"Aujourd'hui, l'UMP et le PS sont morts, même s'ils ne le savent pas"

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Dans un entretien accordé au magazine Le Point paru aujourd'hui, François Bayrou a plaidé pour la constitution d'une "majorité réformiste et républicaine, constituée autour d'un arc central", seule majorité possible pour sortir de l'impasse dans laquelle le pays se trouve.

Manuel Valls déplore que François Hollande ne vous ait pas tendu la main en 2012. Le Président a-t-il raté une occasion ?

Le moins qu’on puisse dire, c’est que les occasions ratées sont nombreuses dans ce mandat. L’alternance de 2012 a été voulue par les Français parce que les tensions dans la société prenaient un tour dangereux. Mais, deux ans et demi après, on est à nouveau dans une impasse. Le Président et son gouvernement n’ont plus de soutien dans l’opinion. Leur fragilité empêche que soit conduite la politique courageuse et sérieuse dont la France a besoin. La Gauche est en guerre civile. Mais dans l’opposition, ce n’est pas mieux ! C’est la vie politique française dans son ensemble qui est décrédibilisée. Chaque semaine apparaît une affaire nouvelle, comme le rocambolesque épisode Jouyet-Fillon. Tout cela ne peut pas durer. Il faut un changement fondamental qui passera nécessairement par un retour au peuple, probablement par une dissolution.

Quelle majorité doit, selon vous, être au pouvoir demain ?

Ce qui est ruiné, fini, vidé, c’est une vie politique qui se résume au camp contre le camp. Car les camps n’existent plus ! La droite est confrontée à la vague d’extrême-droite. Et la gauche est coupée en deux, avec une fracture qui passe à l’intérieur du PS. Dès lors, tout parti qui veut gouverner seul se retrouve avec contre lui toute l’opposition, plus la moitié de son camp ! On découvrira un jour qu’il n’y qu’une majorité possible, une majorité réformiste et républicaine, constituée autour d’un arc central. Mais une telle perspective suppose que l’on tourne la page des pratiques des deux partis qui se sont partagés le monopole du pouvoir depuis plus de vingt ans.

Quels sont les critères pour faire partie de cette majorité réformiste que vous appelez de vos vœux ?

Il faut d’abord assumer que les problèmes de la France ne viennent pas de la globalisation, de l’Union européenne, de l’Allemagne ou de l’euro mais bien de nous. Ce n’est la faute de personne si nous avons un système éducatif qui ne marche pas, si les normes incompréhensibles prolifèrent, si notre Etat est paralysé et si nous avons laissé filer notre dette. Le destin de la France est bien dans la construction politique de l’Europe. Sortir de l’Europe, comme le proposent les extrêmes, provoquerait la pire catastrophe depuis la guerre. Et puis, il faut une refondation profonde de nos institutions.

Une Vie République ?

Au minimum une refondation de la Ve. Personne ne supprimera l’élection présidentielle au suffrage universel. Mais il faut que les majorités puissent être larges et souples, et la représentation des Français équitable. Cette nouvelle pratique fera naître une vie politique différente qui permettra à des gens d’accords sur le fond de travailler ensemble au lieu d’être obligés de s’opposer sans fin. Et cela changera les mœurs internes des partis. Aujourd’hui, l’UMP et le PS sont morts, même s’ils ne le savent pas. L’UMP se déchire à qui mieux mieux en guerres de personnes et de courants, et le PS est devenu un parti nomenclaturiste, où les carrières se font par des embauches à l’intérieur de l’appareil. C’est tout cela qu’il faut renverser. Et donc la loi électorale.

Donc instaurer une dose de proportionnelle pour les élections législatives…

Oui, bien sûr. C’est le mode de scrutin de l’Allemagne depuis la guerre. Et c’est devenu la règle de tous les pays européens sur le continent, sans exception. C’est la clé pour que des coalitions puissent se former, pour que les politiques de réforme avancent.

Donc, vous allez faire entrer massivement le Front national à l’Assemblée, et même l’extrême gauche…

Si les Français votent pour le FN, ce parti doit être représenté. Idem pour l’extrême gauche. Ce n’est pas en se voilant la face qu’on résout les questions, et particulièrement pas les questions dangereuses que posent les extrêmes et les populismes. Les partis modérés seront obligés de regarder en face aussi ce qui les unit plutôt que ce qui les divise.

Gouvernement de coalition, proportionnelle… L’Allemagne vous inspire ?

Un jour, j’ai demandé à Helmut Kohl pourquoi, en Allemagne, il y avait une telle ambiance démocratique, des ententes, des fondations qui réfléchissaient. Il m’a répondu : « Nous, Allemands, avons payé assez cher la faute d’avoir des institutions déséquilibrées. Nous avons failli y laisser notre pays, nous y avons laissé notre honneur. Alors, dans les années noires, des gens sérieux ont réfléchi, ils ont fait de bons choix et nous y sommes fidèles. » Ne cherchez pas ailleurs la force politique de l’Allemagne.

Mais la Ve République est un régime stable…

Non. Les gouvernements ont une apparence de stabilité. Mais le perpétuel balancier, barre à droite, barre à gauche, échec partout, nous a conduits où nous sommes. Le président a beau avoir tous les pouvoirs, il est complètement paralysé ! Quand nul ne peut plus agir, c’est bien que quelque chose ne va pas.

Dans votre parcours, vous avez plusieurs fois manqué l’occasion de faire partie d’une majorité allant au-delà des partis. Vous n’avez pas soutenu Jacques Delors quand il hésitait à se lancer pour 1995 et vous avez refusé la main tendue de Ségolène Royal en 2007. Avez-vous des regrets ?

Si quelqu’un en France a pris des risques pour dépasser les frontières politiques et en a assumé les conséquences, je crois être celui-là. Mais les esprits n’étaient pas mûrs. Jacques Delors a renoncé à se présenter parce que, c’est sa phrase, « il ne pouvait avoir les moyens politiques de son action ». En résumé, sa politique était en contradiction avec celle de son parti. Et on vérifie aujourd’hui à quel point il avait raison. Il y a d’ailleurs une autre occasion manquée, encore plus grave : en 2002, Jacques Chirac a gagné la présidentielle avec 82 % des voix face à Jean-Marie Le Pen. Toute la gauche a voté pour lui. J’ai plaidé devant lui pour qu’il fasse un gouvernement d’union nationale. Il m’a dit : « Tout ça, c’est des conneries ! Je vais faire le parti unique ! ». Cela m’a révolté. Et j’ai été intéressé de lire dans ses Mémoires qu’il reconnaissait cette erreur. Bien des choses auraient changé.

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