu’à renaître ! Partout dans le pays, il y a des responsables qui se retrouvent dans cette vision et je dis que le centre existera et gouvernera la France le jour où il acceptera d’être uni et indépendant. Aujourd’hui, la plupart de ces responsables se retrouvent autour d’Alain Juppé. Ils retrouvent là une possibilité, une compatibilité pour changer la vie politique française. C’est une force, simplement c’est une force qui ne s’est pas révélée depuis longtemps !

Jacques Chirac est toujours hospitalisé. Vous avez été son ministre de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur pendant deux ans. Vous êtes j’imagine affecté par ce qui lui arrive.

C’est très émouvant. Vous voyez cet homme qui a été une force, qui a renversé les obstacles, qui a occupé les plus hautes fonctions, qui a été sous le feu des projecteurs pendant 30 ans et qui tout d’un coup se retrouve dans la fragilité d’un homme malade et dans un temps d’inquiétude. Toute sa famille est prise dans ce maelström. Je pense beaucoup à Claude Chirac qui traverse toutes ces épreuves.

Au-delà de vos divergences ancestrales, que saluez-vous en Jacques Chirac ?

Je salue deux choses. La première c’est qu’il a toujours été soucieux de l’unité du pays. Peut-être pas assez : vous savez qu’il a regretté dans un livre de ne pas avoir suivi l’option que j’avais proposée en 2002 de faire l’union nationale. Mais il a constamment été soucieux de l’unité de la société française. Il n’a jamais voulu entrer dans cette manière d’attiser les détestations. Je salue une deuxième chose : ce qu’il a fait au moment de la guerre en Irak. Je suis monté à la tribune contre beaucoup de mes amis pour dire qu’il avait raison de s’opposer à la guerre en Irak et je lui ai apporté un soutien sans faille alors que beaucoup étaient tentés par un alignement sur les Américains. Ce jour-là, en manifestant l’indépendance de la France, il a servi l’intérêt du pays. 

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