Affaire Barbarin: "Je n'ai aucune sorte d'indulgence"

"La pédophile est un crime (...) parce que ça laisse des blessures à vie. Et pour ma part je n'ai aucune sorte d'indulgence à l'égard de ceux qui couvrent ou acceptent ce genre de dérive" a déclaré ce matin François Bayrou, président du MoDem au micro d'i>Télé.

François Bayrou est l’invité d’i>Télé ce matin.

Bonjour.

Le printemps arrive mais c’est surtout la saison des candidatures à la présidentielle. Nathalie Arthaud, Nicolas Dupont-Aignan hier soir, Nathalie Kosciusko-Morizet il y a quelques jours à droite et vous quand est-ce ?

Je n’aborde pas les choses de cette manière, l’élection présidentielle est une élection sérieuse, importante. C’est le seul moment où le pays choisit son avenir en élisant celui ou celle qui le portera. Cette floraison de candidatures comme des champignons ne me paraît pas à la hauteur de l’évènement. Par ailleurs, c’est très frappant, je ne sais si vous vous rendez compte mais ceux qui vous écoutent et que l’on rencontre se détournent de cela. Ils ont l’impression que ce n’est pas à la hauteur de ce qu’ils vivent.

Vous avez été trois fois candidat à la présidentielle. J’ai vérifié, vous avez en général annoncé votre candidature tardivement, plutôt à l’automne, voire l’hiver précédent l’élection. Vous avez obtenu un peu plus de 18 % en 2007. J’aimerais savoir même si c’est trop tôt pour vous, pour votre calendrier personnel, pour votre objectif. Le fait que personne ne se détache aujourd’hui, et que cette présidentielle de 2017 soit floue, cela vous fait-il réfléchir?

C’est une échéance, un enjeu auquel tous les citoyens doivent réfléchir. Vous y réfléchissez, j’y réfléchis, et beaucoup y réfléchissent parce qu’on sent bien que là il y a un point d’inflexion. Le choix que j’ai fait est un choix de rassemblement. S’il est possible de trouver une candidature, une personnalité qui puisse permettre de travailler avec des gens différents et de les entraîner, de les rassembler, alors je considère que c’est mieux. 

De quoi sommes-nous en train de souffrir, et comme disent certains de mourir si on ne fait pas attention ? On a un antagonisme complètement artificiel dépourvu de tout sens entre une étiquette qu’on appelle droite et une étiquette qu’on appelle gauche. Alors même que l’affrontement de ces deux étiquettes nous a conduits dans le mur, nous avons quarante années derrière nous de cet affrontement, présenté comme sans merci. Désormais sans aucun sens, et cela nous a conduits dans l’impasse et la stagnation du pays. Je souhaite qu’on dépasse cet antagonisme, et s’il y a une personnalité qui peut le faire alors c’est bien. C’est à cela que je réfléchis avec une deuxième chose : la manière de gouverner la France.

Pas seulement depuis 2012 ?

Pas seulement depuis 2012, mais il faut réfléchir aussi à la signification d’appartenir à un pays, une nation. Que faisons-nous ensemble, nous qui nous appelons France ? Quelle est la signification de notre identité ? Quel est notre projet national ? Comment allons-nous élever les enfants ? Ceci est une partie très importante de la question qui se pose. 

Vous n’avez pas cité Alain Juppé ?  

Si, lorsque je parle d’une personnalité qui soit capable de rassembler, c’est à lui que je pense. 

Vous vous êtes croisés au Salon de l’Agriculture, vous lui avez dit « on s’appelle ». Je me suis inquiété, je me suis demandé si vous aviez bien son numéro quand même ? 

On travaille ensemble et on réfléchit ensemble. 

Plus sérieusement, je voulais vous poser des questions sur le travail que vous faites ensemble. Êtes-vous en contact régulier ? Pas seulement pour prendre des nouvelles... Participez-vous à l’élaboration de son projet ? Est-ce une réflexion commune - comme une sorte de colistier - ce qui n’existe pas en France ? 

À la question précise "Est-ce que vous voulez faire un ticket avec Alain Juppé ?", ma réponse est non. Il n’y a pas de ticket dans la Vème République et la seule fois que où ça a été essayé, croyez-moi cela a été une telle catastrophe…

Ça remonte…

Cela remonte à 1969, c’était Mendès France et Deferre, vous vous souvenez. Dieu sait que je n’ai aucune intention d’entrer dans cette idée de ticket, cela n’existe pas. En revanche, ce que je peux lui apporter comme vision différente, comme manière de penser l’avenir, un angle qui n’existe pas dans l’affrontement politique habituel, je le ferai avec plaisir, avec conscience. 

Avant de passer à l’actualité de ces dernières heures, juste un mot sur Jean Lassalle, c’est votre ami... 

Tout ça participe d’une agitation...

Député des Pyrénées-Atlantiques, ça a surpris un peu tout le monde. 

Votre phrase suffit.

Vous ne voulez pas commenter ?

Non, je fais la différence entre l’amitié qui est ancienne et réelle et des prises de position qui sont individuelles et qui sont des affrontements dépassés, des rancunes à l’égard d’Alain Juppé pour des élections régionales et qui ne ressemblent pas à ce que je crois nécessaire pour le pays. Quand on est dans la situation dans laquelle le pays se trouve, il faut prendre la mesure des enjeux. 

D’après les informations d’i>Télé, deux personnes, deux fugitifs sont recherchés ce matin à Bruxelles, après l’opération de police franco-belge hier qui a abouti à la mort d’un des suspects et à ce que quatre policiers soient blessés. Le gouvernement de François Hollande et de Manuel Valls sur cette question fait-il au mieux ou peut-on mieux faire sur cette question?

Ce sera un sujet commun entre tous ceux qui se présenteront. Je ne crois pas qu’il y ait des candidatures qui proposeront de faire moins. Tout le monde, et même le gouvernement actuel, essaye de faire au mieux, donc je crois que ce sera le cadre mais sans que cela soit un sujet de clivage.

Deuxièmement, le gouvernement fait-il au mieux ? Oui, je pense que le gouvernement fait ce qu’il peut faire, comme le gouvernement précédent faisait tout ce qu’il pouvait faire et à ce titre je soutiens la modification constitutionnelle sur l’état d’urgence. La deuxième partie de cette modification me paraît mal partie, parce qu’apparemment le Sénat va voter un texte qui ne sera pas le texte de l’Assemblée, donc le texte ne sera pas adopté. 

Sur la déchéance. 

J’ai l’impression que tout cela va se terminer dans une impasse. 

Sur la loi travail, que vous inspire les concessions qui ont été faites par Manuel Valls en début de semaine.

J’ai un soulagement, parce qu’il faut aussi voir ce qui aurait pu être pire. On s’engageait dans la super taxation des contrats à durée déterminée. Je veux rappeler qu’il y a aujourd’hui entre 80 à 90 % des contrats, d’après les statistiques, qui sont signés en CDD. C’est donc dire que l’idée d’hyper taxer les CDD aurait été exactement à l’encontre des perspectives du texte. Cela voulait dire moins de souplesse et un coût du travail plus élevé. Heureusement le gouvernement a échappé à ça. Pour le reste, c’était un texte qui voulait être un signal afin de rassurer et pour créer des emplois. Il ne le sera pas. L’idée que l’on puisse donner des garanties en cas de rupture en raison des circonstances des contrats de travail n’a pas été retenue. Ce sera finalement un barème indicatif.

Est-ce une reculade selon vous ?

Bien sûr, tout le monde voit bien qu’il y a eu une reculade. Je suis par ailleurs en désaccord avec la partie du texte qui concerne les heures supplémentaires. Moi, je suis pour que les heures supplémentaires soient payées plus chères aux salariés et la prime de 25% liée aux heures supplémentaires me paraît la moindre des choses. On aurait très bien pu - et c’est la proposition que je fais - faire que cette prime soit pour l’entreprise effacée par une baisse à due proportion des charges sur ces heures supplémentaires.

Est-ce que cela montre que l’on est - une fois encore - dans un pays impossible à réformer ?

Absolument pas ! Peut-être est-ce une déclaration d’optimisme de ma part ! Il a manqué deux choses à la préparation de ce texte, qui sont la clef pour toute réforme : de la pédagogie, qui aurait dû être assumée par celui dont c’est la fonction qui est le président de la République. François Hollande aurait dû venir sur vos chaines pour dire « voilà la situation comme elle se présente, je ne peux pas laisser le pays comme cela, voilà les propositions que je vais faire.  Cela appartient aux grandes orientations du pays. La deuxième chose est que l’on a mis trop de sujets dans une loi. Le texte fait plus de cent pages ! Comment voulez-vous qu’il ne s’y glisse pas des motifs de mésentente et de désaccord ? Et la troisième chose - vous savez bien qu’elle est pour moi fondamentale et très importante pour l’avenir - c’est qu’il n’y a pas la majorité pour porter des réformes de cet ordre. Il n’y a pas le système politique qui permet  à la partie du pays qui s’accorde sur les réformes de travailler ensemble. Il y a une majorité cachée, dissimulée, clandestine, qui voudrait qu’un certain nombre de réformes avance mais elle est coupée en deux, en trois, en quatre donc elle ne peut pas travailler !

Êtes-vous d’accord avec le geste significatif qui va être fait pour les fonctionnaires ?

Cela fait six ans que le point d’indice des fonctionnaires n’a pas été revalorisé. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu des progressions individuelles, mais le point de référence ne l’a pas été. Il est donc légitime qu’il le soit. Le problème, c’est que l’on n’a pas fait les efforts de gestion nécessaire pour avoir les moyens de le financer et tout à l’heure votre chroniqueuse disait à juste titre que cela va créer de très grandes difficultés puisque l’on va devoir financer encore par des impasses ce qui est après tout normal. Les salaires du privé ont augmenté pendant ce temps-là de manière normale et suivant l’inflation, les salaires du public ont été bloqués.

La candidature et la voie royale tracée par Donald Trump interrogent tout le monde. Est-ce quelque chose qui vous inquiète et est-ce quelque chose de révélateur selon vous ?

C’est révélateur de deux choses : la première est que c’est révélateur d’une rupture de la société américaine. Toutes les sociétés contemporaines ont une espèce de gouffre qui s’est creusée entre le haut et le bas : le haut économiquement très à l’aise et une grande base qui elle est très en difficulté. Que l’on accepte des politiques d’inégalités sans cesse croissantes avec l’idée qu’il y a des locomotives qui tirent les trains et qu’il faut que ceux là soient très bien traités et que les autres doivent rester dans leurs difficultés. Cette idée là est une idée meurtrière pour une société. La deuxième est que le système politique incarné par les primaires donne le pouvoir aux plus durs dans chaque camp. Vous reconnaîtrez là deux inquiétudes que j’ai pour la France.

À côté de Trump et de Petry, Marine Le Pen passe presque pour une enfant de coeur, non ?

Je ne crois pas du tout. Ce n’est pas le sujet. Le sujet est : est-ce que les idées propagées, les arrière-pensées insinuées ou les solutions avancées sont bonnes pour le pays ? Ma réponse est que c’est catastrophique ! Et quels que soient le poids et le nombre de ceux qui mènent à ces solutions-là, pour ma part en tout cas, j’essaierai de les réduire.

Le dernier sujet est un scandale qui pose beaucoup de questions, c’est l’affaire qui secoue l’église catholique et en particulier Monseigneur Barbarin qui est le cardinal de Lyon. Quel est votre sentiment sur cette affaire ?

Mon sentiment est simple : la pédophilie est un crime. Exposer des jeunes enfants, les mettre en situation d’accepter des atteintes sexuels de la part d’adultes, a fortiori d’adultes responsables - que ce soit des prêtres, des enseignants, des moniteurs, des maîtres-nageurs, il y en a beaucoup de cet ordre-là. C’est un crime, il n’y a pas d’autres mots, parce que cela laisse des blessures à vie. Pour ma part, je n’ai aucune sorte d’indulgence à l’égard de ceux qui couvrent ou acceptent ce genre de dérive.

Est-ce que l’Église joue son rôle ? Est-ce qu’il n’y a pas une espèce de chape de plomb au-dessus de ces affaires qui éclatent des années et des années après ?

J’espère que l’Église prend ses responsabilités et que la justice est là pour l’obliger à les prendre, comme toute institution ! C’est une loi juridique, c’est une loi pénale, une loi morale. C’est des enfants que l’on abandonne, que l’on a abandonnés pendant trop longtemps et j’espère que ce sera de moins en moins le cas dans l’avenir.

Faites-vous un lien entre ces affaires de pédophilie dans l’Église et le célibat des prêtres ? Est-ce lié selon vous ?

Non. Il y a beaucoup d’autres corporations où ce genre de fait a lieu sans que leur coupable ne soit exposé au célibat. L’exercice de la sexualité et la déviation de la sexualité ne sont pas la même chose. 

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