Marc Fesneau : "On s'en sortira par l'innovation" 

Marc Fesneau
(© Marc Fesneau)

Retrouvez ci-dessous l'entretien accordé par Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire et Premier vice-président du Mouvement Démocrate, au quotidien La Provence.

Propos recueillis par François TONNEAU

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Le gel vient de frapper durement certains agriculteurs. Est-ce à eux de s'adapter ? Où l'État peut-il intervenir ?

Il faut attendre un petit peu pour quantifier précisément les dégâts. Il a touché ponctuellement, mais fortement des vignobles, notamment dans le Luberon. On surveille cela très précisément, sachant que des producteurs fruitiers sont touchés également. Ils peuvent bénéficier de couvertures d'assurances et d'indemnités de solidarité nationale. Au-delà, sur l'aspect résilience, on incite à travers des appels à projets, à utiliser des techniques comme la micro-aspersion ou le brassage de l'air par des mini-éoliennes. On peut jouer aussi sur la technologie de conduite de vigne (taille plus tardive des vignes), pour que les bourgeons sortent plus tard. Les Saints de glace ne sont pas nouveaux, mais les hivers doux sont plus nombreux et accentuent les risques. 

Le Parlement européen vient de voter un volet de la Politique agricole commune simplifiant les contraintes environnementales. Est-ce la fin des jachères ?

Ce volet de la PAC négociée en 2023 avait inclus une obligation de 4 % de jachères, sans aucune culture, ni même valorisation des terres. Une logique décroissante de production, alors qu'on importe beaucoup de céréales notamment. Dire qu'on doit produire moins, c'est prendre un risque immense en termes de souveraineté. En plus, on ne se met pas à l'abri d'accidents climatiques comme en a connu l'Espagne l'an dernier. 

On renonce à certains objectifs environnementaux ?

Non, il ne faut surtout pas. Le vote au Parlement européen indique, à une large majorité, qu'on peut déroger à la jachère mais que ce n'est pas un blanc-seing, un "faites comme avant". Au même titre que pour les prairies sensibles qu'on ne pouvait réensemencer, même si elles étaient asséchées, ce qui est ridicule, ces assouplissements de règles sont de bonne foi. On n'a pas rabaissé les objectifs sur le bio, ni sur la rotation des cultures. Mais un peu de bon sens ne nuit pas. On ne touche pas aux haies, ni aux mares. On a fait un énorme mouvement de simplification. J'ai mené le combat, notamment avec mon homologue espagnol pour aller vite. Personne n'aurait pensé qu'on y serait arrivé en deux mois. 

La simplification, c'est la base de la reprise en main ?

Certaines contraintes normatives environnementales sont mal vécues par le monde agricole, parce qu'elles sont parfois ubuesques. Les obligations de débroussaillement, par exemple, entrent en collision avec l'interdiction de destruction de certains habitats naturels. Mais il est sans doute mieux de défricher dans l'Esterel afin de débroussailler et d'éviter des incendies qui pourraient en brûler plusieurs centaines d'autres. Desserrer les contraintes, c'est les rendre cohérentes. On a intérêt à préserver la biodiversité et c'est aussi dans l'intérêt des agriculteurs. 

Des agriculteurs qui restent sceptiques sur les mesures prises depuis la crise. Il faudra attendre l'automne pour voir les résultats ?

Cette crise est majeure, elle est le produit d'une sédimentation qu'il faut tous assumer, de trois politiques agricoles communes... Je n'ai jamais pensé qu'on la réglerait en trois mois. C'est du temps long. On a besoin de décliner nos mesures, de montrer concrètement que les simplifications s'inscrivent dans la durée, que les moyens mis en oeuvre assainiront les situations. On est au clair, on a un important changement de logiciel national et européen en cours, mais on n'est pas quittes. Quand on dit qu'on va raccourcir les procédures sur le stockage d'eau par exemple, il y a des règles à respecter, mais il faut passer à l'acte. Je comprends la vigilance des agriculteurs. Ils ont connu des années de promesses et il ne s'est rien passé. Tous les éléments sont sur la table. Je ne crains pas le débat qui s'ouvre à l'Assemblée nationale sur la loi d'orientation agricole. On est solides sur ce qu'on veut. On peut toujours me dire qu'on ne va pas assez loin, mais on n'est jamais allés aussi loin sur les installations, la simplification et la souveraineté. 

Vous venez dans le Gard et Vaucluse pour parler innovation. Est-ce une clé pour sauver l'agriculture française ?

Je veux montrer comment on peut avancer par l'innovation. Dans le Gard, je visite un centre technique sur les fruits et légumes qui travaille sur un insecte stérile capable de stopper les dégâts d'un moucheron, la drosophile suzukii sur les cerises, sans utiliser de molécules dangereuses interdites. On peut trouver des solutions en sortant des produits phytosanitaires. À Avignon, je viens voir un projet très innovant appelé "Tommates". On met en place des îlots agricoles de plus de mille hectares où poussent des tomates de plein champ, afin de rouvrir une usine de transformation dans la Drôme. Mais où on produit aussi de la méthanisation pour les céréales, légumes et légumineuses. L'idée est de retrouver de l'autonomie sur la fertilisation. Et on cherche des outils d'aide à la décision sur l'utilisation de l'eau. C'est un projet innovant entrant dans le cadre de France 2030, à hauteur de 12 millions d'euros pris en charge à 50 % par les pouvoirs publics. On peut retrouver ainsi de la souveraineté pour des filières qui en bavent. C'est par l'innovation qu'on s'en sortira.

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