"Prenons les problèmes les yeux dans les yeux et répondons-y tous ensemble!"

François Bayrou a tenu une réunion publique à Nancy, mercredi 21 mars, face à 1.200 personnes.

"Mes chers amis, d'abord une bonne nouvelle, je vérifie en arrivant devant vous que, dans cette salle, le centre est beaucoup plus nombreux que la gauche et la droite, pourtant dignement représentées…

Merci de m'avoir attendu. La raison pour laquelle j'ai ces minutes de retard, c'est que j'ai voulu assister aujourd'hui à l'hommage solennel rendu à Montauban aux trois militaires qui ont été assassinés.

Je trouvais que c'était un moment, pour la Nation, de solidarité nécessaire, un moment d'émotion où les responsables politiques sont apparus rassemblés, ce qui était pour moi une très importante chose. Il y avait beaucoup d'émotion, de retenue dans la manière dont les uns et les autres ont voulu assister à cet événement, à cet hommage. J'ai pensé que vous accepteriez que j'aie ces quelques minutes de retard. C'était important pour notre pays.

Permettez-moi de vous dire ma gratitude d'être venus assister à cette rencontre. Permettez-moi de dire ma gratitude à Nathalie Griesbeck, Députée européenne, qui vous a accueillis.

Je veux saluer Christian Namy, Sénateur et Président du Conseil général de la Meuse. Je veux saluer Yves Detraigne, Sénateur de la Marne. Je veux saluer Marcel Deneux, Sénateur de la Somme. Je veux saluer Philippe Folliot, qui m'a accompagné toute la journée, Député du Tarn, et je veux saluer mes amis Jean-Marie Beaupuy, qui a été Député européen de cette région, et Yann Wehrling, notre porte-parole. Les nombreux Conseillers généraux et Maires présents dans cette salle me pardonneront de ne pas les citer tous…

Notre pays vient de vivre des moments qui ont été extrêmement éprouvants, qui ont frappé les esprits et les cœurs.

Le fait que nous puissions, en France, rencontrer le drame qui s'est produit, les attentats qui se sont produits, j'allais dire presque à l'aveugle, avec la volonté de tuer avec préméditation, d'abord des soldats -on le sait aujourd'hui parce que l'armée française est engagée sur une série de théâtres d'opérations dans le monde- puis après hélas et plus dramatique encore des enfants et même de très jeunes enfants, simplement parce qu'ils étaient juifs, et cela au nom d'une idéologie. Cela a été, pour toute la France, un choc.

Naturellement, la France a poursuivi son travail, ses activités, mais cela a été, pour tous les esprits, un très grand choc et, pour la vie publique de notre pays, un moment important. On est aujourd'hui à l'épilogue, en tout cas j'espère que dans les minutes qui viennent on sera à l'épilogue de ce drame et de cet épouvantable forfait.

C'est un moment dont je voudrais, dont je demande que les responsables politiques se souviennent, dans la campagne électorale qui va reprendre, qui en réalité, n'a jamais vraiment cessé à voir les écrans, mais qui va reprendre de manière ouverte, je demande que les responsables politiques se souviennent des événements que nous avons traversés et qu'ils en tirent la détermination que le ton de la campagne électorale change et que le fond de la campagne électorale change aussi.

Deuxième message, que l'on accepte enfin de regarder en face les problèmes du pays, les problèmes les plus graves, ceux qui se posent à toute notre nation et à toutes les familles qui le forment, à tous les citoyens français.

Voyez-vous, j'ai une grande différence avec les autres candidats à cette élection et, lorsqu'on aperçoit cette grande différence, alors on mesure que, d'une certaine manière, la direction à prendre n'est pas la même.

La France connaît une crise comme elle n'en a pas connu depuis soixante ans. J'estime que la situation du pays aujourd'hui est du même niveau de défi et d'exigence qui a été celui des années 1957 - 1958. Il y a d'ailleurs un très grand nombre de ressemblances. Par exemple, en 1957 - 1958, avant le retour du général de Gaulle au pouvoir, notre pays est surendetté. Dans ces années-là, les plus anciens s'en souviendront, tout le monde insiste sur le fait que la France va faire ses fins de mois à Washington, au Fonds Monétaire International, que l'on est obligé d'aller chaque mois chercher de quoi payer les salaires des fonctionnaires et les retraites. Et si l'on regarde l'état d'endettement de notre pays, on n'en est pas loin.

Dans ces années 1957 - 1958, la France connaît un déficit de son commerce extérieur sans précédent. Et le général de Gaulle le traduit, comme j'essaie modestement, sans du tout comparer l'importance historique de ce grand homme avec notre propre engagement, le général de Gaulle essaie chaque fois qu'il parle d'expliquer au pays qu'il est impossible de continuer si on est tous les mois obligés d'acheter plus que l'on ne vend. C'est l'expression exacte qu'il utilise.

Et vous connaissez les chiffres pour la France aujourd'hui : le commerce extérieur de notre pays s'est effondré en sept ou huit ans de manière à battre aujourd'hui tous les records et d'atteindre la somme astronomique de soixante-dix milliards. Soixante-dix milliards, c'est une expression qui passe vite comme cela, mais soixante-dix milliards c'est, je le dis comme défenseur du calcul mental, soixante-dix mille millions d'euros que l'on prend dans les ressources de notre pays, soixante-dix mille millions d'euros qui sont l'équivalent du salaire annuel, charges comprises, de trois millions de Français. Et ne cherchez pas plus loin le chômage… Cela s'est dégradé en quelques années.

C'était la même situation en 1957 ou 1958. Et naturellement, l'influence de la France, on dirait aujourd'hui la notation de la France, en souffrait immensément et la perte de confiance du pays dans ses responsables politiques, dans le fonctionnement de ses institutions était profondément atteinte. C'était la situation dans ces années-là.

Eh bien, c'est la situation de la France aujourd'hui et cette situation impose un diagnostic. Le diagnostic que font les autres candidats à cette élection présidentielle et mon diagnostic ne sont pas les mêmes. Ce que disent les autres, c'est que la crise vient de l'extérieur. Tous, à leur manière, expliquent que la crise vient d'ailleurs. Ils disent que, pour les uns, c'est le capitalisme international qui est responsable ; les autres disent : c'est les banques ; les autres disent : c'est la finance. On ne sait pas très bien qui est la finance, mais enfin c'est un mot que l'on peut utiliser pour le mettre ainsi comme cible. Les autres disent, c'est l'Europe ; les autres, c'est l'euro ; les autres, c'est l'immigration. Et ainsi, on va constamment chercher des responsables à l'extérieur du pays.

Et moi je vous dis : la crise vient de nous, des erreurs que nous avons accumulées au travers des années et qui font que notre pays se trouve incapable de répondre aux défis auxquels répondent tous les pays du même niveau qui nous entourent. C'est cela la question.

Et permettez-moi de le dire, ce n'est pas pour des raisons extérieures que nous n'arrivons plus à apprendre à lire à nos propres enfants. Nous avons connu un temps où la France, j'y reviendrai, avait la meilleure éducation du monde, où l'on venait de partout pour se former dans l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur français. Et l'an dernier la France s'est classée parmi les nations du même niveau, sur 35, au 24ème rang pour la compréhension de l'écrit, au 25ème rang pour le calcul, et sur 35 toujours au 34ème rang pour les inégalités scolaires. Ce n'est de la faute de personne, c'est notre propre responsabilité !

Et ce n'est de la faute de personne si nous avons perdu, secteur après secteur, la grande capacité de production de notre pays, grand pays industriel, grand pays de recherche, capable de faire des satellites, capable de faire de l'aéronautique, capable de bâtir les plus beaux avions de la planète, capable de construire les plus beaux hélicoptères, dans mon village, et incapable de suivre dans le domaine de l'équipement de la maison, souffrant beaucoup dans l'automobile qui a été un de nos fleurons, par une série d'erreurs de stratégie dont il suffit, pour prendre la mesure, de regarder une comparaison entre les deux grandes entreprises automobiles européennes, Renault pour la France, Volkswagen pour l'Allemagne, toutes les deux avec capitaux publics. Eh bien, il y a sept ans, car la dégradation a été très rapide sur ces dernières années, Volkswagen produisait en Allemagne, sur le sol allemand, 1 200 000 voitures par an. Renault produisait sur le sol français 1 200 000 voitures par an. On était là en 2005. Et cette année, en 2012, Renault produira sur le sol français 440 000 véhicules, on a divisé par trois le nombre de véhicules produits sur notre sol, et Volkswagen avec la même monnaie, les mêmes salaires et les mêmes conditions de la mondialisation, produira sur son sol non plus 1 200 000 mais 2 200 000 véhicules. Multiplié par deux de l'autre côté du Rhin, divisé par trois de ce côté du Rhin.

Il n'y a aucune raison extérieure qui explique cette difficulté et ces dégradations autre qu'un climat qui s'est créé en France, avec un certain nombre d'erreurs, peut-être une vie sociale qui n'est pas la même, des dialogues sociaux dans l'entreprise qui ne sont pas les mêmes, peut-être un poids plus efficace des autorités allemandes sur la direction de l'entreprise, peut-être des erreurs de stratégie, des positionnements de produits. Enfin, mille raisons peuvent probablement être avancées. Mais il n'y a pas de cause extérieure. C'est chez nous que cela se joue, et la dégradation que nous avons vécue dans notre pays est due à des accumulations de petites erreurs et peut-être de grosses fautes au cours des dix ou quinze dernières années. Je veux même remonter plus loin, je veux bien accepter l'idée que c’est gouvernement de gauche après gouvernement de droite et que tout le monde a, dans ces fautes et ces erreurs, une part importante de responsabilité.

Je n'ai pas approuvé les orientations des cinq dernières années. Je n'avais pas davantage approuvé les orientations antérieures. J'ai toujours pensé par exemple que les 35 heures avaient été une erreur, et en tout cas mal faites, mal proposées, mal instaurées dans la société française et dans les services publics, je pense à l'hôpital en particulier. Une série d'erreurs et de fautes.

Mais dire que la situation de notre pays est due à une série d'erreurs et de fautes qui ont été commises chez nous, malgré des avertissements nombreux, permettez-moi de dire que sur l'endettement de notre pays et le déficit et la dette, j'ai été en première ligne pour avertir les Français et les gouvernants de la catastrophe qui était en train de se produire. Et nous avions raison. Et c'est parce qu'on ne nous a pas écoutés que l'on est dans la situation qui est celle de notre pays aujourd'hui. Et dans bien des secteurs, les gouvernants savaient.

Mais dire c'est une série de fautes qui ont été faites sur notre sol par nos gouvernants ou même par la société civile qui est la cause de la situation dans laquelle nous sommes, ne vous trompez pas, c'est un message rude, mais c'est un message extraordinairement optimiste. Parce que si c'est chez nous que les erreurs ont été faites, alors elles sont corrigeables. Cela dépend de nous, cela dépend de notre volonté nationale, cela dépend de nos choix !

Si en revanche il faut attendre, avant de relever le pays, de voir renverser le capitalisme international, prendre le contrôle des banques mondiales, ou bien voir l'Europe renoncer à être ce qu'elle est, ou bien voir l'euro disparaître pour retourner au franc, si c'est cela la condition préalable au redressement du pays, alors vous allez attendre longtemps avant de voir le redressement du pays !

Le message le plus responsable, c'est donc le message le plus optimiste, et c'est celui-là que nous portons devant les Français. C'est une grande différence avec tous ceux qui nous entourent, outre le fait que nous traitons des vraies questions alors qu’ils refusent même d'en discuter.

Les derniers mois ont été multiplication de sujets de diversion pour le pays, souvent sujets de division, mais la plupart du temps sujets de diversion pour éviter de regarder en face les problèmes. Et vous les évoquiez, je voyais hocher les têtes dans la salle. De l'endettement du pays, pas un mot. Du chômage dans le pays, pas un mot. De la situation de l'Education nationale, en réalité pas un mot parce que je ne crois pas que ce soit dans les moyens que se situe uniquement la réponse au redressement de l'Education nationale dans notre pays. De la moralisation nécessaire de la vie publique, pas un mot. Des changements qu'il nous faut apporter pour rendre la confiance, pas un mot. Et des grands déchirements de la société que nous sommes en train de vivre, et dont je pense qu'ils sont graves et qu'ils sont lourds, d'une certaine décomposition de notre manière de vivre ensemble, de la montée de l'intolérance et de la violence dans la société française, pas un mot.

J'espère que, maintenant, les choses de ce point de vue vont changer et j'espère que l'on va avoir le courage de les regarder en face, comme je le disais en introduction.

Et donc ce message optimiste qui consiste à dire : oui, nous allons prendre les problèmes les yeux dans les yeux et proposer des réponses à ces problèmes-là et proposer des réponses tous ensemble, alors je considère qu'il y a là un message le plus optimiste que l'on puisse défendre devant les Français aujourd'hui. Et c'est pourquoi je fixe ces objectifs.

Le premier objectif que je fixe au pays, c'est reconquérir le "produire en France". C'est de là que dépend la totalité de nos emplois, bien entendu, mais pas seulement, car c'est de là que dépend la totalité par exemple du financement de la Sécurité Sociale, c'est-à-dire de la santé, c'est-à-dire des retraites, la totalité du financement des services publics, de l'éducation aussi bien que des forces de sécurité ou que de la justice. Tout cela dépend d'une seule ressource : les salaires versés dans notre pays. Parce que souvent, on n'y prend pas garde, mais qu'est-ce que c'est le financement de la Sécurité Sociale ? Ce sont les charges sociales et la CSG sur les salaires du pays, les charges sociales versées par les entreprises, la part entreprise et la part salarié des charges sociales, et la CSG prélevée sur tous les revenus du pays. C'est cela qui fait le financement de la Sécurité Sociale. Et qu'est-ce qui fait le financement des services publics ? Ce sont les impôts prélevés sur les mêmes revenus et les mêmes salaires des Français.

Plus de production, plus d'emplois ; plus d'emplois, plus de salaires ; plus de salaires, plus de financement du pacte social et de la protection sociale en France. Je demande que l'on y réfléchisse. C'est une considération qui n'est jamais défendue. Personne ne fait attention au fait que la totalité de notre pacte social et de nos services publics est entièrement assise, comme l'on-dit, directement en relation avec la vie des entreprises et avec les salaires versés chez nous. De sorte que si nous ne parvenons pas à reconquérir ces productions qui s'en sont allées, alors nous ne pourrons pas soutenir le modèle social français !

Il suffit que vous regardiez dans les pays qui malheureusement ont rencontré le même drame : la Grèce, l'Italie, l'Espagne, le Portugal. Qu'est-ce qu'il s'est passé dans ces pays ? Des choses très douloureuses et très simples : on a baissé les salaires, en commençant par les salaires des fonctionnaires, et on a baissé les retraites tant le lien est direct entre la capacité économique d'un pays et le financement du pacte social qui l'a défini.

Et donc il n'existe qu'un moyen de sauvegarde de notre pacte social, qu'un moyen de sauvegarde des services publics auquel nous sommes attachés, c'est que nous nous remettions à produire dans les secteurs dont nous avons disparu, produire pour notre consommation intérieure et produire pour l'exportation pour arriver à vendre, à vendre pour créer des emplois, à vendre pour faire des ressources.

Ce mois-ci, je citais un exemple : Volkswagen. Chez Volkswagen où les salaires sont pourtant encore légèrement plus élevés que les salaires français même s'il y a eu un rattrapage au cours des dernières années, la semaine dernière, on leur a annoncé que tous les ouvriers de Volkswagen allaient toucher une prime de 7500 euros.

Cela prouve que quand une entreprise marche, tous ceux qui contribuent à sa marche en profitent. Cela prouve aussi au passage si vous me permettez de le dire -et là je me singularise d'un certain nombre de personnalités importantes du pays, notamment à droite- que ce n'est pas dans le coût du travail que se situe la clef de la capacité de production et de compétition d'une entreprise.

Si les salaires de nos voisins allemands sont plus élevées -de peu : quelque 1 %- que le coût total des salaires français, si les salaires de nos voisins suisses sont plus élevés de quelque 20% que les salaires français, et que ces deux pays arrivent cependant à produire et à exporter, à exporter de telle manière que dans le temps où nous faisons soixante-dix milliards de déficit du commerce extérieur, l'Allemagne, elle, fait cent soixante milliards d'excédents, deux fois plus de bénéfices que nous ne faisons de pertes pour parler un langage de "boutique", avec le même coût du travail et la même monnaie, alors il nous faut reprendre le chemin de la reconstruction de l'appareil productif de notre pays pour les emplois et pour la richesse de la France, c'est-à-dire de chaque famille de France.

Comment faire ? Je suis parti d'une constatation que vous pourrez partager je le crois avec moi. Cette constatation est celle-ci : quand je regarde les fleurons industriels de la France, ceux dont nous sommes fiers, ceux que nous mettons en vitrine, ceux qui nous permettent de défendre l'image de notre pays dans le monde, quand je regarde ces fleurons qui s'appellent Airbus, TGV, la fusée Ariane, Areva, tout d'un coup je m'aperçois qu'ils proviennent tous de décisions qui ont été prises par l'État dans les années soixante ! Tous !

Et donc cela signifie que, dans notre pays, et je ne propose pas que l'on en revienne au temps où l'État décidait de tout, on ne pourrait pas, d'abord parce qu'à cette époque l'État avait de l'argent et, ce n'est pas un secret, il n'en a plus, mais je propose l'idée que dans un pays comme le nôtre il faut qu'il y ait, à l'origine des grandes orientations de l'économie, finalement une volonté partagée autour de ceux qui sont les responsables du pays, réunissant les entreprises, les grandes entreprises, et les petites entreprises, et les moyennes et les artisanales et puis les chercheurs, et l'université, et ceux qui ont la responsabilité des innovations, et les commerciaux qui viennent vous dire : voyez, là il y a un produit que l'on pourrait fabriquer, mais il n'existe pas dans notre gamme…

Si, secteur par secteur, agricole pour les uns, industriel pour les autres, nous examinons les champs de bataille que nous avons désertés en matière de production, si nous avons comme idée qu'il faut les reconquérir, question de vie ou de mort, et que pour les reconquérir il faut mobiliser ce que, par exemple, les grandes entreprises maîtrisent en termes de process comme l'on dit, c'est-à-dire méthodes de fabrication les plus modernes, les plus assistées par informatique, les plus compétitives dans le monde et que nous décidons de nous en occuper secteur par secteur et filière par filière, alors quelque chose de nouveau va se produire dans notre pays : au lieu de voir les entreprises jouer uniquement le chacun pour soi, on va voir dans le même secteur se nouer des alliances, des ententes, des volontés de se battre ensemble pour sauver notre pays de la difficulté dans laquelle il se trouve. Et c'est pourquoi comme quelqu'un tout à l'heure prononçait le mot de commissariat au plan au milieu des années soixante, je pense qu'il faut un commissariat nouveau que j'appelle « commissariat aux stratégies » pour ne pas avoir l'air de revenir à l'idée que dans notre pays on allait refaire le Plan, comme à l'époque le plan soviétique se faisait, mais quelque chose qui dise : dans tous les secteurs, où allons-nous pouvoir trouver des produits nouveaux à fabriquer et à vendre ?

Les Allemands sont en train de récupérer, dans le textile, tout le « sportwear », c'est-à-dire comme vous savez les vêtements et détente et chics comme l'on dit, du week-end. Ils sont en train de récupérer tout cela. Donc cela veut dire qu'on peut le faire y compris chez nous, et qu'il y a des centaines de milliers d'emplois en réserve, et qu'il y a de l'argent à gagner parce qu'ils ont compris qu'un grand nombre de consommateurs allemands étaient attachés à un certain style, une certaine idée de fabrication.

Peut-être certains d'entre vous ont vu il y a quelque semaine l'émission Capital sur la 6 à laquelle je participais sur le Produire en France. J'étais très heureux de participer à cette émission pour beaucoup de raisons, mais l'une de celles-là, c'est que la définition de la bataille pour le Produire en France, je l'ai exprimée dans le courant de l'été. Eh bien, en six mois, cette idée a tellement progressé qu'une grande émission économique a consacré la totalité de son programme au sujet. Il y avait là quelqu'un dont vous aurez retenu sans doute l'expression, qui était le jeune patron de Stabylo Boss, les stylos qui permettent de surligner quand les étudiants veulent que leurs polycopiés aient l'air d'avoir été étudié attentivement… j'en connais quelques-uns comme cela… (rires) C'est très bien Stabylo Boss, cela permet de colorer et de se donner bonne conscience en même temps ! Je parle des étudiants qui étaient comme moi, c'est-à-dire moins sérieux que la totalité des étudiants brillants présents ce soir dans cette salle !

Mais le patron de Stabylo Boss disait quelque chose de très important. Il disait : vous savez, chez nous, les consommateurs sont très attachés à la production allemande, sont très attachés à l'idée d'acheter allemand… Et il n'y a pas qu'eux ! Vous savez tout le débat qu'il y a eu autour de ma proposition que l'on permette aux consommateurs d'identifier le produit français ou la part dans le produit qui est issue de la production française par un simple pourcentage. Et d'entendre que les consommateurs allemands étaient très attachés au produit en Allemagne, cela m'a fait me souvenir qu'il n'y a pas qu'eux qui sont très attachés au produit en Allemagne et qu'il suffit d'allumer une télévision ou une radio pour entendre la publicité pour des voitures dont le seul argument de vente c'est : qualité allemande. Chez nous !...

Alors, vous voyez le paradoxe de notre pays. Voilà un pays dans lequel les esprits les plus sérieux mettent en doute l'idée que l'on puisse défendre le produit en France, mais qui acceptent sans bouger un cil que l'on y défendre le produit en Allemagne. Eh bien moi qui suis un européen profond, j'ai envie que le consommateur français ait autant de fierté pour le produit en France que le consommateur allemand n'en a pour le produit en Allemagne.

Vous savez, c'est un très, très grand enjeu, mine de rien. Je vais vous dire deux éléments qui vont vous permettre de juger à quel point cet enjeu est important. Vous vous souvenez de ce déficit commercial, on achète à l'extérieur plus qu'on ne vend donc on se ruine, les ressources du pays s'en vont à l'extérieur mois après mois dans des conditions considérables, ce qui nous vide de nos emplois et de nos richesses et qui fait que les familles à la fin du mois… Vous savez, il n'y a pas de secret quand un pays s'appauvrit, les familles qui le composent s'appauvrissent aussi.

Eh bien pour supprimer la totalité du déficit, il suffirait que là où nous achetons 100 pour l'instant en produit étranger, nous n'achetions plus que 80. 20% de nos achats consacrés à du produit en France cela suffit et c’est ce qui me fait défendre devant le peuple français l'idée de l'image de marque de nos produits.

Il y a un grand universitaire qui a étudié l'exportation des entreprises françaises. Eh bien, dans 80 % des cas, quand une entreprise française petite ou grande exporte, elle se trouve en concurrence sur le même produit avec un exportateur allemand et, dans 80 % des cas, elle perd le marché au même prix parce que l'image de marque -les savants appellent cela la compétitivité hors coût, cela veut dire ce qui fait la différence en dehors du coût du travail- la compétitivité hors coût des produits allemands est tellement meilleure que les produits français dans un certain nombre de secteurs -pas dans tous, par exemple ce qui devrait nous encourager, dans le luxe c'est la France qui a la palme, lorsqu'il s'agit de parfumq, de maroquinerie, de produits de luxe- les consommateurs du monde se précipitent vers les produits français, alors pourquoi ce qui est valable dans le luxe n'est-il pas valable dans la plupart des produits dans le haut de gamme et dans le moyen de la gamme ?

Très souvent, on m'objecte que nous n'arriverons pas à concurrencer les produits chinois sur les produits d'appel de première gamme. Bien sûr, c'est la vérité, encore que l'on ne sache pas très bien comment va évoluer la Chine dans les prochaines années, encore que les salaires en Chine bougent beaucoup dans certaines régions. Il y avait des articles ce matin dans la presse qui expliquaient que, partout dans l'Asie du Sud-est, il y avait des rattrapages qui étaient en train de se faire, et c'est normal et c'est heureux. Bien sûr que je sais qu'il y a des différences sur les produits dans lesquels le coût du travail représente beaucoup, mais dans tout ce qui est plutôt haut de gamme, alors de ce point de vue, nous pouvons arriver à changer les choses assez vite, nous pouvons arriver à recréer dans le marché l'image de marque des produits français qui seraient, je le dis en un mot, aussi sérieux que les produits allemands, l'inventivité en plus, aussi sérieux, aussi fiables, aussi durables que les produits allemands, avec en plus le… quelque chose qui est de l'ordre de l'imagination, de l'invention, de la mode, du french flair, comme l'on dit dans le rugby…

Il n'y a aucune raison que nous n'y arrivions pas parce que, quand on fait des Airbus, personne ne soutient que la qualité de la partie française de l'avion est moins bonne que la qualité de la partie allemande de l'avion, et même dans mon Sud-ouest, et à Toulouse, il y a beaucoup de gens qui soutiennent le contraire ! Ce sont des rivalités à l'intérieur des entreprises dans lesquelles je n'entre pas mais dont les experts savent qu'elles sont extrêmement présentes, mais nous faisons aussi bien et même, dans beaucoup de secteur, nous faisons mieux !

Je fixe donc cet objectif à la reconquête de la production nationale : c'est que l'image de marque de ce qui est produit en France soit au moins aussi bonne dans quelques années que l'image de marque de ce qui est actuellement produit dans les pays qui nous entourent et notamment de ce qui est produit en Allemagne.

La France le peut et elle doit et elle le fera.

Et vous voyez que, dès lors, tout s'enchaîne. C'est beaucoup en raison de l'image de marque de notre production que nous n'arrivons plus à concurrencer ceux qui nous entourent, que nous perdons, que nous reculons secteur après secteur.

Si nous retrouvons la fierté, si nous trouvons la stratégie, si nous travaillons ensemble à l'amélioration de l'image de marque de nos produits, grandes marques, grandes entreprises et petites entreprises et petites marques et les moyennes, alors tout d'un coup, des champs nouveaux vont s'ouvrir à notre pays.

Au demeurant, je vous le dis, nous n'avons pas le choix. Si nous voulons que, dans cinq ans quelque chose se soit redressé dans l'emploi en France, et dans la manière dont notre pays vit, la première des choses à faire c'est gagner la bataille du produire dans notre pays et, pour moi, c'est une bataille fondamentale, concrète, pratique qui n'est pas théorique, qui n'est pas lointaine, qui est produit après produit et secteur après secteur.

L'autre jour, je recevais de grands responsables syndicaux et je parlais de ce sujet avec eux. Je leur ai demandé, ils m'expliquaient quelles étaient leurs connaissances des secteurs parce qu'ils y vivent, ils y sont les salariés, les cadres et les représentants des salariés et des cadres, et je posais une question au passage. Je leur demandais : mais est-ce qu'il arrive que l'on vous demande votre avis sur l'orientation des secteurs auxquels vous appartenez, vous qui êtes les représentants des salariés, les représentants des cadres, les représentants des commerciaux des entreprises, et particulièrement des grandes entreprises françaises ? Et ce chef de grande centrale syndicale m'a dit : "Monsieur Bayrou, jamais, jamais dans notre pays on ne nous a assis autour de la table avec les responsables des entreprises pour discuter de ce que nous pouvions faire de l'avenir de la filière ou du secteur dans lesquels nous étions les cadres et les salariés du pays."

Eh bien je dis que ceci est un immense gâchis. Et quand je regarde la différence de la vie sociale de l'autre côté du Rhin, les relations entre entreprises et syndicats et représentants des salariés, alors on se dit que là réside un facteur de progrès considérable parce que là, il y a une vie sociale, un dialogue social. Certains disent une "co-gestion", c'est un mot qui est très mal vu en France, en tout cas pour moi une co-responsabilité entre les salariés et les entreprises qui doit changer le climat dans notre pays.

C'est la raison pour laquelle j'affirme devant vous une règle nouvelle : les entreprises n'appartiennent pas seulement à leurs actionnaires, elles appartiennent aussi à leurs salariés, et je demande, on pourrait même soutenir qu'elles appartiennent un peu aux territoires sur lesquels elles sont installées, aux bassins de population. Mais en tout cas cette règle nouvelle fait que je propose à la France que désormais, dans les grandes entreprises, les salariés soient représentés aux Conseils d'administration des entreprises avec droit de vote. Et j'affirme que même pour aller plus loin et pour éviter un certain nombre de scandales, il est bon aussi que les salariés soient désormais représentés dans les petits comités qui fixent la rémunération des dirigeants des entreprises, faisant ainsi qu’il y ait un lien entre les plus bas salaires des entreprises et les plus hauts salaires des entreprises. Ce sera utile et je crois efficace.

Voilà pour le produire. Changement de l'image de marque, choix d'une stratégie pour le pays, et changement de la vie sociale qui nous permettra de mettre en place un climat différent et de recevoir des idées nouvelles dans les entreprises.

Je suis frappé, c'est accessoire ce que je vais dire, mais cela a un petit lien avec le sujet que je traite devant vous. Je lisais l'autre jour que, quand il y a une invention par un chercheur salarié dans une entreprise française, quels que soient les fruits que l'invention rapporte à l'entreprise, on lui donne royalement et en moyenne 250 euros ! Dans les grands pays où l'innovation porte les choses, on considère que l'innovation doit rapporter au salarié qui a trouvé l'idée 10 % de ce qu'elle fait gagner à l'entreprise. Imaginez une idée, un brevet qui fait gagner à une entreprise 3 millions d’euros, dans un cas on lui donne 10% de 3 millions d’euros, et ceux qui font du calcul mental comme moi savent que cela représente 300 000 euros, dans l'autre cas en France on donne 250 euros. Je considère que l'un est un archaïsme et l'autre un progrès.

Voilà pour le produire en France.

Je fixe un deuxième objectif : nous devons sortir la France du surendettement dans lequel elle se trouve engluée depuis des années. J'ai fixé un certain nombre de règles et de propositions dont vous avez pu suivre le détail dans les émissions de télévision, pour ceux qui les ont regardées, notamment dans "Des paroles et des actes" face à M. Langlé, dont l'idée principale est celle-ci : si nous voulons sortir du déficit avant qu’il soit trop tard, trop tard c'est le moment dans lequel on bascule dans la situation des pays que j'ai cités et qui nous entourent… ne vous trompez pas, cela nous pend au nez… Ceux qui ont eu la curiosité de lire -cela fait 2000 pages, donc cherchez un résumé- le rapport de la Cour des Comptes, il explique en toutes lettres et en chiffres précis que la situation de la France est pour ainsi dire au bord de la falaise, que nous allons atteindre à la fin de cette année un seuil inédit qui est que l'endettement du pays représentera 90% de ce que nous produisons, totalité des ventes, des salaires, des retraites en une année. 90%... Et que nous allons être, si nous ne changeons pas de cap, à 100% dans deux ans ! Et 100% c'est le seuil à partir duquel on considère que c'est hors de contrôle ! Situation des pays qui nous entourent avec les sacrifices que l'on a imposés aux citoyens de ces pays et que je ne veux pas voir vivre pour la France.

Et donc, si nous voulons supprimer le déficit, il existe une règle simple qui est exigeante, mais qui n'est pas à la hache, qui n'est pas au sabre d'abordage, qui n'ampute pas les possibilités de vivre de notre pays, il faut et il suffit que nous ne dépensions pas plus en 2013 et 2014 que nous n'aurons dépensé en 2012. On n'est pas dans la misère en 2012. Je fais même une exception normale et légitime pour l'évolution comme l'inflation du salaire des fonctionnaires et les retraites. Je trouve que c'est tout à fait normal que dans un pays comme le nôtre on garantisse cette respiration. Pour tout le reste, il faut que nous ne dépensions pas un euro de plus que ce que nous avons dépensé cette année.

Si toutes les familles en surendettement étaient certaines de pouvoir s'en sortir en ne dépensant pas plus sur les deux années qui viennent que ce qu'elles dépensent aujourd'hui, beaucoup d'entre elles seraient soulagées.

C'est un effort nécessaire dont personne ne parle, et moins ils en parlent et plus grave sera la désillusion des Français. Moins on aborde le sujet et plus rude sera la prise de conscience et les yeux qui s'ouvrent. C'est une lâcheté à l'égard des plus jeunes qui sont dans cette salle, regardez-les parce qu'ils sont très nombreux, c'est une lâcheté de la part des générations actuellement au pouvoir d'avoir accumulé sur leur dos une dette qui va les plomber pendant des années et des années. C'est une honte que nous devrions payer. Ils devraient manifester contre les dirigeants laxistes qui ont choisi la facilité de faire payer par ceux qui leur succéderaient, pas seulement les investissements -si c'était les investissements j'applaudirais, si c'était les routes, les chemins de fer, les hôpitaux, je dirais : c'est normal d'en partager la charge avec les générations qui viennent…- mais ce n'est pas cela que l'on a fait payer. Ces générations-là ont été honteuses parce que ce qu'elles ont fait payer aux générations qui leur succéderaient, ce sont les salaires des fonctionnaires, c'est le train de vie de l'Etat, c'est le remboursement des feuilles de Sécurité Sociale, et c'est les retraites que l'on n'arrivait pas à assumer. Ils vont avoir à payer les retraites de leur génération et en plus les retraites de ceux qui les précédaient et qui étaient plus riches qu'eux. Ce n'est pas normal et nous devons l'interdire une bonne fois pour toutes. Et personne ne pourra dire qu'il n'était pas averti, personne.

Eh bien cet effort-là pour sortir du surendettement de la France, c'est un effort j'allais dire à portée de la main, et en vérité ce n'est nullement comme on le lit ici ou là du sang et des larmes. Le sang et les larmes c'est maintenant. Le sang et les larmes, c'est quand on ne connaît pas l'avenir, quand on n'est pas sûr de pouvoir jouir de sa retraite parce que simplement on voit bien qu’il y a de tels déséquilibres que l'on n'y arrivera pas. Cela c'est le sang et les larmes. Quand les enfants ne trouvent pas d'emploi et qu'ils sont là à roder dans la maison, cela c'est du sang et des larmes.

Moi, je veux un pays qui se libère de cela. Je veux un pays qui s'émancipe, je veux un pays qui se redresse, qui regarde en face les enfants dont il a la charge et qui dise : nous vous remettons dans le droit fil de ce qu'une génération devrait aux autres, c'est-à-dire la solidarité intergénérationnelle. Nous vous donnerons un pays sain comme autrefois nous avons reçu un pays sain. Cela, c'est un redressement de la situation du pays.

Je veux et je propose au pays que la France retrouve en quelques années la meilleure éducation ou en tout cas parmi les meilleures éducations du monde. Cela a une signification extrêmement précise dans ce classement des pays que j'évoquais à l'instant.

Si nous voulons nous en sortir, il faut que dans les cinq années qui viennent, la France rentre dans les dix premiers pays par la qualité de son éducation. Elle y était, c'était notre héritage, notre apanage, on était fier de l'éducation en France. On savait que dans le plus petit village, depuis Jules Ferry, l'éducation laïque, gratuite et obligatoire faisait que tous les enfants de France apprenaient à lire.

Et donc le but que je fixe à la grande politique éducative que nous allons avoir à mener, c'est que 100 % des enfants entrent dans cinq ans en sixième en sachant tous lire, écrire, et connaître la langue française.

Comment faire ? En concentrant les efforts de l'école primaire. J'ai dit : 50 % du temps scolaire consacré aux bases et à la langue française. J'attache beaucoup d'importance à la langue, pas seulement parce que cela a été mon métier et que c'est ma passion, mais j'attache beaucoup d'importance à la langue pour une multitude de raisons. Les scientifiques disent qu'une partie des difficultés des jeunes Français désormais à accéder aux disciplines scientifiques, vous savez qu'elles sont en chute libre, ce qui est une grande souffrance pour un pays qui a été le chef de file des grandes disciplines scientifiques dans le monde, nous sommes la France le pays qui a le plus de medaille fields, qui est l'équivalent du Prix Nobel de mathématique par habitant, plus que les Etats-Unis ! Grand peuple de mathématiciens, Grand peuple de physiciens, ce n'est pas par hasard que Marie Curie était venue en France, grand peuple de scientifiques. Et bien on s'aperçoit que la désaffection des disciplines scientifiques est étroitement liée au fait qu'une absence de maîtrise de la langue fait qu'il y a des concepts, des idées, des explications qui sont inaccessibles à une partie des jeunes Français. On ne peut pas faire des sciences si l'on n'a pas la maîtrise de la langue.

Et deuxièmement, je suis absolument persuadé qu'une partie de la violence des plus jeunes dans la société française, et notamment à l'école, vient de ce qu'ils ne peuvent rien exprimer de ce qui bout en eux.

En disant cela, je ne suis pas idéaliste, mais je sais qu'il y a un moment, lorsqu'on n'arrive pas à suivre, lorsqu'on n'a aucun espoir de rattraper la classe dans laquelle on se trouve et que l'on ne sait pas dire un mot de sa frustration et de sa colère rentrée, il y a un moment où il ne reste plus que les coups ou la violence ou la déstabilisation de la classe.

Eh bien je veux vous dire que c'est une manière de lutter contre la violence. Il n'y a pas que la punition, il en faut, ne croyez pas que je sois uniquement dans l'indulgence, c'est absolument nécessaire quand des enfants qui sont eux-mêmes déstabilisés déstabilisent une classe, que l'on arrête de les passer de division en division pour recommencer chaque fois, et qu'on leur fournisse une scolarité adaptée avec des éducateurs s'il le faut, avec des psychologues s'il le faut, pour qu'ils retrouvent leur équilibre avant de se retrouver dans une classe dans laquelle, si on ne fait pas cela, ils continueront les déstabilisations qu'ils ont conduites depuis des années.

Focalisons-nous sur l'essentiel, allégeons les programmes qui sont mille fois trop lourds, revenons aux fondamentaux. Par exemple, en Histoire, revenons chaque année à la chronologie pour que les enfants sachent en quel temps ils vivent et ce qu'il y avait dans les temps avant, et ce que représente en termes de génération un siècle. Si tout d'un coup ils se rendent compte qu'après tout un siècle, c'est quelque chose comme trois ou quatre générations, que la guerre de 14 ce n'était pas autre chose que le grand-père de leur père ou le grand-père de leur grand-père, c'est-à-dire pas si loin, des gens que l'on aurait pu rencontrer, que l'on aurait pu nommer, et qu'au fond ils sachent à peu près comment est organisée l'Histoire, et pas comme je l'ai entendu quelquefois que Louis XIII, c'était le XIIIème siècle, Louis XIV le XIVème siècle, et Louis XV le XVème siècle !

Les programmes d'Histoire sont devenus, je dis cela modestement, délirants. Avoir en une seule année à traiter du sujet de la guerre dans les derniers siècles, en 15 heures je crois, comment voulez-vous que l'esprit d'un enfant puisse comprendre ce qui se passe entre la guerre de 70, ce qu'elle a fait dans une région comme celle-ci, et la guerre de 14 et la guerre de 40, et le passage d'un côté et de l'autre par captation des populations, des nationalités et les malheurs et les drames que cela a entraînés. Et dans le même temps comprendre la guerre du Vietnam, la guerre de Corée, la guerre mondiale du côté du Japon ! Mais c'est impossible en 15 heures ! C'est absurde de mettre des programmes surchargés !

Je veux des programmes allégés que l'on pourra approfondir, sur lesquels on pourra prendre le temps, sur lesquels les enseignants ne se sentiront pas stressés d'avoir à remplir des objectifs impossibles à atteindre et sur lesquels les enfants pourront respirer.

Je suis pour que les enfants respirent ! Ils ont le droit de respirer. Par exemple, je suis pour que l'on interdise désormais que la semaine scolaire d'un élève, enseignement secondaire en particulier, dépasse 28 heures par semaine parce qu'avec les devoirs, dont j'espère qu'on les fera en classe, dans les établissements, sous surveillance d'étudiants qui viendront donner un coup de main aux générations de leurs jeunes frères et sœurs... J'ai un petit-fils qui a 37 heures de cours par semaine, c'est-à-dire qu'il a, rien qu’avec les cours, plus d'obligations horaires qu'un salarié adulte dans une entreprise ou dans une administration, et il a, par-dessus tout cela, les devoirs à faire à la maison et cela n'en finit jamais ! Alors quand est-ce qu'il va trouver le temps de jouer au foot ou de rêver ou de perdre son temps ou de lire à l'aventure, comme se forme une sensibilité et un goût ? Quand est-ce que qu'il va trouver le temps de baguenauder avec les obligations scolaires qui sont trop lourdes ? Et vous voyez que tout cela oblige à prendre des décisions qui sont au fond assez simples. Puis-je faire la confidence au passage que l'on y trouvera des moyens nouveaux et que l'on pourra utiliser à l'intérieur des établissements, par exemple pour faire du soutien ?

Vous voyez que cela change beaucoup le rapport que l'on a entre responsables du pays et éducateurs. Je désapprouve les campagnes incessantes qui sont menées pour faire croire, ou pour aller dans le sens de ceux qui parmi les Français croient que les enseignants ne travaillent pas !

Je mets au défi aucun de ceux qui mènent ces campagnes d'aller faire deux heures de cours dans une classe de quatrième et d'en sortir autrement qu'exténués. Je mets qui que ce soit au défi de faire une heure de cours dans une classe de collège ou de lycée sans avoir au moins une demi-heure pour préparer le cours et je voudrais voir ce qu'ils font au bout d'une demi-heure de préparation et au moins une demi-heure de correction des devoirs des copies, de participation aux réunions, de participation aux conseils de classe, de réception des parents, de remplissage des carnets d'évaluation de toute nature et les obligations scolaires qui découlent de la vie interne d'un établissement, ce qui fait que, si le calcul que je viens de faire devant vous est exact, les enseignants en vérité, lorsqu'ils sont dix-huit heures devant une classe, travaillent beaucoup plus de trente-cinq heures, contrairement à ce que l'on raconte sur leur compte et qui est pour moi absolument scandaleux.

Et je vous supplie, pour que vous ne croyez pas qu'il y a quoi que ce soit de corporatiste dans cette affaire, de demander autour de vous si ce que je viens d'énoncer n'est pas vrai et vous allez vous apercevoir qu'en particulier dans les grandes classes c'est beaucoup plus lourd encore que ce que je viens d'indiquer là.

Donc pour qu’un pays soit bien avec son éducation, il faut qu'il défende son éducation. Autrefois, quand j'étais ministre de l'Éducation nationale -qui a été pour moi un temps un peu exigeant mais très heureux et dont je garde un souvenir très affectueux- j'avais fait une enquête sur un phénomène qui était en apparence paradoxal, mais qui méritait que l'on en explore les raisons.

Ce phénomène, c'était : comment se fait-il, alors que tout le monde dit que la règle, c'est que les enfants de milieux culturellement favorisés réussissent à l'école, mais que les enfants de milieux culturellement défavorisés rencontrent beaucoup plus de difficultés, règle qui paraît évidente et élémentaire, comment se fait-il qu'il existe beaucoup d'exemples d'élèves venant de milieux culturellement défavorisés qui réussissent très bien, et d'élèves venant de milieux culturellement favorisés qui échouent ?

Eh bien le résultat de l'enquête conduite par des sociologues très sérieux a été celui-ci et pour moi très éclairant : réussissent les élèves dans la famille desquels l'école est soutenue, dans lesquelles on dit du bien des enseignants, dans lesquelles on explique aux enfants que l'école est très importante pour eux ; et ont des difficultés les familles -puis-je le dire tout bas qu'il y en a de plus en plus en France- dans lesquelles à la maison, on critique l'école, on critique les enseignants, on les met en cause, on les met en accusation quelquefois.

La dévalorisation de l'école dans la famille est un facteur d'échec, le soutien à l'école dans la famille est un facteur de succès.

Et c'est exactement la même chose dans une nation que dans une famille : réussissent les pays dont l'éducation est placée au premier plan de la préoccupation nationale et échouent les pays dans lesquels l'éducation est considérée avec un regard de travers et un jugement méprisant.

Je veux que la France retrouve la meilleure éducation du monde dans les cinq années qui viennent avec le soutien de la nation, des familles et des pouvoirs publics.

Et le dernier chapitre que je veux aborder, parce que j'ai dépassé le temps de parole qui était le mien … je finis en disant que nous avons un dernier défi à relever, c'est le défi du retour de la confiance entre les citoyens et le pouvoir démocratique qu'ils ont élu.

Il y a en France un doute, un soupçon, une perte de confiance entre les citoyens et leurs élus, entre les citoyens et le pouvoir, entre les citoyens et le monde parlementaire, entre les citoyens et le monde gouvernemental et il y a, à cette perte de confiance, des raisons extrêmement précises.

Cela fait des années que l'on traîne les mêmes sujets. Alors je vais les énoncer.

Cela fait des années que l'on prétend qu'il faut mettre un terme au cumul des mandats et on ne fait rien.

Cela fait des années que l'on dit que les députés, en particulier eux, sont absents à l'Assemblée Nationale et qu'ils votent même s'ils ne sont pas présents, et il faut y mettre un terme.

Cela fait des années que l'on dit qu'il y a trop de parlementaires dans notre pays, songez que nous avons plus de deux fois plus de parlementaires, nous France, que les États-Unis qui ont cinq fois plus de population que nous n'en avons. Recalibrer le nombre de parlementaires pour que ce nombre de parlementaires soit réduit, c'est aussi une manière de leur rendre du poids dans la vie publique qu'ils n'ont plus parce qu'une des raisons pour lesquelles les parlementaires ne viennent pas à l'Assemblée Nationale en particulier, c'est qu'ils ont le sentiment que leur présence ne sert à rien, que de toute façon le texte proposé par le gouvernement sera adopté quelle que soient les circonstances politiques et les réticences qu'ils exprimeraient. C'est un vote automatique. Il faut mettre un terme au vote automatique et le remplacer par le vote personnel avec la présence des parlementaires.

Il y a des années que l'on dit, que je dis en tout cas, qu'il faut enfin reconnaître dans notre pays le vote blanc parce qu'il n'est pas moins citoyen celui qui vient aux urnes pour dire : l'offre politique que vous me proposez ne me convient pas. Et donc je suis pour que l'on reconnaisse le vote blanc.

Il y a des années que l'on dit qu'il faut mettre un terme par la loi à un certain nombre de mélanges entre intérêts privés et intérêts publics qui hélas existent au sein des institutions et du pouvoir de notre pays. On a réuni une commission composée des plus brillants juristes pour dire : voilà les règles qui doivent mettre un terme à ce que l'on appelle les conflits d'intérêts. On l'a fait et on n'a pris aucune décision à partir des conclusions et des propositions des plus brillants juristes. Je propose qu'on le fasse et que l'on interdise les conflits d'intérêts.

Il y a des années que l'ont dit : il faut enfin instaurer l'indépendance de la justice de manière indiscutable, de manière que plus personne ne puisse soupçonner des influences diverses ou variées sur la justice. Cela fait des années qu'on le dit, des années qu'on ne fait rien. Je propose que l'on mette en place de manière indiscutable l'indépendance de la justice en obligeant le Garde des Sceaux à un vote de confiance qui réunira majorité et opposition au sein du parlement français. Ainsi, il sera indépendant.

Et il y a des années que l'ont dit : il faut restaurer l'indépendance des médias. Eh bien je propose qu'on le fasse et que par exemple on supprime la décision qui a été prise de manière scandaleuse dans ces dernières années et qui fait que, désormais, le président de la République a la prérogative de désigner lui-même les présidents des chaînes publiques dont je rappelle qu'elles n'appartiennent pas au pouvoir, mais à ceux qui paient la taxe audiovisuelle, à ceux qui paient la redevance, c'est-à-dire à toutes les parties des Français.

Enfin, il y a des années que l'on dit que la majorité du peuple français pense qu'il faut que tous les courants d'opinion de notre pays soient représentés à l'Assemblée nationale, même ceux que je n'aime pas. Eh bien je propose que l'on arrête d'en parler et qu'on le fasse.

Et tout cela de la manière la plus simple. Élu président de la République le 6 mai, je mettrai au référendum du peuple français une loi qui tranchera toutes ces questions consensuelles. Il n'est pas un des sujets que j'ai évoqués qui entraîne discussions ou débats ou réticences sauf dans des nuances de la part des uns ou des autres. Je prends l'engagement que cette loi de moralisation de la vie publique représentera l'immense majorité des intervenants et l'immense majorité de l'opinion du peuple français.

Cette loi-cadre, je la mettrai au référendum le 10 juin, jour du premier tour des élections législatives, de manière que ces questions traînées depuis des années soient tranchées une fois pour toutes et que les Français puissent enfin être fiers de la République à laquelle ils appartiennent.

Et dans tout ce que je viens d'expliquer-là, il n'y a que du concret, que du réel, pas des idéologies mystérieuses dans lesquelles on retrouverait les climats d'affrontements habituels et ce pour deux raisons, et je finirai sur cette idée.

Nous avons besoin à la fois d'une volonté pour sortir de la crise et d'un modèle de société pour le futur.

Je suis extrêmement perturbé par le fait que, dans cette campagne présidentielle, il n'y a aucun modèle de société qui s'exprime. Le temps où on voulait, pour l'avenir de la France, un modèle qui se propose aux Français et se propose en même temps au monde, à l'Europe qui nous entoure, ce temps-là est complètement fini. Le socialisme est épuisé, le chacun pour soi du libéralisme est épuisé, il nous faut un modèle qui nous ressemble, qui ait nos valeurs et, après avoir posé cette question et réfléchi pendant des mois à cette question, j'ai proposé une réponse. Ce modèle-là, cela doit être le modèle de la solidarité.

La solidarité, ce n'est pas l'État qui l'impose, elle ne vient pas du haut, elle est entre citoyens, entre égaux et elle respecte la liberté parce qu'il n'y a pas de solidarité si l'on n'est pas libre.

Au fond, si l'on voulait trouver le mot qui résume le mieux la devise de la République "Liberté, Égalité, Fraternité", en un mot c'est le mot de « solidarité » qui viendrait.

C'est pourquoi je dis que le modèle de société pour l'avenir, et cela a des conséquences dans tous les secteurs, dans l'économie, dans le social, dans les associations, dans la vie publique, dans les familles, entre famille, pour faire reculer la solitude qui est une des plaies de la société dans laquelle nous vivons, pour que puissent se réunir et se serrer les coudes et qu'on les y encourage, des gens qui sont tout seuls avec des revenus très modestes face à une société très dure, qu'on les encourage à se réunir, dans le logement, dans la vie en commun, que l'on bâtisse la solidarité effective entre personnes de tous âges, cela rendrait la société beaucoup plus supportable et beaucoup plus heureuse sans que cela coûte un euro de plus.

Eh bien ce modèle-là, celui de la France solidaire, cela doit être celui que nous proposons aux Français.

Dans la démarche que j'ai défendue devant vous, il n'y a pas seulement la sortie de crise, il y a un horizon pour notre pays, que nous nous remettions à croire à des valeurs en commun, au vivre ensemble que nous partageons, à l'idée qui est la nôtre que nous ne sommes pas des étrangers les uns pour les autres, nous ne sommes pas enfermés chacun dans notre bulle, dans notre communauté, dans notre communautarisme, que nous sommes citoyens du même pays, défenseurs des mêmes valeurs, acteurs du même monde.

Et c'est cela qui va rendre à la France la santé d'abord, la fierté ensuite et un peu d'idéal dont elle a besoin. Parce que tout le monde a besoin de trouver une étoile au bout de son chemin.

Je vous remercie."

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