Discours de François Bayrou au Congrès du Parti Démocrate européen

Retrouvez le discours de François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate et Président du Parti Démocrate européen, au Congrès du PDE ce vendredi 13 octobre.

Seul le prononcé fait foi

Dans un moment dont aucun d'entre nous ne peut ignorer le caractère symbolique significatif, et les conséquences concerneront chacun d'entre nous, je veux, comme chacun de ceux qui m'ont précédé, comme Matteo, comme Sandro, je veux naturellement commencer ce propos par l’évocation du drame qui se joue en Israël et le retentissement planétaire de ce drame.

On a connu un retentissement planétaire au moment de l'attaque par Poutine contre l'Ukraine.
C'était un acte délibéré, destiné ou ayant pour conséquence d'abattre les principes qui avaient permis que l'Europe – en tout cas – et une grande partie du reste du monde vivent en paix depuis la guerre, depuis 1945.

Le principe auquel s'est attaqué Poutine, c'était l'intangibilité des frontières. On avait après la guerre, à l'échelon de la planète, conçu la précaution que les grands pays – l’Europe en tout cas – ne remettraient plus en cause les frontières qui avaient été dessinées si péniblement et si douloureusement.

Et Poutine a pris ce risque fou, lui qui était à la tête d'un des grands États, par la taille, par la puissance militaire, par son rôle de membre du Conseil de sécurité des Nations unies, par sa responsabilité de puissance nucléaire. Poutine a pris la responsabilité, qui n'avait pas été prise depuis Hitler, qu'un grand pays se jette sur le pays voisin réputé plus faible. On a vu qu'on pouvait faire mentir ce rapport de force quand on avait le patriotisme chevillé au corps.

Il a porté atteinte à ce principe. Et nous sommes quelques-uns à ce moment-là à nous être dit que ce séisme aurait beaucoup de répliques dans le monde. Qu'on était entré dans une nouvelle époque. Vous avez vu que la Chine, dès cet instant, a regardé la question de Taïwan différemment. Et s'est ajouté samedi dernier l'explosion du détonateur en Israël, détonateur qui permet que d'autres bombes nous menacent.

La première chose, on l'a tous dit, je veux le dire à mon tour, c'est qu’il importe de désigner sans ambiguïté l'agresseur. Et il importe de réfléchir aux conséquences.

J'ai entendu des responsables politiques français dire cette semaine qu’il fallait obliger le Hamas et Israël à s'asseoir autour de la même table. Et ça a provoqué dans notre esprit et dans notre sensibilité à tous, le souvenir du Bataclan que vous avez évoqué. C'est comme si on était venu dire « Il faut que l'État français et Daesh s'assoient autour de la même table ». Ceci est une offense à la décence. C'est indécent. Et nous n'avons pas l'intention d'entrer dans ce jeu des équilibres complètement artificiels. Ça ne veut pas dire que nous considérions que la question palestinienne est pliée et vidée. C'est une question. Mais il n'est pas vrai que le Hamas soit le défenseur des Palestiniens. Il est aujourd'hui un de ceux qui sont responsables des menaces sur le peuple palestinien, notamment à Gaza.

Quand une force armée prend comme cible des jeunes garçons et de jeunes filles qui dansent pour en tuer 250 d'un coup. Quand la même force armée prend comme cible des enfants et des bébés – nous Français, avons aujourd'hui des enfants otages, probablement à Gaza – je ne peux pas considérer ça comme un combat politique normal.

Et il est de notre responsabilité à nous tous d'employer les mots justes. Et de nommer « criminels et terroristes » ceux qui sont criminels et terroristes contre Israël et contre leur propre peuple.

Matteo [Renzi] a eu parfaitement raison de dire que la prise d'otages ne s'arrêtait pas aux malheureux 120, 130 ou 150 femmes, hommes et enfants pris en otage à Gaza mais que la prise d'otages s'étendait aux 2 millions de Gazaouis.

Ceci nous permet d'employer les mots justes. C'est une réponse à ceux qui essaient de troubler l'opinion et les références.

C'est le moment que nous vivons depuis une semaine et qui est pour nous tous terrible.

J'ai rarement vu autant d'émotions, en tout cas en France, dans les familles, aussi l'inquiétude que désormais nous partageons tous.

Ça vient d'être rappelé, ce matin dans la ville d’Arras, dont le maire et le sénateur, sont de nos amis – et que François Decoster ici connaît bien – dans cette ville dirigée par les démocrates et les forces du centre, un homme de 20 ans d'origine tchétchène est allé assassiner un professeur de son ancien lycée en criant Allah Akbar. Et ça va être très compliqué parce que, d'après ce qu'on dit, il était fiché S, c'est-à-dire déjà repéré comme extrémiste par les forces de sécurité. Vous voyez tout ce que ça évoque et toutes les conséquences qui vont être à partir de là.

Mais ça ne s'arrêtera pas en France. Ce qui est parti là, c'est un risque de propagation du pire. Et si vous ajoutez le pire ukrainien, le pire qui menace l'Arménie, le pire qui vient du Moyen-Orient, le pire possible du côté de l'Extrême-Orient et de la Chine et tous les pires de la planète, alors ça nous met devant une responsabilité colossale.

C'est cette responsabilité qui fait que, réunis ce matin, il y a parmi nous un climat, à 8 mois des élections européennes, un climat qui, je le dis comme fondateur de cette famille politique, n'a jamais existé. J'ai vécu tous les épisodes précédents de toutes les élections européennes précédentes, des combats européens que nous avons menés, conduits et portés. Souvent seul.

C'est pourquoi nous sommes une famille politique. J'ai connu le PNV en exil, poursuivi par Franco. Tant de choses nous unissent avec aussi nos amis de l'Est européen. Je n’ai jamais connu une ambiance comme celle-ci. Et cette ambiance, il me semble qu'on peut l'analyser et la comprendre.

L'ambiance qui règne parmi nous ce matin, c 'est celle de l'accomplissement de la promesse que nous portons depuis le premier jour. Je vais vous dire, c'est très simple : pour toutes les élections européennes précédentes, on se préparait en étant sur la réserve et sur la défensive. On disait « l'Europe est mal vue de nos sociétés ». Toutes les forces politiques les plus puissantes en France, la droite et la gauche, le parti socialiste et ce qu'on appelait l'UMP ou LR, les républicains. Tous ceux-là pointaient soigneusement toutes les difficultés et tous les problèmes de l'Europe. Et nous, nous étions aussi obligés d'en tenir le compte et, chaque fois, d’expliquer que nous voulions une Europe différente, une autre Europe.

Ça a totalement changé parce que, aujourd'hui, la question de la forme de l'Europe bien sûr se pose. Nous avons notre manifeste, 300 propositions pour améliorer tout cela. Mais plus personne ne peut s'avancer devant les peuples sans reconnaître l'urgence et la nécessité d'une Union européenne pour défendre le plus précieux de ce que nous sommes.

Regardez. On est en train de vivre une vague inflationniste. Qu'est-ce que nous serions si nous n'avions pas l'euro ? Qu'est-ce que serait la lire ? Je ne parle pas du mark ! Qu'est-ce que nous serions ? Si nous n'avions pas l'euro, qu'est-ce que serait la lire ? Qu'est-ce que serait le franc ? Qu'est-ce que serait la peseta ? On aurait des taux d'inflation que nous avons connus – des 15% – il n’y a pas si longtemps, dans le dernier tiers du siècle précédent. Qui aujourd'hui propose de sortir de l'euro, qui ? Où sont les politiques qui nous expliquaient que Brexit et Frexit, c'était… Où est l'opinion qui les soutient ? disparue. Et qui aujourd'hui pourrait envisager que nous affrontions le changement climatique tout seuls ? Les Belges tout seuls ! Les Français tout seuls ! Les Italiens tout seuls ! Par des décisions de gouvernement ?

J'ai fait ce calcul : la part de l'atmosphère qui dépend de de la France hexagonale, c'est 1/1000 de l'atmosphère, de la Terre et nous sommes, pays développé, moins de 1/100e des émissions de gaz à effet de serre. Qui peut, qui peut raisonnablement prétendre que c'est tout seul qu'on va l’affronter ?

Je dis au passage que, sur le climat, ça va être votre responsabilité, beaucoup d'engagements ont été pris mais qui ne sont pas tenus. Partout dans le monde se réouvrent des centrales à charbon. Et si nous avons la moindre confiance dans ce que les scientifiques disent, alors on ne peut pas fonder le développement sur des atteintes aussi graves à l'environnement et à et aux émissions de gaz à effet de serre.

Qui peut prétendre que nous pouvons affronter ce qui se passe et va se passer en Chine tout seul ? Ce qui se passe en Chine… on est porté constamment à ne regarder que les compétitions commerciales et que les guerres commerciales et on a raison de ne plus être naïf.
Il faut le faire, pas seulement le dire. Mais ce n’est pas ça le drame de la Chine
 : la Chine va perdre dans les 30 ans qui viennent l'équivalent de la population totale de l'Europe.

Et si vous croyez – et permettez-moi de le dire tout bas, ça n'est pas un problème chinois seulement ! Regardons-nous – si vous croyez qu'un pays continent peut perdre l'équivalent du tiers de sa population en 30 ans sans que ça crée des problèmes, des tensions, des secousses, des tsunamis. Alors c'est que vous n'avez pas regardé les livres d'histoire depuis longtemps.

J’ai entendu les chiffres que Matteo a dit et dans les fonctions de planification qui sont les miennes pour la France, j'ai publié des chiffres qui sont heureusement pour nous pas tout à fait les mêmes. Mais nous sommes en chute libre sur notre démographie dans le temps où les continents qui nous entourent, en tout cas l'Afrique, sont en explosion. Et le Moyen-Orient aussi. Et si nous croyons que nous pouvons accepter sans émotions que nos sociétés aient perdu l'envie de vivre, parce que c'est ça la question. Ce n’est pas seulement que les conditions socio-économiques ne s’y prêtent pas, c'est qu'on a perdu l'envie de vivre.

La politique de l'enfant unique en Chine, on ne se rend pas compte de ce qu’elle entraîne comme bouleversement anthropologique. Vous avez tous des amis chinois, j’en ai. Quand vous vivez dans un pays où il n'y a plus ni oncle, ni tante, ni frères, ni sœurs, ni neveux, ni nièces, ni cousins, ni cousines… Représentez-vous votre vie à vous. Vous enlevez vos frères, vos sœurs, vos oncles, vos tantes, vos cousins, vos cousines, vos neveux et vos nièces et vous n'avez que le lien vertical avec ceux qui vous ont fait naître votre père et votre mère quand il le reste. Ce n'est pas seulement un affaiblissement, c'est un changement anthropologique.

Et tout ceci si l'on croit que ça va se passer sans difficulté, si l'on croit que le déséquilibre entre l'Inde – qui va atteindre un milliard et demi – et la Chine – qui va descendre, disent les démographes, à 750 000 000 – si on croit que ça va se passer comme ça et si on croit que l'immense Russie – avec les potentiels incroyables de matières premières qui sont les siens – vont se trouver sans conséquence de ces solutions-là… Qui croit qu'un pays national fermé sur lui-même peut affronter tout ça ? Qui peut ?

La vérité est qu'il dépend de l'existence ou pas de l'Europe, que nous croyons ou pas dans notre civilisation et dans nos valeurs, et que donc, y croyant ou pas, nous entrions dans la voie de renouveler ou pas les générations. Ceci est une question vitale au sens biologique du terme. Si nous n'affrontons pas ces questions-là, alors nous serons balayés, emportés. L'empire romain auquel nous sommes pour beaucoup d'entre nous attachés, d'où nous venons, l'empire romain y a laissé la peau. Ceci est la responsabilité des convictions que nous portons. Des convictions européennes que nous nous portons, et donc cette certitude que pendant longtemps nous avons été des croyants envers et contre tout mais que nous avons changé de statut. C'est pourquoi le résultat, Ulrike, que vous avez eu en Bavière – et je veux saluer nos amis de Hesse aussi qui sont au début de cette ascension. Nous savons ce que c'est d'être nous en France, aujourd'hui en Italie, d'être minoritaire en ayant la certitude d'avoir raison.
Ce changement que nous vivons des fondamentaux de la vie et de la politique, ce changement-là, il va, je le crois aussi sûr que 2 et 2 font 4, ce changement-là va nous conduire à avoir à assumer des responsabilités partout dans nos pays et sur l'ensemble de l'Union européenne à une condition, c'est que nous préparions les chemins de l'unité.

 

Il n’y a aucune possibilité – je dis ça à Matteo, en sachant ce que je dis, je dis ça à nous aussi, en France – il n'y a aucune possibilité de gagner ce combat si on laisse coloniser ce combat par des querelles égoïstes, égotistes. Non, ce qui compte, c'est le fond de cette affaire et le fond est désormais entre nos mains. C'est pourquoi ce congrès était si spécial pour moi. Et au fond, en dépit des drames, si heureux, pas seulement à cause de la Bavière, mais aussi parce que le climat, la lumière sont en train de changer sur le continent européen et que, Démocrates et Européens, il y a là-dedans l'essentiel du projet de société.

Je voudrais finir sur cette idée. La démocratie est attaquée partout dans le monde. Parce que partout dans le monde des dirigeants et des tyrans disent « À quoi ça sert vos débats, vos élections, on perd du temps, vous passez votre temps, comme on dit en France, à chercher des poils sur les œufs et à couper les cheveux en 4 ». C'est beaucoup plus facile, beaucoup plus robuste de prendre les attentes les plus archaïques et à prendre des décisions de gestion.

Nous sommes les porteurs de quelque chose qui est infiniment précieux et le mot humaniste a été employé à plusieurs reprises, et notamment par Sandro, quelque chose qui est infiniment précieux, qui est la traduction politique de l'idée de fraternité.

Vous savez, la devise de la France, c'est liberté, égalité, fraternité. Il m'arrive de dire qu’on peut tout à fait envisager la liberté sans l'égalité. On peut tout à fait envisager l'égalité sans la liberté. Mais on ne peut pas envisager la fraternité s'il n'y a pas et la liberté et l'égalité. Et nous sommes les détenteurs de cette idée. Je dis ça pour le manifeste : à mon avis, on n'a pas poussé encore assez loin et j'ai été heureux d'entendre Ulrike sur ce sujet parce que je crois que la démocratie est fragile, parce qu'elle n'est pas allée au bout de sa logique. La démocratie est fragile parce que nous n'avons jamais considéré les citoyens comme étant des partenaires dans la décision politique. On ne donne jamais aux citoyens les vraies raisons, ou en tout cas suffisamment de raisons. On considère comme si la décision devait se prendre en haut et que les gens d'en bas devaient obéir, que c'est comme ça que ça marche. Je crois le contraire. Je l'ai dit beaucoup sur le débat sur les retraites en France : donnez-leur les vrais chiffres comme s'ils étaient membres de votre cabinet et qu'ils devaient vous aider à prendre une décision. Le jour où on considérera, et je crois que c'est nécessaire, le jour où on considérera les citoyens comme devant être respectés en tant que partenaires du pouvoir, alors la démocratie aura des résurgences qu'on ne qu'on ne mesure même pas aujourd'hui parce que, comme l'Europe est pour nos nations, la démocratie est pour nous, peuple des citoyens, la seule issue possible si l'on veut détourner les malheurs qui s'accumulent au-dessus de nos têtes. Merci à tous.

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